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Arquivos Brasileiros de Psicologia
On-line version ISSN 1809-5267
Arq. bras. psicol. vol.61 no.2 Rio de Janeiro Aug. 2009
ARTIGO
Sonho e adolescência
Dream and adolescence
David Bernard
Maître de Conférences en Psychopathologie à l'Université Rennes II; Psychanalyste.
Endereço para correspondência
RÉSUMÉ
L'adolescence sera ici étudiée sous l'angle des rêves, nouveaux, qui surprennent les sujets à ce moment de la vie. Nous verrons alors ce que l'adolescence doit au travail de l'inconscient, et au chiffrage de la jouissance qu'il opère. A l'appui de la pièce de Théâtre L'éveil du printemps, de Frank Wedekind, ainsi que du commentaire qu'en fit Jacques Lacan, nous démontrerons en quoi c'est un désir nouveau, qui fait l'adolescence, et affecte le sujet.
Keywords: Adolescence; Rêve; Désir; Inconscient; Jouissance
RESUMO
A adolescência será estudada aqui sob o ângulo dos sonhos, novo, que surpreende os sujeitos nessa época da vida. Veremos, então, a relação da adolescência com o trabalho do inconsciente e o ciframento de gozo que ele opera. A partir da peça de teatro « O despertar da primavera », de Frank Wedekind, e do comentário que dela faz Jacques Lacan, demonstraremos que o que faz a adolescência é um desejo que afeta o sujeito.
Palavras-chave: Adolescência; Sonho; Desejo; Inconsciente; Gozo.
ABSTRACT
In this paper, adolescence is studied from the angle of the new dreams which surprise subjects at this time of life. We will consider what the work of the subconscious and the encoding of pleasure it carries out contribute to adolescence. The paper shows the extent to which adolescence consists in a new desire which affects the subject, with reference to Frank Wedekind's play Spring Awakening and Jacques Lacan's commentary on this work.
Keywords: Adolescence; Dream; Desire; Subconscious; Pleasure.
Dans sa Promesse de l'Aube, Romain Gary (1980) se souvient qu'il y avait dans la cour de son immeuble une sorte de grange, ou de garde-meuble. Un endroit où il aimait enfant à passer ses heures parmi les objets qui y étaient entreposés. Il y accédait par le toit, après y avoir soulevé quelques planches, et ainsi libéré un passage... secret, comme c'est la règle dans les aventures enfantines. Et le voilà alors qui, se trouvant seul parmi la multitude de ces poussiéreux objets, breloques et autres vieilleries rangés de la vie, pouvait faire de ces objets chus de l'Autre, les usages symboliques que lui commandaient ses fantasmes du moment : « J'ouvrais délicatement (les valises et les coffres), en faisant sauter la serrure ; ils déversaient sur le sol, dans une odeur de naphtaline, toute une vie étrange d'objets vieillots et désuets, parmi lesquels je passais des heures merveilleuses, dans une atmosphère de trésors trouvés et de naufrage ; chaque chapeau, chaque soulier, chaque coffret de boutons et de médailles, me parlait d'un monde mystérieux et inconnu, le monde des autres. Un boa de fourrure, des bijouteries de pacotille, des costumes de théâtre, (...) tout ce petit bric-à-brac que l'humanité laisse derrière elle sur ses rives, à force de couler, à force de mourir, traces de passage, humbles et biscornues, de mille campements évanouis. Je demeurais, assis sur la terre nue, le derrière glacé, à rêver devant les vieux atlas, les montres cassées, les loups noirs, les articles d'hygiène, les bouquets de violettes en taffetas, les habits de soirée, les vieux gants comme des mains oubliées » (GARY,R, op.cit., p. 93).
Ainsi donc, c'est à l'appui de ces objets séparés de l'Autre, comme autant de restes de son désir jadis consommé, que l'enfant fomentait ses rêveries, qui suffisaient jusqu'alors à assurer sa jouissance. Or voilà qu'un après-midi, sur le point une nouvelle fois d'accéder à son royaume, il y surprend un couple « très occupé » : le pâtissier de son quartier, et l'une des servantes de l'immeuble, tout à leurs ébats. « Je n'eus aucune hésitation, précise t'il, à reconnaître la nature exacte du phénomène que j'observais : c'était pourtant la première fois que j'assistais à ce genre d'ébats. Je remis pudiquement la planche en place, ne laissant que juste ce qu'il fallait de fente pour me renseigner » (Idem, p. 93). En effet, cet instant de voir ne laissa pas de tourmenter le jeune Romain, d'autant qu'il se répéta, le couple ayant conquis en cet endroit ses habitudes. « A plusieurs reprises, je faillis tomber du toit, essayant de démêler ce qui se passait. » (Idem, p. 93).
Le voilà qui s'en confie alors à ses amis, lesquels, butés sur leur conceptions déjà forgées de la Chose, refusent de croire à son récit. Les uns l'accusent de menteur, tandis que d'autres, plus bienveillants, lui expliquent que, regardant de haut en bas, il devait avoir tout vu à l'envers, d'où son erreur. La curiosité gagnant alors la troupe, décision commune fut prise : une permanence serait installée sur le toit de la grange, et un drapeau emprunté au concierge. A la prochaine visite des amants, l'éclaireur hissera le drapeau, et chacun pourra rejoindre son poste d'observation. Le petit Marek Luka fut le premier éclaireur qui assista au spectacle. Seulement, sidéré par ce qu'il découvrit, il oublia d'agiter le drapeau, au grand désespoir de tous. Pressé par ses pairs de décrire la scène, il confirma alors le récit qu'en avait fait le jeune Romain. « Nous nous consultâmes longuement, rapporte l'écrivain, pour essayer de nous expliquer les mobiles d'une conduite aussi bizarre, et finalement, ce fut Marek lui-même qui formula l'hypothèse qui nous parut la plus plausible : « Peut-être qu'ils savent pas s'y prendre, alors ils cherchent de tous les côtés ? » (Idem, p. 94).
J'ai choisi d'introduire mon commentaire de L'éveil du Printemps, de Frank Wedekind (1974), à partir de ce récit de Romain Gary, pour des raisons qu'il me faut à présent préciser. La première est que nous y voyons démontré que les rêveries d'un enfant, avant qu'il ne soit un grand, écrivent une jouissance qui n'inclut pas, dans les cas les plus ordinaires, le rapport en acte à l'Autre sexe. A sa façon et en ses termes, Freud l'avait déjà noté(FREUD, 1985, p. 37). Jusqu'à l'adolescence, un seul désir anime les fantaisies de l'enfant, celui d'être un grand. Aussi voyons-nous ici le jeune Gary se rêver combattant, et dénicheur de trésors, comme autant d'objets du désir agalmatiques, impossibles à conquérir, si ce n'est dans l'imaginaire. Toutefois, Gary, dans ces lignes, nous rappelle autre chose encore : c'est au lieu de l'Autre que le sujet pourra entrevoir l'inexistence du rapport sexuel. Nous savons en effet comment, en ce qui concerne l'enfant, c'est à questionner, ou à surprendre ses parents, que l'enfant forgera ses théories sexuelles, et pour peut-être déjà recouvrir ce qu'il pressent là, derrière les embarras de l'Autre, d'une question laissée sans réponse. En quoi je tiens pour parole de vérité le dire du plus jeune de ces enfants, sorte de petit Gibus de la Guerre des boutons, avant que ceux-ci ne décident trop vite du sens de ce qu'ils découvraient : en effet, il se pourrait que ce soit faute de savoir s'y prendre, que homme et femme cherchent de tous côtés, à se confondre l'un et l'autre.
Mais alors, quelle sera la conséquence de ce moment où l'enfant, en effet, deviendra grand, et pourra cette fois pour lui-même, et en acte, faire l'expérience de la rencontre avec l'Autre sexe ? Je précise ma question : quelles en seront les conséquences sur le plan imaginaire, où à l'appui du symbolique et contre le réel, se déploient ses songes, où pourra être remanié son désir, et changée sa vision du monde ? C'est là en effet la dernière phrase de Gary que je retiens. Se souvenant de sa découverte de ces polissonneries du jeune pâtissier, il conclut : « J'ai toujours aimé la bonne pâtisserie, mais, depuis, je n'ai jamais regardé les gâteaux du même œil ». Il se pourrait donc qu'un sens nouveau (2001, p. 75), selon une formule que j'emprunte ici au jeune Flaubert, se répande sur le monde de l'adolescent. C'est là la thèse qu'à partir de Freud et Lacan, et de leur lecture de Wedekind1, je souhaiterais soutenir. L'adolescence est l'effet d'un sens nouveau qui revient au sujet par le travail de son inconscient, à l'exemple du jeune Moritz, dont Wedekind nous conte dans L'éveil du printemps le rêve, et qu'à la suite de Lacan, je voudrais situer ici comme paradigme.
Pour ce faire, reprenons d'abord quelques-unes des conclusions de Freud, sur le rêve et l'adolescence, qui figurent dans son article Le créateur littéraire et la fantaisie. Premièrement, note Freud, pour tout sujet, le fantasme, autant que la rêverie diurne, et le rêve, constituent « un correctif » (FREUD, op. cit., p. 38), c'est à dire une réponse de ce sujet, aux insatisfactions qui s'imposent à lui dans la réalité. En d'autres termes, le fantasme, comme les rêves, sont une façon pour le sujet de soutenir son désir, à l'appui de l'imaginaire et du symbolique, contre les mésaventures de cette jouissance dont on sait qu'elle ne convient jamais, qu'elle soit en défaut ou en excès. Toutefois, l'adolescent est aussi celui qui se verra poussé par un désir nouveau : un désir érotique (Idem), incluant désormais le trait de l'altérité (FREUD, 1987, p. 160). Enfin, ces remaniements du désir auront des conséquences sur les fantaisies imaginaires du sujet. Les produits de l'activité imaginative, dit Freud, reçoivent « de chaque nouvelle impression active (...) une estampille d'époque » (FREUD, 1985, p. 39).
Ainsi, ce qui d'inédit, surgira et surprendra au moment de la puberté, viendra à s'écrire dans les rêveries de l'adolescent. L'imaginaire de l'adolescent se verra marqué, frappé, d'un sceau nouveau. Toutefois, ne nous y trompons pas, une temporalité logique fait aussi le temps de l'adolescence. L'estampille nouvelle ne fera que réveiller les impressions anciennes du sujet, où son désir s'était déjà inscrit. Le sujet ne rêvera à son avenir, que selon les voies déjà tracées par son désir infantile. Et Freud de conclure : « Passé, présent, avenir donc, comme enfilés sur le cordeau du désir qui les traverse » (Idem). Derrière la vie filante, et les rêveries qui la soutiennent, le même désir indestructible qui la porte, ainsi que Freud le fit aussi valoir dans son Interprétation des rêves (2004, p. 677)2.
De là, je passe à présent aux commentaires que fit Lacan de la pièce de Wedekind, puisqu'à son tour, il y fait place au rêve et à l'imaginaire chez l'adolescent. Et ce, dès sa première phrase, qui fait l'axe central de mon travail : « Ainsi un dramaturge aborde en 1891 l'affaire de ce qu'est pour les garçons de faire l'amour avec les filles, marquant qu'ils n'y songeraient pas sans l'éveil de leurs rêves » (LACAN, 2001, p. 561). A quoi Lacan fait-il ici allusion ? Après Freud (1976, p. 135), au rêve que fit l'adolescent Moritz, personnage principal de la pièce. Un rêve qui le toucha comme la foudre et qui, lui retournant ce qu'il nommera ses excitations mâles, ne laissera plus de l'intranquilliser. «Un rêve très court..., dira t'il, des jambes en bas bleu du ciel, qui montaient sur le pupitre, pour être exact, j'ai seulement pensé qu'elles voulaient l'enjamber. Je les ai vues très furtivement » (WEDEKIND, 1974, p. 22-23).
Voici donc le peu dont nous partons. Le peu, mais suffisant déjà à démontrer pour Lacan, ce qui fait l'adolescence, côté garçon. A savoir quoi ? Une interprétation de l'inconscient, au sens où par le rêve, ainsi que Lacan l'avance dans son Séminaire Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, l'inconscient est interprète (1973, p. 118). Voilà en effet ce qui m'a arrêté dans cette phrase et laissé longtemps perplexe. L'idée ne viendrait pas aux garçons de faire l'amour aux filles, si leurs rêves ne les éveillait pas à ce désir nouveau. C 'est donc qu'à l'instar de Moritz, le sujet adolescent sera toujours surpris par son désir... qui lui sera d'abord extime. L'adolescence est le produit d'une interprétation de l'inconscient, qui viendra embarrasser le sujet d'un désir nouveau, pour l'empourprer, comme on le sait, des couleurs de la honte. Le sujet sera adolescent... malgré lui, par le fait, et via le rêve, de son inconscient, ce travailleur idéal.
Seulement, pourquoi, et comment ? Le Séminaire de Lacan Les non-dupes errent, qui suivit la rédaction de ce commentaire de la pièce de Wedekind, nous permet en partie d'y répondre. Lacan, relisant l'article de Freud Quelques additifs à l'ensemble de l'interprétation des rêves (1992b), y revient en effet sur le travail psychique que constitue le rêve. Tâchons de reprendre ici sa démonstration.
Première question que pose Lacan (Les non-dupes errent, leçon du 20 Novembre 1973): à quoi sert le rêve ? Réponse de Freud : à protéger le sommeil (FREUD, op.cit, p. 142). Et comment s'y emploie t'il ? Par le travail de chiffrage, dans lequel il consiste. Si l'inconscient est un savoir, c'est d'abord qu'il est un chiffrage. Le rêve est une interprétation de l'inconscient, en ce qu'il consiste en un travail de chiffrage de la jouissance. Nous retrouvons là le sceau, l'estampille, que Freud supposait déjà au rêve. Le travail du rêve constitue une écriture, un rébus, disait Freud (2004, p. 3193), ce savoir, dira t'on avec Lacan, venant chiffrer la jouissance qui pourrait sinon menacer le sujet (Les non-dupes errent, leçon du 20 Novembre 1973). Le rêve, autant que le fantasme, est donc bien une défense, un correctif, du sujet contre le réel. Et c'est en quoi le rêve protège le sommeil, défendant le sujet, ange gardien oeuvrant à son insu, contre le réel qui pourraient sinon le réveiller dans l'effroi, l'angoisse et autres affects du trauma. Nous avons donc une fonction de défense du rêve, par le travail de chiffrage de la jouissance que l'inconscient y réalise. Seulement, reste à préciser en quoi le chiffrage opère cette défense.
Le travail de chiffrage du rêve va d'abord constituer et fixer un sens, dit Lacan, et en cela, écorner cette jouissance. Ce qui est là déjà, une façon de protéger le sujet contre le réel : évider la jouissance, produire sa perte en l'écrivant, en la fixant par le sens, dans le registre de l'imaginaire (LACAN, Les non-dupes errent, leçon du 12 Novembre 1973).
Toutefois, réduire le sujet à cette perte de jouissance serait l'assurer de la mélancolie. Et c'est pourquoi ce travail de chiffrage va également assurer au sujet un reste de jouissance. Freud remarque en effet que l'interprétation de l'inconscient, dans le rêve, aura aussi pour conséquence de procurer au sujet un « gain immédiat de plaisir » (FREUD, 1992b, p. 141). « Un plus-de-jouir là, immédiat », traduira Lacan (Idem, leçon du 20 Novembre 1973). Le travail psychique qui s'opère dans les productions imaginatives d'un sujet, telles le jeu, le fantasme, et le rêve, selon la série freudienne, auront donc pour fonction, outre le fait d'évider la jouissance, celle de le faire jouir, même si c'est de façon plus courte. De l'opération de chiffrage de l'inconscient, se déduit donc l'objet (a), autant que son effet de cause d'un sujet (Idem). Le chiffrage, par la cause de plus-de-jouir qu'il introduit, est aussi ce qui déterminera un effet sujet.
Il me semble donc qu'à partir de ces développements, nous pouvons à présent éclairer le commentaire que Lacan fait du rêve du garçon adolescent. Ce rêve consistera en un travail de chiffrage de son inconscient, pour venir le défendre de la jouissance énigmatique qui de son corps, s'imposera à lui à la puberté. Le garçon adolescent est alors ce sujet qui, par le fait de cette interprétation de son inconscient, se verra affecté d'un sens nouveau, un sens sexuel, dit Lacan (Idem, leçon du 11 Juin 1974). Or, dans la logique de ce qui précède, nous pouvons en déduire que ce sujet sera affecté doublement par ce sens. Sur le mode d'une perte, tout d'abord : en tant que chiffrage, le sens sexuel viendra pour ce sujet « figer » (2001, p. 562) comme impossible le rapport sexuel. Mais il tempèrera aussi cette perte, par la production d'un désir nouveau, accordé à une jouissance écourtée, la jouissance phallique. C'est là ce que Lacan nommera dans ce texte, jouissance du sens. Le sens sexuel viendra donc « figer », en même temps que tempérer, et recouvrir l'inexistence du rapport sexuel. Au défaut d'une jouissance toute, viendra se substituer la jouissance phallique, cette jouissance du sens avec lequel le sujet masquera le « trou » du non-rapport sexuel. « Il y a un rapport du sens à la jouissance », dira Lacan dans son commentaire, avant que d'ajouter, « Que cette jouissance soit phallique, c'est l'expérience qui en répond » (Idem)4.
Ainsi, cette estampille d'une époque que Freud épinglait, aura bien un effet dans les fantasmes et rêves du sujet adolescent. D'ailleurs, de Wedekind à Musil en passant par Flaubert et Rimbaud, tous auront su, avant Freud et Lacan, prendre au sérieux la rêverie adolescente, au point d'en faire oeuvre. Et pour cause, quand ces rêveries éveilleront l'adolescent à un sens nouveau donné au monde, pour lui permettre de s'y soutenir comme sujet désirant, contre l'excès qui le menace. Dès lors, titillé désormais par cette idée de faire l'amour aux filles, que lui aura murmuré son inconscient, le sujet pourra goûter aux courtes jouissances phalliques de la rêverie imaginaire. De doux songes que certains aimeront éterniser, à défaut de pouvoir « dormir tranquille » (WEDEKIND, 1974, 24), comme le dit Moritz. Rêver à l'amour, à la mesure du soupçon déjà pressenti d'une écriture impossible du rapport sexuel. A l'exemple, dans la pièce de Wedekind, du collectionneur d'images, le sujet pourra même s'y complaire, et souder (FREUD, 1992a, p. 151), au défilé de ses belles images, ses pratiques solitaires. Mais il pourra aussi, s'il y consent, passer à l'acte, c'est à dire quoi ? Oser « se tromper », notera Lacan au sujet de l'homme, soit rencontrer non pas La femme, qui n'existe pas, mais « une femme, avec laquelle tout arrive : soit d'ordinaire ce ratage en quoi consiste la réussite de l'acte sexuel » (LACAN, 2001b, p. 538). D'ailleurs, n'est-ce pas là ce que les récits des premières fois nous content : l'expérience faite, par ce sujet, du premier ratage, que l'acte ait été réussit, ou pas ? La désillusion adolescente, qui voisine et accompagne toujours les rêveries amoureuses, en donne le signe. L'épreuve à faire, en son nom, de l'inexistence du rapport sexuel, voilà donc ce qui ferait l'adolescence, une épreuve pour laquelle il n'y a pas d'initiation (LACAN, Les non-dupes errent, leçon du 8 Janvier 1974)5, mais l'assurance de la solitude.
Je conclurai à l'appui du texte de Freud, Quelques additifs à l'ensemble de l'interprétation des rêves, un texte que dans ce Séminaire Les Non-dupes errent, Lacan commente à plusieurs reprises. Freud en effet y pose la question suivante : si le rêve est l'accomplissement d'un désir, alors reste à savoir si le sujet consentira à assumer ce désir, cette part maudite, extime de lui-même, et pour s'en faire le responsable. Certains, note t'il, s'y refuseront, et se voudront meilleurs que leurs rêves, seulement, ajoute Freud : qu'ils regardent alors dans leur vie s'ils réussissent « à produire autre chose qu'hypocrisie ou inhibition » (FREUD, 1992b, p. 148). A quoi nous pourrions ajouter, symptôme. Souvenons-nous ici de la réplique de Moritz à son rêve. « J'ai pensé : je suis incurable » (WEDEKIND, 1974, p. 23). Incurable il l'était en effet, mais à s'y refuser, nous savons quelle fin fut la sienne. Et c'est pourquoi je terminerai par cette question : face aux embarras de l'adolescence, qu'y peut un psychanalyste ? Peut-être, à l'occasion, permettre au sujet d'oser signer le désir que lui a fait son inconscient. Lui permettre de l'assumer, contre la honte de vivre (LACAN, 1991, p. 211) qui le menace sinon.
REFERÊNCIAS
FLAUBERT G. Les Mémoires d'un jeune fou. Paris : Folio Classique, 2001. [ Links ]
FREUD S. Les fantasmes hystériques et leur relation à la bisexualité. Névrose, psychose et perversion. Paris : PUF, 1992a. [ Links ]
________. Quelques additifs à l'ensemble de l'interprétation des rêves. Résultats, idées, problèmes II. Paris : PUF, 1992b. [ Links ]
________. L'inquiétante étrangeté et autres essais. Paris : Folio,1985. [ Links ]
________. Les premiers psychanalystes. Minutes de la Société psychanalytique de Vienne, T.1 :1906-1908. Paris : Gallimard, 1976. [ Links ]
________. Trois essais sur la théorie sexuelle. Paris : Folio Essais, 1987. [ Links ]
________. L'interprétation des rêves. Paris : PUF, 2004. [ Links ]
GARY R. La promesse de l'aube. Paris : Folio, 1980. [ Links ]
LACAN J. Le Séminaire Livre XVII. L'envers de la psychanalyse. Paris : Seuil, 1991. [ Links ]
________. Préface à L'Eveil du Printemps. Autres écrits. Paris : Seuil, 2001a. [ Links ]
________. Télévision. Autres écrits. Paris : Seuil, 2001b. [ Links ]
________. Séminaire Les non-dupes errent (1973-1974). Inédit. [ Links ]
________. Le Séminaire Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Paris : Seuil, 1973. [ Links ]
WEDEKIND F. L'éveil du printemps. Paris : Gallimard, 1974. [ Links ]
Endereço para correspondência:
David Bernard
E-mail:dabernard2@yahoo.fr
Recebido em: 11/03/2008
Aprovado em: 10/07/2009
Revisado em: 06/07/2009
1 On trouve le commentaire que Freud a fait de cette pièce dans Les premiers psychanalystes, Minutes de la Société psychanalytique de Vienne, T.1, 1906-1908, éd. Gallimard, 1976, pp.134-140.
2 Commenté par Lacan J., dans son Séminaire Les non-dupes errent, inédit, leçon du 20 Novembre 1973.
3 « Le contenu du rêve est donné en quelque sorte dans une écriture en images ».
4 Cf aussi Lacan J., Séminaire Les non-dupes errent, inédit, leçon du 21 Mai 1974
5 Cf aussi Lacan J. « Préface à L'Eveil du Printemps », in Autres écrits, p. 562.