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Trivium - Estudos Interdisciplinares
versión On-line ISSN 2176-4891
Trivium vol.12 no.2 Rio de Janeiro jul./dic. 2020
https://doi.org/10.18379/2176-4891.2020v2p.86
ARTIGOS LIVRES
Les histoires orales de vie en commun de la diaspora culturelle et politique de la Mère Afrique à Mangueira
The oral stories of commn life in the cultural and political diaspora of Mother Africa at Mangueira
As histórias orais da vida comum da diáspora cultural e política da Mãe África na Mangueira
Pesquisadora laboratório Experice, França - universidades Paris 8 e Paris 13-Nord); Laboratório Lipis -Laboratório Interdisciplinar de Pesquisa e Intervenção Social, PUC. Membro do GT Psicologia Comunitária - Anpepp. Email: lozorio@gmail.com
RÉSUMÉ
Nous discutons de la problématique périphérique spécifiquement du processus migratoire qui a un allié important dans la culture: la samba. Pour intensifier ce processus, nous utilisons le dispositif lhistoire orale de vie en commun qui nous donne accès aux histoires surprenantes des habitants de la favela de Mangueira, une communauté pauvre de Rio de Janeiro, qui raconte la diaspora culturelle et politique de la Mère Afrique au Brésil. Nous avons choisi une histoire: celle qui nous donne accès à une mémoire dou jaillissent de nouvelles subjectivités qui clament de nouveaux sens dans ce monde. Il s'agit dune critique en acte contre le silence imposé aux périphéries. Le passé sert au combat, dans le présent. Cette production ontologique et politique de la mémoire provoque des tensions en intervenant dans une mémoire séquestrée et surcodifiée des luttes de la Mère Afrique dans le monde. Ses tensions permettent l'émergence de puissances révolutionnaires d'affections immémoriales qui appellent à des expériences de libération.
Mots-Clés: Problematique peripherique, Culture;Histoire de vie en commun, Processus migratoire.
RESUMO
Discutimos sobre a problemática periférica especificamente sobre o processo migratório que tem na cultura um aliado importante: o samba. Para intensificar este processo, utilizamos o dispositivo história oral de vida em comum que nos dá acesso às histórias surpreendentes dos moradores da favela de Mangueira, uma comunidade pobre no Rio de Janeiro, que narram a diáspora cultural e política da Mãe África no Brasil. Escolhemos uma história:a que nos dá acesso à uma memória de onde surgem novas subjetividades que clamam por novos sentidos neste mundo. Trata-se de uma critica em ato ao silêncio imposto às periferias. O passado serve para o combate, no presente. Essa produção ontológica e política da memória provoca tensões ao intervir em uma memória sequestrada e sobrecodificada das lutas da Mãe África no mundo. Estas tensões permitem o surgimento de potências revolucionários de afetos imemoriais que clamam por experiências de libertação.
Palavras-Chave: Problemática periférica, Processo migratório, Cultura, Histoires orales de vie en commun.
ABSTRACT
We discusse the peripheral issues specifically about the migration process that has an important ally in culture: the samba. To intensify this process, we use the oral life stories in common as a research device that gives us access to the surprising stories of the residents of the favela of Mangueira, a poor community in Rio de Janeiro, which narrate the cultural and political diaspora of Mother Africa in Brazil. We chose a story: one that gives us access to a memory from which new subjectivities arise that cry out for new meanings in this world. It is an act of criticism of the silence imposed on the peripheries. he past is for combat, in the present. This ontological and political production of memory causes tensions when it intervenes in a hijacked and overcoded memory of Mother Africa's struggles in the world. These tensions allow the emergence of revolutionary powers of immemorial affections that cry out for experiences of liberation.
Keywords: Peripheral issues, Migratory process, Culture, Oral life stories in common.
Introduction
Nous devons être attentifs aux moments faibles de l'expérience, en prêtant attention à Fintrigue presque invisible, dans l'ordinaire, dans le banal, dans la vie des gens, dans leurs agencements, dans leurs expériences, comme le dissent Maurício Lazzarato et Antônio Negri (2001). C'est la proposition de notre article: une invitation à faire des alliances avec les expériences de la favela de Mangueira, communauté pauvre de Rio de Janeiro, racontée à travers les histoires de vie de ses habitants. Ces histoires révèlent la mère tourmentée d'un processus migratoire qui explicite la puissance de la diaspora culturelle et politique qui cadence tout au long de leurs vies.
Quand nous nous référons à Mangueira comme une communauté pauvre, nous avons une compréhension de pauvreté comme puissance, dans le sens spinosien (Spinosa, 2005). Cette puissance comme force s'instaure dans un moment de nécessité qui s'ouvre au désir. Ce désir pulse malgré les inégalités qui traversent la vie de ses habitants. Nous sommes dans la problématique périphérique, soutenant un travail qui donne beaucoup dimportance à la richesse communautaire s'ouvrant à la potentialisation de forces et de formes résistantes, cherchant des articulations entre la valeur de la liberté et la valeur de l'égalité dans l'affirmation de la diversité et du pluralisme
Ces pulsations, perçues au jour le jour, ont une alliée importante , la samba, culture locale, force résistante qui cadence le rythme de vie et même les corps des habitants à Mangueira, communauté qui a plus que 40.000 habitants. Ce nombre / intensité est un
effet d'un processus migratoire qui anime le nomadisme et le rythme local. Ses habitants les plus anciens sont des descendants des peuples venus de la Mère Afrique, forcés à devenir des esclaves par les portugais envahisseurs du Brésil. Il y a aussi les « nordestins » - ceux qui sont venus de la région du Nord-Est brésilien à la recherche de Rio de Janeiro, l'Eldorado qui pourrait leur donner une vie moins difficile. De nombreux viennent également d'autres favelas de Rio, quelquefois pour se protéger de plusieurs situations de violences.
Dans ce texte nous pouvons nous laisser baigner dans la diaspora, culturelle et politique des descendants des peuples venus de la Mère Afrique, à travers leurs histoires orales de vie en commun. Ces histoires de vie sont racontées en commun dans le Papo de Roda-Cercle des histoires orales de vie en commun (Ozório, 2016), un espace-temps proposé par les habitants de Mangueira, dans lequel ils se donnent une opportunité de travailler une mémoire, commune, pleine d agoras. Cette mémoire devient singulière parce que, dans son devenir singulier, elle emprunte sa force dans l'Être en commun, une alliance avec les désirs et co- inspirations immémoriales de ceux qui participent au processus.
L'histoire de vie en commun est, donc, notre dispositif de travail, une recherche que nous réalisons avec la favela de Mangueira depuis 2003. Comme chercheurs, nous sommes impliqués dans une expérimentation que nous appelons, périphérique, avec ceux qui partagent avec nous leurs expériences de vies (Ozório, 2019 In : Delory-MOmberger, 2019; Lourau, 1997).
L histoire orale de vie en commun est un dispositif important pour ceux qui vivent l'expérience migratoire - cette machine à déranger les systèmes institués. Les migrants ont le droit de raconter leurs vies à travers leurs histoires, de les faire connaitre. Notre pratique est animée par une certaine utopie, construite quotidiennement : nous avons entre nous une sorte d'égalité tout en connaissant nos différences et les grandes inégalités sociales qui nous traversent. De plus, nous voulons réfléchir sur l'effort permanent ( ? ) d'affirmer des nexus entre le trop qui habite le champ de recherche, dans lequel nous sommes tous des acteurs impliqués dans le processus.
Le champ de recherche est un territoire insurrectionnel. S'impliquer avec ce champ c'est assumer une responsabilité éthique avec ce que nous faisons, renversant la soi-disant neutralité de plusieurs chercheurs dans le champ en sciences sociales. Nous essayons de donner de la visibilité à une pensée/action du covivre avec la diversité, avec le multiple, toujours en construction.
S'impliquer avec la problématique périphérique c'est se laisser baigner dans un devenir minoritaire, qui va animer nos lignes de pensée. Nous savons que lherméneutique ne rend pas compte de lontologie du monde. Cette implication met les chercheurs dans le terrain des luttes politiques, dans le présent, dans l'ici et maintenant du champ de recherche. La problématique périphérique dans la science ouvre un champ vers la vie, vers les manifestations concrètes de la critique sociale (Ozório, 2014; Ozório et Benyounès 2019a).
Le processus migratoire en tant que devenir minoritaire porte une critique au capital, à l'Etat et ses instituitions, y compris en nous (Lourau, 1978). Le devenir minoritaire crée une ouverture à l'étranger, au transitionnel, au désir, aux puissances. Pourquoi minoritaire? Il est nécessaire de ne pas confondre minoritaire et minorité. Le premier c'est un processus tandis que le second est un ensemble ou un état. La majorité "... suppose un état de domination, non pas Vinverse (...) la majorité (...) suppose déjà donnés le droit ou le pouvoir de Vhomme. C'est en ce sens que les femmes, les enfants, et aussi les animaux, les végétaux, les molécules sont minoritaires. (Deleuze E Guattari, 1980: 356.)
Quand nous nous impliquons avec le processus migratoire comme devenir minoritaire nous sommes invités à penser problématiquement. Le problème c est une multiplicité dispersée. Le contrôle continue, la dépendance aux modèles, les représentations et leurs mandats de conformité sont mis en question. C'est une non acceptation de l'homogénéisation. La pensée dans ses lignes de fuite s'intéresse aux différents modes d'être, de penser et agir dans le monde qui réalisent la puissance périphérique.
Samba et processus migratoire
Nous nous baignons dans l'alliance singulière entre le processus migratoire et la culture, plus spécifiquement la samba, puissance culturelle à Mangueira qui malgré les contradictions a plusieurs flux ouverts à la puissance de création. C'est un travail qui habite le terrain de lontologie (Ozório, 2018a).
Dans Thistoire de la samba à Rio de Janeiro (Guéron, 2010) les luttes contre la criminalisation des périphéries sont très présentes. Ses protagonistes étaient des expulsés de la terre, les capoeiras, les indiens et ses descendants, les portugais pauvres, les noirs. Les habitants des communautés qui avaient déjà vécus Texpérience de métissage entre les noirs, blancs et indiens faisaient aussi partie de ce processus. Le pouvoir républicain qui était en train de s'instituer au Brésil, trouvait la samba comme résistance affirmative actualisant la marque anthropophagique de la culture brésilienne. Ce fait a été bien relevé par le sociologue José Murilo Carvalho (1987) qui affirmait quà travers la samba, le monde sur-terrain des élites est englouti par le monde souterrain de la culture populaire. Il faisait une critique aux politiques officielles républicaines qui dès leur début veulent perpétuer au Brésil le sommeil des élites brésiliennes.
Les alliances entre la Mère Afrique et la samba peuvent expliquer le leadership des noirs dans la samba, avec leurs rituels, leurs danses, leurs rencontres religieuses, leurs conspirations et fuites (Guéron, 2010.).
La samba était dans le contre-courant de Thistoire officielle si violente qui a tout fait pour vider la puissance périphérique. La samba éternise plusieurs leaders populaires qui incarnent Tancestralité africaine, allié important du processus migratoire. C'est une lutte contre Thistoriographie du pouvoir des blancs colonisateurs racistes qui ont envahi le Brésil, ont essayé d'exterminer les peuples originels, et ont réduit en esclavage des peuples africains qui sont arrivés au Brésil dans les navires négriers, en structurant une société de classes, patriarcale, misogyne, qui exploite le travail (Albuquerque, 1981).
La samba de Mangueira du carnaval de 2019 à Rio de Janeiro est un analyseur de la résistance de la samba alliée des luttes des périphéries. Elle s'appelle Histórias para Ninar gente grande - Des histoires pour endormir les grands (Cuíca, Máximo, Miranda, Nunes, Moreira Filho et Oliveira, 2019). Un titre bien suggestif pour réveiller les brésiliens de ce sommeil produit par l'historiographie officielle qui les éloigne des luttes périphériques.
Cette samba affirmait la puissance du processus migratoire mettant en scène des leaders dune lutte ancestrale de la Mère Afrique au Brésil: Zumbi, Dandara, Luiza Mahin, Maria Felipa, Chico da Matilde", le jangadeiro (une sorte de pêcheur), mulatre pauvre, leader dune grève qui a provoqué la fin des embarquements des esclaves dans lEtat de Ceará. Tous ces leaders ont un protagonisme dans lhistoire de la liberté au Brésil, volé par le Portugal.
Au moment ou cette samba a été conçue, le Brésil vivait une époque d'intervention jurídico-policière, avec l'intervention international des États Unis, avec l'implémentation d'une politique de la droite fasciste qui essayait de démonter toutes les politiques progressistes du gouvernement antérieur (Streck, et Carvalho, 2020)..
Contre une narrative historique élitiste et eurocentrique cette samba se présente comme un dispositif de Mangueira pour déconstruire le pouvoir qui était en train de s'instaler au Brésil. Nous ne pouvons pas oublier que les brésiliens affrontaient un coup d Etat avec l'impeachment de la présidente Dilma Rousself.
Cette samba, un acte de résistance, a une narrative contre l'historiographie officielle, c'est une narrative des temps immémoriaux et aussi actuels. L'assassinat à Rio de Janeiro de la politicienne et sociologue Marielle Franco, en 2018, du parti Socialisme et Liberté, a été dénoncé dans les paroles de cette samba. Un hommage à l'importance du rôle de la femme s'allie à une lutte contre la violence qu'elle afronte dans la société brésilienne.
À Mangueira nous pouvons dire qu'à travers la samba résonne la voix de Makota Valdina, le fondement de la lutte antiraciste et la force du culte ancestral de la Mère Afrique: «... Je ne suis pas un descendant d'esclaves. Je suis descendant d'êtres humains réduits en esclavage ».
La samba et le processus migratoire, alliés, dans un travail ontologique, inventent des stratégies de résistance affirmative, permettant l'émergence de puissances révolutionnaires d'affections immémoriales qui appellent à des expériences de libération.
Les histoires orales de vies en commun et la diaspora sociale et politique à Mangueira
Dona Maria « (...) C 'étaient des esclaves dupalais de D. Pedro, qui étaient dans leur majorité, Angolais. Ils dansaient lAngola, le jongo, le tambour (...) (Dona Maria, Papo de Roda : 05/08/2003 In : Ozório, 2004, p.15)
Silvina : « (...) Tu habites à un endroit historique. Cela veut dire que nous voulons raconter cela au monde entier ; nous n'habitonspas à un endroit àpropos duquel on ne parle que de la violence. (...) Mon arrière-grand-mère est venue dans un navire négrier. (...) Plus de cent ans se sontpassés mais le problème continu, l'esclavage des peuples. Avant ces personnes étaient capturées de force etjetées, empilées dans un navire comme des objets. (...) Aujourd'hui, c'est le même empilement. A cause des pires conditions d'existence dans leurs pays, ils se sentent obligées de partir. (Silvina - Papo de Roda: 17/10/2003 In : Ozório, 2004 p.16).
Dona Mena - (...) Je suis directrice de Mangueira do Amanhã (Mangueira de lAvenir), depuis 15 ans. Ily a presque deux mille enfants. C'est beaucoup !!! Je pense que nous donnons de la joie aux gens quand les enfants défilent. C 'est très beau. Les enfants aussi se sentent très heureux. Tout le monde dansent et rient beaucoup. Défiler provoque une sensation que seulement ceux qui défilent peuvent expliquer. Nous faisons beaucoup d'efforts. Nous trouvons une énergie que nous ne comprenonspas. (...) Ily a aussi les enfants handicapés, ceux qui viennent dans des chaises roulantes. C 'est très beau. Certains ont à peine six ans. C 'est très important parce que cela contribue à leur éducation. (...) Ily a ceux qui ontparticipé àMangueira de lAvenir et aujourd'hui sont musiciens, compositeurs, danseurs... Ily a ceux qui voyagent, vontpartout dans le monde. Mangueira de lAvenir est une vraie école (...) (Dona Mena, Papo de Roda 2010 In : Ozório, 2004. p. 115-116).
À Mangueira, un des berceaux de la samba, il y a une habitude de dire que quand meurt un sambista, une bibliothèque meurt. C est une habitude qui exprime l importance de la culture de la samba dans la communauté. Les sambistas sont ceux qui incarnent la sagesse de la samba - dans le sens d'avoir la samba dans la chair, à travers la danse, la musique, sa culture. Ils vivent Thistoire de Tafro-descendance.
La samba montre que les périphéries n'acceptent pas une société pénitentiaire qui approfondit les douves asphalte-favela. Les périphéries savent que tout est dangereux, quil faut faire face à la politique de la peur, du désespoir, de la souffrance, de la misère. La samba contribue à la résistance des périphéries. C'est un acte d'insurrection culturelle (Ozório, 2018b).
Mangueira sur le terrain de notre recherche a trouvé un mode singulier d'affirmer la samba dans la communauté, dans la ville, dans le monde: ses habitants ont voulu raconter leurs histoires de vies, en commun, dans le Papo de Roda. Et nous font connaitre Thistoire de la culture de la samba qui migre vers des chemins inattendus. À travers cette culture la force de la Mère Afrique fait sa diaspora. Nous trouvons quelques fragments de ces histoires - ceux de Dona Maria, Silvina et Dona Mena - dans le début de cette dernière partie de notre texte.
Les habitants de Mangueira quand ils expriment leur désir de faire un Papo de Roda, trouvent une nouvelle expression de la diaspora afro-descendante. Le Papo de Roda, ce cercle de Toralité comme résistance de la Mère Afrique a une similitude avec le cercle du jongo, rappelé par D. Maria. Le jongo, une danse en cercle, était quand il est arrivé au Brésil, dansé dans les terreiros. Après il a migré dans plusieurs maisons de spectacles, déjà accepté par la bourgeoisie.
Le jongo, culture rappelée par D. Maria, était une culture de résistance. Comme elle le racontait, les esclavagisés par D. Pedro, un roi du Portugal imposé au Brésil, s'autorisaient à se réunir à Mangueira et jouer le jongo, malgré le pouvoir royal .
Le Papo de Roda aussi c est une culture de résistance. Il est important de contextualiser sa demande pendant le processus de notre recherche, durant Tannée 2003. À cette époque Mangueira affrontait le Programme Tolérance Zéro, de lEtat de Rio de Janeiro. Le gouvernement de cet Etat a tout fait pour exterminer les insurrections communautaires, effets des inégalités souffertes par les favelas. Le Papo de Roda s'est constitué juste à cette époque, comme un espace-temps de résistance. Les habitants de Mangueira lont considéré comme une sortie pour disséminer leurs histoires de vies, trouvant des modes de les raconter, montrant leur puissance. Ceux qui y participent établissent des liens entre cette résistance et la Mère Afrique. Il est important de dire que le Papo de Roda a été proposé après la mort dun jeune ami des habitants qui faisaient partie de notre groupe de recherche. Le Papo de Roda est devenu un dispositif qui faisait face à cette violence (Ozório, 2018b).
Les histoires orales de vies communautaires, avec le Papo de Roda, ce cercle d'histoire orale de vie en commun, entrent sur la scène de laction politique, multipliant les demandes, densifiant les indignations, ouvrant un horizon qui semblait opaque ou impossible. Ce sont des histoires surprenantes comme dirait Benjamin (2000) qui interviennent dans des époques dans lesquelles linformation avec lappui de rhistoriographie du pouvoir (dés)informe.
Dans le Papo de Roda les histoires rendent visibles d'autres territoires existentiels, pour de nouvelles coordonnées dénonciation collective. Et Lhistoire orale, rappelant Portelli (2000 ; 1997) se présente comme « extension de la politique », comme un dispositif important pour le XXIe siècle, ouvrant une perspective critique de rhistoriographie. Le champ narratif riche en micropolitiques du quotidien indique une présence radicale de Lhistoire orale, concevant Lhistoire comme un combat (Ozório, 2018b).
Paul Veyne (1992) affirme que Lhistoire est celle que nous choisissons. Donc, avec notre recherche, en respectant la demande de Mangueira, nous choisissons les histoires des périphéries. La culture de la samba avec une forte présence du processus migratoire afro-descendant se présente comme dispositif de carnavalisation des subjectivités, processus de réinvention de soi, de Lautre, de la réalité politico-sociale.
La production de subjectivités est comprise dans ce texte comme «une réinvention de la liberté à Vintérieur des conditions postmodernes de la domination et de Vassujettissement» (Negri, 2006 p.129). La liberté porte une condition de possibilité et d'effet. Lactualité de ce processus réside dans sa caractéristique d'être porteur du devenir, c'est-à-dire quil exerce une action contre le temps et sur le temps qui va venir. La culture joue un rôle important dans la production de la liberté. Elle la réinvente au jour le jour.
Les fragments de Lhistoire de D. Maria confirme cette action racontant la présence de la culture du jongo qui se réinvente à Mangueira, Rio de Janeiro, amenée par les peuples qui sont venus de LAfrique au Brésil, esclavagisés par les envahisseurs portugais, comme Larrière-grand-mère de Silvina, venue au Brésil dans les navires négriers.
C' est « ... un endroit historique. » affirme Silvina, cette autre habitante de Mangueira, dans un Papo de Roda. Mangueira est criminalisée, considérée comme un endroit violent par les médias et des subjectivités conservatrices. Ils construisent une histoire du pouvoir qui cache la violence soufferte par les périphéries exercée justement par ce pouvoir. Ces subjectivités stimulées par les médias nient les luttes des périphéries pour affirmer leurs vies.
Il faut le dire : Mangueira c'est un endroit historique qui a une histoire de luttes, des résistances qui ont besoin d'être racontée par ceux qui Lont vécue.
D. Maria parle du jongo, une danse d'origine africaine de type batuque ou samba, qui a beaucoup influencé la culture populaire brésilienne. Le jongo était accompagné par les tambores (tambours, instruments de percussion), un soliste au centre et la présence éventuelle de lumbigada, (quand les danseurs se touchent les nombrils). Le chant du jongo est de type question-réponse. Le premier qui chante est le soliste, avec des couplets libres et improvisés. Tout le monde répond lors du refrain. Les phrases sont courtes et parlent du contact avec la nature, de la vie quotidienne, du travail physique dans les fermes et de la révolte avec l'oppression subie. Le jongo a ses variétés : le caxambu, le corimá. Il a eu une forte influence sur la formation de la samba à Rio, en particulier, et sur la culture populaire brésilienne dans son ensemble (Melo, 2002 ; Abreu, 2011 ; Martins, 2011 ).
Les luttes périphériques continuent. Comme dit Silvina, le même empilement continue aujourd'hui, à cause des pires conditions d'existence. Les migrants affrontent la politique de la peur, le désespoir, la souffrance, la misère. Comme machine dérangeante des Etats garants de la propriété privée et ses inégalités, les migrants désirent autrement.
Mangueira a d'autres modes de désirer/résister. Cela est bien exprimé par D. Mena, directrice de l'école Mangueira do Amanhã (Mangueira de Vavenir), l'école de samba des enfants, ouverte à tous les enfants de la ville de Rio. C'est un mouvement qui rassemble près de deux mille enfants. D. Mena, au début de cette partie du texte, exprime son enthousiasme dans un Papo de Roda auquel elle a participé en 2011.
Mangueira do Amanhã est une composition d'expériences partagées à travers la samba, avec les enfants de la ville. Mangueira do Amanhã reçoit des enfants de plusieurs parties de la ville de Rio, pas seulement de Mangueira. Il s'agit d'une différence -résistance aux régimes identitaires de la ville coupée en deux (Ventura, 1994). À Mangueira do Amanhã, asphalte et favela comme des différences réalisent un devenir minoritaire, expriment la puissance de la culture de la samba qui migre dans la ville. Et dans le monde.
Le Papo de Roda c est un type de narration singulière : la narration en commun, qui ne signifie pas un exercice de l'individualisme en groupe. Dans le collectif Papo de Roda, une mémoire, commune, travaille. Si les conteurs couraient le risque d'expérimenter rappelant Deleuze (1962 p. 140 apud Hardt et Negri, 2013a p. 47) « ... une force séparée de ce qu'elle peut ... » - n'oublions pas que les conteurs ont des marques des violences capitalistes dans leurs vies, dans leurs âmes, même dans leurs corps - la narration en commun de leurs histoires orales de vies leur donne des forces. L Être en commun, immanent dans le champ narratif, hybride une composition de mémoires, d ou jaillissent de nouvelles subjectivités qui clament de nouveaux sens dans ce monde. Cette mémoire devient singulière parce que, dans son devenir singulier, elle emprunte une force subjective dans l'Être en commun.
C'est une expérimentation avec les histoires de vie en commun proposée par Mangueira qui permet de penser la recherche biographique alliée à la puissance des mouvements migratoires et à la culture. Narrer en commun, c'est affirmer cette puissance. C est une communisation de la mémoire comme critique en acte contre le silence imposé aux périphéries. La mémoire en tant que praxis les convoquent, explicitant un intérêt à une histoire du présent construite contre le présent, à partir de ce qu'il porte comme devenir-autre. Le passé sert au combat, dans le présent. Une intervention dans le modèle anthropologique et métaphysique de la mémoire est mise en place ( Foucault, 1971).
Cette production ontologique et politique de la mémoire provoque des tensions en intervenant dans une mémoire séquestrée et surcodifiée des luttes de la Mère Afrique dans le monde. Il s'agit d'une production qui favorise le surgissement des puissances révolutionnaires des affects immémoriaux qui s'intensifient dans les plis et replis de la culture, racontée à travers les expériences de vies (Ozório, 2016)
Nous sommes dans le sein essentiellement problématique de la mémoire, qui s'engendre dans un jeu en commun entre le passé et le présent et se laisse aller dans ses lignes de fuite.
La culture va plus loin que nous ne l'imaginons. Les histoiries de vie montrent que seule la vie a des histoires indispensables. Il faut reléver la profondeur et l'actualité de Thistoire de vie, qui incrémente l'être et rouvre l'histoire en plusieurs directions (Pineau, 1983 ; Delory-Momberger et Niewiadomsky, 2009)
Notas
1 Le mot "Samba" qui comprend la musique et la danse correspondante est au masculin en portugais, au Brésil. Ce mot vient de "Semba" du dialecte Quimbundo des Bantus d´Angola (une des ethnies amenées par les portugais au Brésil pour l´esclavage à l´époque coloniale). Semba veut dire "umbigada" (toucher les nombrils), une façon de danser des anciens esclaves africains. Il y a ceux qui considèrent que samba vient du Congolais et signifie prière. Il est vrai qu´à son début la samba était associée aux rythmes religieux (P. B. Jacques, 2002 In : Ozório, 2016 p. 16).
2 Les favelas et l´asphalte sont des dénominations ségrégatives d´une ville coupée par les inégalités sociales. L´asphalte marque des zones de la ville habitées en général par les couches les plus favorisées. Les favelas marquent les zones contre lesquelles se manifestent plus explicitement les ségrégations. (...) L’histoire de la favela est chargée du poids oppressif de l´Etat. Elle a un rapport avec l´histoire de Canudos, une communauté du sertão (région aride du Nord-Est du Brésil) construite en 1893 qui a joué un rôle important en tant que symbole de la lutte contre le pouvoir de cette époque. (...) (Ozório, 2016 p. 12).
3 Un lieu des cultes de la religion africaine. Les terreiros étaient aussi un lieu de la résistance de la culture africaine, y compris de la samba. Ils ont été plusieurs fois envahis par la police qui persécutait les pratiques d´origine africaine (Guéron, 2010 ; Sodré, 1988).
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Musicografia
Samba "Histórias para Ninar Gente Grande". Compositores: Manu da Cuíca, Luiz Carlos Máximo, Tomaz Miranda, Vitor Arantes Nunes, Sílvio Moreira Filho e Ronie Oliveira. Carnaval 2019, Rio de Janeiro, Brasil. Escola de Samba Grêmio Recreativo Estação Primeira de Mangueira.
Recebido em: 01/07/2020
Aprovado em: 20/10/2020