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Trivium - Estudos Interdisciplinares

versão On-line ISSN 2176-4891

Trivium vol.13 no.spe Rio de Janeiro mar. 2021

https://doi.org/10.18379/2176-4891.2021vNSPEAp.12 

OS DISCURSOS E AS CAUSAS

 

La psychanalyse à l'épreuve de la différence / des différences (II)

 

Psychoanalysis to the test of difference/differences

 

A psicanálise à prova da diferença/diferenças

 

 

Sidi Askofaré

Professeur et directeur de recherches à l' Université Toulouse-Jean Jaurès. E-mail sidi.askofare@orange.fr

 

 


RÉSUME

L'identité en psychanalyse implique la relation avec les autres discours qui forment un lien social et qui traitent de la question des ethnies, des cultures, des religions et des sexualités. Et ceci parce que la question de l'identité s'impose à la fois pour eux et pour la psychanalyse comme un effet du discours de la science, quand il universalise et supprime le sujet. Mais quelque chose diffère de cela dans le contexte particulier de la psychanalyse du fait qu'elle s'adresse au sujet supprimé, lui permettant de rechercher ce qui est singulier dans l'identité.

Mots clés: PSYCHANALYSE; INDENTITÉ; LIEN SOCIAL; DISCOURS DE LA SCIENCE; SINGULARITÉ


ABSTRACT

The identity in psychoanalysis implies the relationship with the other discourses that form a social bond and that deal with the issue from ethnicities, cultures, religions and sexualities. And this is because the question of identity is imposed both for them and for psychoanalysis as an effect of the discourse of science, when it universalizes and suppresses the subject. But some-thing differs from this in the particular context of psychoanalysis due to the fact that psychoa-nalysis addresses the suppressed subject, allowing him to search for what is singular about identity.

Key words: PSYCHOANALYSIS; IDENTITY; SOCIAL BOND; SCIENCE DISCOURSE; SINGULARITY


RESUMO

A identidade em psicanálise implica a relação com os outros discursos que fazem laço social e que se ocupam da questão a partir das etnias, culturas, religiões e das sexualidades. E isso por-que a questão da identidade se impõe tanto para eles quanto para a psicanálise como efeito do discurso da ciência, quando ele universaliza e suprime o sujeito. Mas algo se diferencia disso no contexto particular da psicanálise em decorrência do fato de ela se dirigir justamente ao sujeito suprimido, permitindo-lhe buscar o que há de singular na identidade.

Palavras-chave: PSICANÁLISE; IDENTIDADE; LAÇO SOCIAL; DISCURSO DA CIÊNCIA; SINGULARIDADE


 

 

Dans ma première conférence, hier, je crois avoir établi que du point de vue de la psychanalyse, la question de la différence rejoint celle de l'identité, à la condition bien sûr de ne pas s'en tenir à la conception imaginaire de l'identité - l'identité moïque - et de ne pas réduire la différence au seul « narcissisme des petites différences » si bien diagnostiqué par Freud. C'est que nous avons à présent des ressources de doctrine qui nous permettent d'aller bien au-delà : l'inconscient réel, l'identification au symptôme, la séparation et l'identité de fin.

De sorte que la question de l'identité et de la différence, qui pouvait paraître comme un thème exogène à la psychanalyse, fait de catégories de la philosophie et de l'anthropologie, apparaît comme renvoyant au cœur même de l'expérience psychanalytique. C'est à partir de cette hypothèse que j'examinerai le problème sous le titre ; « De l'identité à la différence, et retour ».

 

1.

Que ce soit d'un point de vue théorique ou dans sa pratique, on peut dire que la psychanalyse est une mise en question de l'identité. J'ai bien dit mise en question et non mise en cause. J'y insiste parce qu'en français, les deux expressions sont proches mais totalement opposées. Dans la mise en question, c'est la dimension épistémique de la question, de l'interrogation voire de la problématisation qui est en jeu, alors que la mise en cause porte sur l'existence même de la chose.

Au départ de cette mise en question de l'identité, - qui n'est pas sa pure et simple négation -, nous avons le choix entre deux hypothèses. La première pourrait s'énoncer : « Nous savons ce qu'est l'identité ». Et dès lors il ne nous restera plus qu'à déterminer ce qu'est l'identité en notre champ, et comment la psychanalyse la met en question voire en cause. La seconde hypothèse supposerait, elle, l'inverse d'énoncer : « Nous ne savons pas ce qu'est l'identité ». Ce n'est pas tomber dans « la mystagogie du non savoir » que de considérer que la seconde hypothèse est la plus juste et surtout la plus féconde.

Pourquoi ? D'abord parce qu'il serait trop présomptueux de notre part de d'ignorer ou de tenir pour rien ce que d'autres discours que le nôtre ont pu élaborer sur l'identité(1). Que la sociologie, l'ethnologie, l'anthropologie et aujourd'hui le « Journal » se soient emparé de l'identité pour substantialiser, essentialiser, « racialiser » et in fine naturaliser les cultures, les communautés et les appartenances ne justifie pas pour autant la récusation de cette notion. Derrière les errements et parfois la débilité des « sciences humaines », il y a souvent des questions fondamentales qu'elles ont hérité du champ de la pensée, philosophique notamment. Si l'on ignorait le prix de la notion d'identité pour la philosophie, d'être l'index de ses questions les plus fondamentales (l'être, l'Un, le sujet), Heidegger se fait fort de nous l'enseigner : « Ce qu'énonce le principe d'identité, entendu dans sa basse fondamentale, est précisément ce que toute la pensée occidentale ou européenne pense, à savoir que l'unité propre à l'identité forme un trait fondamental de l'être de l'étant. Partout où nous entretenons un rapport, quel qu'il soit, avec un étant de n'importe quelle sorte, nous nous trouvons placés sous un appel de l'identité. Sans cet appel, l'étant ne pourrait jamais apparaître dans son être. Partant, il n'y aurait pas non plus de science. Car la science ne pourrait être ce qu'elle est, si l'identité de son objet ne lui était chaque fois garantie d'avance. »(2)

Cette « garantie », nécessaire à la science, ne vaut-elle pas également ou afortiori pour la pratique qu'elle conditionne : la psychanalyse ? Que l'on ne puisse guère concevoir ou imaginer une cure sans la garantie de l' « identité » de l'analysant qui s'y soumet justifie à soi tout seul qu'on s'arrête à la question de l'identité en psychanalyse.

*

L'identité, comme question, se pose à nous au moins sur deux fronts dès lors que nous tentons de rester fidèle à ce qu'emporte le concept de « champ lacanien » - qui n'est rien s'il ignore ou oublie le lien, l'articulation voire parfois la dépendance de la psychanalyse à l'endroit des autres discours qui font le lien social. Aussi, sans s'y attarder, il n'est pas inutile de souligner que la question de l'identité dans la psychanalyse, et celle des identités (ethniques, culturelles, religieuses, sexuelles, etc.) dont s'occupent les sociologues, les anthropologues, ou les historiens) relèvent d'une même détermination : le discours de la science et ses effets d'universalisation et de « suppression du sujet ». Le paradoxe, fécond en l'occurrence, est que c'est de cette même science - qui repose sur le principe d'identité en tant qu'elle ne peut recevoir comme objet qu'un « universel indécomposable » - que vont procéder l'ethnologie et la psychanalyse qui visent, elles, la diversité, la différence, la singularité sans renoncer à l'universel, aux invariants, à la structure.

Nul doute que, chronologiquement, c'est par la question de la satisfaction, l'identité de perception, et par la clinique de l'identification que se thématise et se problématise ce qu'il en est de l'identité en psychanalyse.

Il reste néanmoins plus sûr d'emprunter une autre voie, si l'on s'accorde avec l'idée que ce que porte et transporte la notion d'identité n'est rien d'autre que la question de l'être.

Certes, cette question comporte plusieurs facettes et elle est susceptible de se décliner selon différents motifs et relations : être et différence (mêmeté, altérité, singularité, particularité, ressemblance, irréductibilité, etc.), être et avoir ( appartenance, appropriation, propriété, privation, etc.), être et devenir (statisme, immutabilité, changement, évolution, développement, histoire, altération, etc.), être et représentation (copie, imitation, figuration, reproduction, reflet, délégation, etc.). Il reste qu'une des voies gagnerait à être privilégiée, de conduire à l'opération qui fonde le sujet sur lequel la psychanalyse opère, et qui articule, peut-être pour la première fois, la question de l'identité, non pas de la chose, de la perception ou de la sensation, mais du sujet. « Je pense, donc je suis ». Mais, qui suis-je donc ?

 

 

2.

Si Lacan injecte la question cartésienne dans l'invention freudienne, c'est sans doute parce qu'elle est plus congruente avec l'inconscient-langage que toutes les formes d'analyse des résistances qui ont suivi la suprématie de la psychologie du Moi. De sorte qu'il n'est pas exagéré de dire que le premier mouvement de Lacan, dans le mouvement analytique a consisté à déporter la psychanalyse de la question de l'identité - que l'on prenne comme repère Freud et son « Moi » comme concept de l'instance en laquelle se cristallisent les identifications dans lesquelles le sujet se reconnaît ou Lacan soi-même avec son stade du miroir comme « formateur de la fonction du Je » - vers celle de la différence et de la division. Car les deux notions sont intimement liées, aussi liées que le sont celles d'identité et d'unité(3).

D'où les deux résultats auxquels a abouti le « premier classicisme » lacanien : division du sujet et manque-à-être. C'est dire qu'on ne fait que retrouver au niveau du sujet ce que le structuralisme a établi pour l'ordre qui le détermine, celui du signifiant, constitué d' « entités oppositives, relatives et négatives ».(4)

Pour autant donc que le sujet du signifiant est sujet divisé d'une part et sujet sans substance d'autre part, il manque de tout ce qui est nécessaire pour donner support à une identité réelle. Faute de cette identité, il est donc voué à s'identifier et à se prendre - méprise du narcissisme ? - pour le précipité de ses identifications : son Moi.

Faut-il alors considérer que l'identité du sujet doive être recherché du côté de l'objet et très précisément de l'objet a ? Difficile de penser que la monture puisse faire l'identité d'un bijou, et a fortiori si ce bijou est manque et la monture itou!

 

3.

La question qui se pose à nous désormais est de savoir de quel côté se tourner pour cerner ce qui, dans l'enseignement de Lacan a trait à l'identité du sujet. Formulation prudente, n'est-ce pas ? C'est pourtant ce qui me semble convenir pour un vocable, l'identité, qui, hors son usage en logique, est plutôt rare pour ne pas dire inexistant dans le lexique lacanien.

Dans la mesure où nous en sommes à la phase exploratoire de la question, essayons déjà de rassembler ce sur quoi il est difficile de ne pas s'accorder.

L'identité, soit la relation d'égalité, d'équivalence et de coïncidence de soi-même avec soi-même est problématique en psychanalyse essentiellement parce qu'elle est incompatible avec la catégorie de sujet du signifiant. En effet, l'identité de quiconque parle est mise en question par la structure de langage elle-même, en raison de son caractère oppositionnel, diacritique, relationnel. Le sujet du signifiant, s'il est ce qu'un signifiant représente pour un autre, comme Lacan nous a appris à l'épeler, est donc différence, différent voire différant parce que toujours différé par le S2 qui se divise en S1 -> S2.

Qu'en est-il de cette identité si nous introduisons - et Lacan le fait d'emblée puisqu'il inscrit son stade du miroir dans son schéma L - le corps, le fait que ledit sujet se supporte d'un corps?

L'imaginaire du corps non plus ne suffit pas à doter un sujet d'une identité, disons réelle, ne serait-ce qu'en raison de ceci qu'un corps change, se transforme, subit les effets - pour ne pas dire les outrages - du temps ou reçoit les hommages de la chirurgie.

D'où une première question : qu'y a-t-il chez un sujet qui soit susceptible de donner support et corps à quelque chose qui se soustrait ou que n'altère pas les effets de langage et les effets du temps ? Première piste.

Une autre perspective, non contradictoire avec la première, est possible. Elle consisterait à « relativiser » la catégorie de sujet - au sens de sujet du signifiant- ou plus exactement à en élargir les bases. D'ailleurs, n'est-ce pas ce que fait Lacan quand il formulait, en 1973, ce qu'il appelait son hypothèse (5) ou quand il proposait de substituer la notion de parlêtre, voir celle de LOM, à celui d'inconscient(6).

Toujours est-il que dans les deux cas, un virage est en vue de faire valoir le concept d'un « sujet réel » dont on sait que seul le modèle borroméen permet de le penser et de le formaliser. Or, qui dit borroméanité dit également nouage et nomination. Autant dire que tout nous oriente vers le symptôme.

Certes pas le symptôme « pathologique », le symptôme - métaphore, donc échafaudage de signifiants. Pas non plus le symptôme que le sujet est ou a pu être pour l'Autre (parental, notamment), ou pour le partenaire sexuel, mais le symptôme comme fonction de jouissance de l'inconscient, le symptôme comme lettre(7) donc, et comme nomination.

Au point qu'on pourrait aller jusqu'à définir ce sinthome, avec les termes de Platon dans Le Sophiste (254 d), comme « ce par quoi chacun est lui-même à lui-même le même ».

Le prix de la psychanalyse étant que, loin d'enfermer le sujet dans la jouissance autistique de ce symptôme de séparation, en fait, au contraire, point d'appui pour réinvestir le lien social.

 

Referências

Aubert, J; Lacan J. (1985). Joyce Avec Lacan, Paris: Navarin.         [ Links ]

Arnaud, C. (2006). Qui dit je en nous?. Grasset.         [ Links ]

Braudel, F. (1986). L'identité de la France (Vol. 3). Arthaud-Flammarion.         [ Links ]

Heidegger, M. (1998). Identité et différence, in Questions I, Paris, Gallimard.         [ Links ]

Hume, D., & Lévy-Bruhl, L. (1946). Traité de la nature humaine (Vol. 1740). Paris: Aubier.         [ Links ]

Lacan, J. (1975) « Le Séminaire, Livre XX » Encore, Paris, Editions du Seuil, p. 129. (Originalment publié en 1973).         [ Links ]

Leibniz, G. W., & Vérin, J. H. (2016). Nouveaux essais sur l'entendement humain: Livre I-Avec une analyse de J.-H. Vérin. Collection XIX.         [ Links ]

Locke, J. (2006). Essai Sur L'entendement Humain: Livres III-IV Et Textes Annexes. Vrin.         [ Links ]

Saussure, F. De. ( 1972). Cours de linguistique générale, Paris, Payot.         [ Links ]

Lévi-Strauss, C. (2007). L'identité: séminaire interdisciplinaire. Presses Universitaires de France-PUF.         [ Links ]

Wittgenstein, L. Tractatus Logico-Philosophicus.-Wittgenstein L. Izbrannye raboty, 10-227.         [ Links ]

 

 

(1) Sans reprendre tout ce qui s'est élaboré sur l'identité, soit sur le même et la « mêmeté », on peut néanmoins rappeler quelques repères marquants : Héraclite, Parménide, Platon ( Le Sophiste), mais aussi et surtout Locke ( Essais sur l'entendement humain), Leibniz et son « principe des indiscernables » ( Nouveaux essais sur l'entendement humain), Hume (Traité de la nature humaine, Livre II), et jusqu'à Quine ( Le mot et la chose) en passant par Wittgenstein ( Tractatus logico-philosophicus) et Heidegger ( « Identité et différence », in Questions I). Encore plus près de nous et dans des champs différents, rappelons enfin « L'identité de la France » de Fernand Braudel, le Séminaire interdisciplinaire dirigé par Claude Lévi-Strauss au Collège de France en 1974-1975 - L'identité -, ou dans une tout autre perspective le très récent essai de Claude Arnaud, Que dit je en nous ?, paru chez Grasset.
(2) M. Heidegger, « Identité et différence », in Questions I, Paris, Gallimard, 1968, pp. 260
(3) C'est ce que suggère, en tout cas, la méditation heideggerienne sur l'identité et la différence : « L'identité implique la relation marquée par la préposition « avec », donc une médiation, une synthèse : l'union en une unité. De là vient que, d'un bout à l'autre de l'histoire de la pensée occidentale, l'identité se présente avec le caractère de l'unité. », in « Identité et différence », art. cité, pp. 258-259
(4) F. De Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1972, p. 164
(5) « Mon hypothèse, c'est que l'individu qui est affecté d'un inconscient est le même qui fait ce que j'appelle le sujet d'un signifiant. », in Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Editions du Seuil, 1975, p. 129.
(6) « D'où mon expression de parlêtre qui se substituera à l'ICS de Freud ( inconscient, qu'on lit ça) : pousse-toi de là que je m'y mette, donc. », in Joyce avec Lacan, Paris, Navarin éditeur, 1987, p. 32
(7) La fonction de la lettre est fondamentale parce qu'elle permet de nouer le statut du symptôme comme « procès d'écriture » et l'identité de soi à soi qui la distingue du signifiant et en fait la condition de la science.

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