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Jornal de Psicanálise

versão impressa ISSN 0103-5835

J. psicanal. vol.48 no.89 São Paulo dez. 2015

 

TRADUCTION

 

La fonction symbolisante de l'objet

 

 

René Roussillon

 

 


RÉSUMÉ

L'auteur s'attache à approfondir le rôle et la fonction de l'objet primaire dans le développement des capacités de symbolisation du sujet. Il décrit un transfert réciproque de la relation, ou plutôt du rapport à l'objet, à la relation ou plutôt au rapport avec l'appareil de symbolisation ou l'activité de symbolisation. A côté de la fonction pare-excitation de l'objet, classiquement décrite, l'auteur met en évidence une série de "besoins du Moi" dont le respect favorise le développement de la symbolisation et de l'appropriation subjective que celle-ci rend possible. Se profile alors une différence entre l'objet "à" symboliser et l'objet "pour" symboliser, et entre la relation à l'objet et le registre de "l'utilisation de l'objet", plus spécifique de la question de la fonction symbolisante de l'objet. Ce dernier doit assurer une fonction défléchissante et une fonction réfléchissant pour le sujet, éviter retrait et rétorsion dans les réponses qu'il apporte aux mouvements pulsionnels du sujet en souffrance d'élaboration, il ne peut éviter de se montrer créatif dans celles-ci.

Mots-clés: symbolisation, objet primaire, besoins du moi, réflexivité, utilisation de l'objet, médium-malléable, limites


 

 

Si la théorie est nécessairement une théorie du sujet et une théorie pour un sujet, elle ne saurait éviter d'être simultanément une théorie de l'objet et une théorie de la manière dont l'objet subjective ou permet au sujet de s'éprouver tel. Telle est la fonction symbolisante de l'objet, si l'on accepte de superposer le développement de la symbolisation avec la fonction d'appropriation subjective et subjectivante.

C'est sans doute pourquoi, toujours plus, la psychanalyse essaie d'approfondir sa représentation de la fonction symbolisante de l'objet et du processus de symbolisation, c'est pourquoi aussi elle modifie ou doit infléchir certains pans de sa théorie pour les rendre plus adéquats à ses avancées dans la compréhension de celle-ci. Elle a dû ainsi d'abord reconnaître que la symbolisation ne va pas de soi, qu'elle est le fruit d'un travail interne qui requiert plus que la simple retenue de la décharge, elle a du ensuite admettre que la qualité et la nature de la liaison intrapsychique sont tout aussi fondamentales que ses aspects seulement quantitatifs. Notre conception du travail de la symbolisation a dû intégrer ces précisions et être modifiée en conséquence. Mais celles-ci retentissent aussi sur notre conception de la fonction intersubjective des objets Oedipiens, sur notre conception de leur fonction "symbolisante", ou potentiellement "symbolisante", pour le sujet.

Ainsi la théorie de l'étayage 1905 qui ne requérait de l'objet rien de plus qu'il n'était nécessaire pour assurer l'autoconservation - à charge pour l'enfant, sur la base de la satisfaction de ses besoins corporels d'élaborer ses auto-érotismes pour faire le lit de sa sexualité actuelle et future - ne peut plus, à son tour, satisfaire aux exigences de notre représentation des nécessités impérieuses de la fonction première des objets. L'approfondissement de la clinique des pathologies identitaires-narcissiques rend tellement plus aigu ce qui pouvait rester relativement masqué ailleurs - je dis bien relativement, car le problème était bien sûr déjà là, cf. la rancune de l'"hystérique" ou la pensée magique de "l'obsessionnel" - qu'elle précipite et a précipité l'urgence d'une incessante remise en chantier de la question des particularités et de la nature de l'étayage de la symbolisation sur l'objet et les objets œdipiens.

Peut-être d'ailleurs, faudrait-il abandonner le concept d'étayage qui reste trop souvent marqué par ses origines, et est source tant dans la seule figure du "soutien" qu'il promeut, que dans l'appui qu'il a trouvé du côté du besoin corporel au détriment souvent des "besoins du moi" (D. W. Winnicott) ou des conditions de possibilité de la symbolisation et de la subjectivité. Ces derniers ne requièrent pas que du "soutien", de "l'étayage", de la part de l'environnement, à moins de donner à ces termes une extension considérable et d'en faire la métaphore de l'ensemble des conditions de possibilité de l'activité représentative.

Il en va de même sans doute pour la polysémie de plus en plus manifeste du concept d'objet en psychanalyse qui est source de malentendus et d'ambiguïtés, qui n'ont pas tous la valeur des "indécidables" nécessaires à l'élaboration psychique, ceci surtout dans ce que le concept clinique révèle précisément du caractère historiquement crucial de la fonction subjectivante de la reconnaissance par un autre-sujet.

Ces deux difficultés tendent à cumuler leur effet d'estompage, à travers la notion d'étayage et même celle d'étayage sur l'objet, de la relation transférentielle qui ne semble s'établir entre, ce que j'appellerai d'un terme global, le rapport à l'objet ou à l'autre-sujet, et le rapport à la symbolisation elle-même, au processus et/ou à l'appareil de symbolisation. Je viens de formuler la première des propositions que je souhaite avancer dans cet article: les caractéristiques du rapport primaire l'objet tendent à se transférer dans le rapport du sujet à l'activité de symbolisation et à la "reconnaissance" symbolique qu'il pourrait en attendre.

A. Green et J. L. Donnet (1973), à la suite de W. Bion et de la théorie de la pensée qu'il propose, ont déjà nettement indiqué que dans la psychose l'atteinte ne concernait pas seulement tel ou tel fantasme singulier mais de manière plus générale "I'appareil de symbolisation" lui-même: le "pensoir" comme aimait à l'appeler W. Bion. Ce que la psychose met clairement en évidence en l'imposant à l'esprit, me parait présent de manière plus diffuse ou plus masquée dans l'ensemble des pathologies identitaires-narcissiques et même sans doute au-delà dans les névroses de transfert elles-mêmes même si son enjeu alors ne revêt pas alors le même caractère crucial que dans la psychose. Les différents modes de fonctionnement psychiques présentent des modes de rapports à la symbolisation, à ses appareils et à ses fonctions qui sont différents et spécifiques. Ces différences révèlent l'existence d'un rapport différentiel à l'activité représentative et ouvrent la question du sens historique de ces différences, ouvrent la possibilité d'une interprétation de ce rapport. Je l'ai personnellement souligné (R. Roussillon. 1995) à la suite d'autres, dans le rapport du sujet à cette partie de l'appareil de symbolisation qu'est le langage, mais cela s'applique aussi au rapport que le sujet entretient avec le registre de la symbolisation primaire, c'est-à-dire avec le registre de la production des représentations-choses, comme l'analyse des différences dans le fonctionnement de l'activité onirique et dans le rapport à l'activité onirique le met bien en évidence.

Les écrivains et les poètes plus particulièrement - je pense ici en particulier à ceux qui ont travaillé de front le problème de la matière même du langage a un Mallarmé par exemple ou encore pour évoquer une référence actuelle, à V. Novarina (cf. "Le théâtre des paroles"), en passant par les stylistes comme Céline ou Proust (cf. Roussillon, 1995) - sont des exemples marquants et même "cultivés", de ce rapport singulier et différentiel à l'appareil ou à la matière même du langage; mais, souvent à bas bruit, de manière moins tranchée, la "parole couchée" de nos analysants en témoigne à son tour. Le transfert, dans ces cas-là n'est plus alors tant à seulement repérer dans la relation que les analysants entretiennent avec l'analyste ou même avec la situation psychanalytique, qu'à saisir de manière complémentaire dans "l'utilisation" globale qu'ils font de l'analyse et de son dispositif-symbolisant, dans l'utilisation globale qu'ils font de l'appareil de langage. C'est en cherchant à comprendre quel pan de l'histoire ou de la préhistoire est ainsi convoqué dans le transfert, c'est en cherchant à comprendre ce qui se transfère ainsi dans le rapport au dispositif et aux appareils de symbolisation, que l'hypothèse d'une reproduction, déplacée dans le rapport à la symbolisation, du rapport à la fonction symbolisante des objets oedipiens, s'impose de manière plus nette.

Une telle mise en perspective, légèrement différente de celles qui sont devenues maintenant relativement "classiques" dans la littérature psychanalytique, aide-t-elle a "creuser" plus ou à déployer d'autres aspects de la fonction symbolisante des objets? C'est ce à quoi ma réflexion actuelle essaie de s'attacher.

La question de la fonction symbolisante des objets œdipiens s'est surtout centrée sur deux aspects ou deux conditions ou préconditions de la symbolisation.

La première a trait à la fonction pare-excitante ou pare-quantité de l'environnement. Pour symboliser ou développer une capacité représentative il est nécessaire que la quantité d'excitation à lier par la symbolisation soit relativement modérée et qu'elle n'excède pas les capacités de l'infans. Ainsi le passage de l'hallucination-perceptive à la simple représentation de chose étayée par le pare-quantité proposé par les objets deviendrait-il possible. Une autre manière de dire est de souligner que ce qui est alors le principal facteur d'excitation reconnu, l'absence ou la séparation de l'objet, n'excède pas, par sa durée, les capacités du sujet à rétablir, grâce à la représentation, la continuité psychique nécessaire au sentiment de continuité d'être ou à son rétablissement. Le second "creuse" les conditions de la mise en oeuvre de ce pare-excitation en repérant dans le facteur qualitatif d'une organisation triangulée son axe majeur. l'attracteur œdipien. Que ce soit par le biais d'une référence au père dans la parole et le désir de la mère, ou par celui, suivant la formule de M. Fain qui a fait fortune, de la "censure de l'amante", ou encore - en référence à S. Freud- en évoquant les différentes métaphores de "la menace de castration proférée par la mère et attendue du père", on s'accorde à penser que la qualification par l'objet maternel de sa référence ou de son désir pour un tiers, permet au sujet de sortir de la spécularité présymbolique et anti-symbolisante

Pas de symbolisation sans un mode d'organisation œdipien, pas de symbolisation sans un écart entre deux autres sujets qui instaurent une fonction tierce et un processus de métaphorisation de l'un à l'autre. Le pare-excitation par excellence est le fruit de la tiercéité qui fonde le caractère organisateur de la double différence, des sexes, des générations.

De tels repères fournissent la matrice de la fonction symbolisante des objets œdipiens, ils ne me paraissent pas suffisants pour aborder et rendre compte de la clinique particulière qui nourrit mon élaboration actuelle. L'œdipe et sa fonction d'attracteur-liant pour la symbolisation, souligne une condition générale de la symbolisation, son cadre de déploiement, il désigne ce qui doit être approprié et lié, il ne précise pas suffisamment comment cette appropriation peut s'effectuer ni comment elle peut se rater. L'œdipe contient bien à la fois ce qu'il y a à symboliser et comment il faut symboliser, mais d'une manière tellement globale que sa mise en œuvre concrète reste à affiner et la condition de son appropriation subjective reste assez floue, quant à elle, au moins dans les premiers moments de son actualisation.

Un second niveau de référence dialectisé au premier essaie de déployer plus les particularités de l'actualisation de cette matrice ou de ce cadre général. Il s'agit de la référence à la fonction contenante de la mère ou du couple parental et au-delà à la fonction de "rêverie maternelle". Ici, de même que dans la fonction "miroir" de l'environnement premier décrit par Winnicott, un pas est franchi en direction de la mise en place des modalités de liaisons primaires qui rendent possible la rétention énergétique nécessaire à l'activité de symbolisation. Le modèle général dégage une fonction réflexive des réponses de l'objet aux émois, détresses et pulsions du sujet. C'est dans le mode de présence des objets cette fois, que le sujet doit puiser les matériaux de son activité représentative et pas seulement dans leur absence bien tempérée.

Ce modèle semble satisfaire plus d'un, surtout si la "capacité de rêverie de la mère" conserve une fonction métaphorique générale pour désigner l'ensemble des moyens dont l'objet se sert pour venir en aide au sujet, et lui permettre de lier et de contenir les irruptions de ses sensations et affects premiers. L'abstraction des formulations de W. Bion concernant la transformation des éléments bétas en fonction alpha, a paradoxalement elle aussi pris une valeur métaphorique dans l'échange interanalytique. Le travail de métaphorisation est important, il collecte une question, la "contient", avant que ses ramifications spécifiques, ses conflictualités cachées ses paradoxes estompés ne soient déployables. Peut-on maintenant tenter un travail de démétaphorisation qui ne laisse pas face à face avec une trop grande crudité de formulations, et n'enferme pas dans un modèle, certes important - celui du fantasme et du rêve - mais néanmoins limité, l'abord de la complexité de la question?

Remarquons d'abord que deux problèmes restent pendants dans les différents modèles évoqués plus haut, deux questions qui rendent indispensable l'appel à certaines théorisations de D. W. Winnicott. La première concerne le passage de la symbolisation et de la liaison primaire "proposée" par l'objet, ses comportements et sa "rêverie", à la symbolisation fruit du travail psychique du sujet lui-même. C'est-à-dire le travail de déconstruction-construction de l'appropriation subjective et créatrice de la symbolisation par le sujet lui-même. Elle n'est guère traitée par W. Bion à ma connaissance et souvent ailleurs écrasée par la référence au processus identificatoire. Or ici la réponse par l'identification ne vaut guère mieux qu'un cache-misère, car précisément ce sont les processus sous-jacents à l'identification symbolique ou symbolisante, qu'il faut expliquer et dont il faudrait rendre compte.

La seconde concerne le problème de l'articulation de deux faces de la fonction symbolisante des objets. Ils sont à la fois - c'est la difficulté que je notais plus haut concernant l'œdipe - objets à symboliser, dans leur différence, leur altérité, leur manque, et objets "pour" symboliser. Certes, et c'est aussi en ceci que la matrice œdipienne offre une structure de déploiement commode, mais que du même coup elle propose une facilité que précisément la clinique des souffrances narcissiques identitaires dénonce, on peut espérer "symboliser" l'altérité de l'un des objets avec l'autre et réciproquement, en disjoignant ainsi la relation à symboliser et la relation "pour" symboliser. Cette forme de "triangulation" à laquelle la pensée de l'analyste en cours de séance peut avoir recours, lui qui est à la fois à symboliser et pour symboliser, n'est cependant qu'un premier repère, surtout si la difficulté est toujours traitée ainsi. La distribution en deux pôles ambivalents estompe le vrai travail de la conflictualité, qui est précisément de pouvoir rencontrer et élaborer avec l'objet lui-même, l'altérité dont il est la cause.

Cette double nécessité, rencontrer l'altérité de l'objet et symboliser avec l'objet cette altérité, définit la rencontre avec ce que j'appelais précédemment I'autre-sujet. Que cette symbolisation ne puisse être totale est un fait clinique, mais l'importance de son avancée sera déterminante dans la capacité du sujet à symboliser avec un tiers (cf. le fonctionnement des auto-érotismes) le manque et l'incomplétude perçus dans la relation avec l'objet.

Lorsque j'ai commencé à présenter l'objet de mon travail actuel j'ai pris soin ne pas utiliser le terme "classique" de relation d'objet lui préférant le concept apparemment plus vague - à dessein - de rapport à l'objet. Dans "Jeu et Réalité" D W Winnicott a proposé un concept qui n'a pas eut autant de succès que celui de transitionnalité mais qui pourtant permet d'éclairer les difficultés que je viens de relever. À côté du registre de la relation d'objet qui concerne le mode de relation entretenu avec un objet séparé et différencié et sur ce fond, Winnicott propose de différencier la problématique de l'utilisation de l'objet. Le rapport à l'objet concerne la dialectique qui s'établit entre la relation à l'objet et l'utilisation de l'objet. Je voudrais proposer l'idée que le registre de l'utilisation de l'objet concerne de manière tout à fait particulière ce que j'ai appelé I'objet pour symboliser". Il concerne l'objet en tant que celui-ci se prête au jeu de la symbolisation du sujet, en tant qu'il accepte d'effacer ou d'atténuer le rappel de son altérité pour permettre celle-ci. L'utilisation de l'objet prolonge ainsi, et spécifiquement dans le domaine des besoins du moi, la préoccupation maternelle primaire, elle se déploie particulièrement dans les moments de jeu intersubjectifs qui prennent valeur de situation ou de moments symbolisants. Pour saisir l'articulation relation d'objet/utilisation de l'objet au sein de la question de la fonction symbolisante de l'objet, il est nécessaire de rappeler la conception Winnicottienne de la genèse de la découverte de l'altérité de l'objet.

Alors que les psychanalystes (depuis S. Freud et l'article de S Ferenczi de 1913) avaient coutume d'engendrer la découverte de la "réalité", ou plutôt de l'extériorité de l'objet, à partir de la frustration imposée à l'enfant par l'absence, c'est-à-dire d'engendrer directement la découverte de la réalité à partir de la frustration et d'engendrer la pensée et la symbolisation à partir de l'hallucination produite par l'absence, D. W. Winnicott propose une complexification de cette séquence, à l'origine de la question de l'utilisation de l'objet et de son articulation avec la destructivité.

Tout d'abord, première modification fondamentale, Winnicott propose de considérer que le processus hallucinatoire se produit bien en cas de montée de tension "pulsionnelle" (mais peut-on déjà parler de pulsion au sens strict du terme?) non pas seulement en cas d'absence de l'objet, mais de toute façon. L'hallucination est produite en réponse à la montée de tension et non en réponse au constat de l'absence de l'objet, elle est indépendante de la réalité de l'objet. Hallucination et perception ne sont pas en alternative, l'hallucination peut donc se produire en présence de l'objet. C'est ainsi que se pose le problème de la liaison de l'hallucination ou de l'excitation pulsionnelle par l'objet, le problème de la liaison "primaire". En cas d'absence de l'objet, l'excitation pulsionnelle et l'hallucination vont être traitées soit par la décharge évacuatrice, soit par un mode de liaison et d'intrication in statut nascendi (on évoque bien sûr ici la liaison masochique-primaire). Si, par contre, l'objet est présent et si la réponse de l'objet est "accordée" à ce processus hallucinatoire, elle est à l'origine du trouvé-crée et de la transformation de l'hallucination en illusion. Plus tard, et une fois le registre de l'illusion primaire instauré et suffisamment implanté, si sous l'effet de la "censure de l'amante" ou de la baisse de la préoccupation maternelle primaire, cette adaptation "sur mesure" faiblit et met en danger l'illusion primaire d'une auto-création de la satisfaction (ou de l'insatisfaction elle aussi trouvée-créée), et le type de lien primaire qui s'est ainsi mis en place grâce à l'objet et à ses soins, un pas de plus dans l'évolution va pouvoir être expérimenterpar l'enfant. La menace pesant sur l'illusion primaire déclenche une poussée de destructivité, liée autant alors à la détresse qu'à la rage devant l'éprouvé d'échec lié à la différence d'accordage maternel. C'est là que Winnicott propose une seconde modification de la théorie de la structuration de la psyché. Alors que classiquement l'extériorité était découverte, "dans la haine" certes comme l'écrit S. Freud, mais directement issue de la frustration et de la destructivité, et comme en opposition à celles-ci, Winnicott soutient quant à lui, que la naissance de I'extériorité dépend de la "réponse" de l'objet à la destructivité du sujet. Là commence le registre et de la relation d'objet et de l'utilisation de I'objet. Comme on peut le voir les modifications proposées par D W Winnicott ont pour effet d'introduire une étape de plus, étape dont l'effet si ce n'est la fonction, est de creuser la place de la réponse de l'objet dans le processus de symbolisation de l'enfant. Pour être découvert l'objet doit "survivre" à la destructivité, ce qui implique la présence de trois caractéristiques dans ses "réponses" à celle-ci: l'absence de retrait - l'objet doit se montrer psychiquement présent -, l'absence de représailles ou de rétorsion - l'objet ne doit pas engager un rapport de force avec le sujet-. Cependant ces deux caractéristiques premières et souvent seulement évoquées, ne suffisent pas, l'objet - et en ceci il témoigne de son existence comme autre-sujet -, l'objet doit sortir de l'orbite de la destructivité pour rétablir le contact avec le sujet: il doit se montrer créatif et vivant. C'est cette reprise de contact qui est décisive dans la découverte de l'extériorité de l'objet, les deux autres caractéristiques ne sont au fond que des préconditions nécessaires pour que celle-ci advienne.

A proprement parler, le travail de symbolisation ne prendra véritablement naissance qu'à partir de cette butée première à la destructivité: le lien peut survivre à l'attaque, mieux il se révèle dans et par l'attaque, comme liaison de la destructivité qui y était engagée. Dès lors "l'attaque des liens" soulignée par W. Bion dans les pathologies du narcissisme, apparaît comme une manière de tenter de retrouver, ou plutôt de trouver enfin, cette expérience que j'ai proposé d'appeler expérience du détruit/trouvé de l'objet. Dès lors aussi, il n'est peut-être pas besoin de faire appel à une "incapacité constitutionnelle à la frustration", pour expliquer certaines difficultés dans la mise en place de l'appareil de symbolisation, mais plutôt, c'est la ligne que propose implicitement Winnicott, d'évoquer l'insuffisance des réponses de l'objet à lier la destructivité primaire. L'objet ainsi découvert dans son extériorité, une relation d'objet, nécessairement ambivalente, va pouvoir advenir. L'objet "survit", il est "découvert" comme objet de la pulsion, il est aimé. Mais du même coup le sujet dépend de lui; l'objet peut être absent, manquer et de cela il sera haï. L'amorce du travail de symbolisation primaire surgira du nécessaire travail de réorganisation "après-coup" du monde de l'expérience d'illusion primaire, en fonction de cette nouvelle "donne" de l'expérience subjective. Ainsi si c'est par l'écart introduit par l'objet sur le fond de son adaptation primaire aux besoins du sujet, donc par la butée ainsi introduite, que s'ouvre le champ de l'expérience grâce à laquelle s'amorcera le processus complexe qui aboutira à la symbolisation, c'est par la "réponse de l'objet" à la destructivité ainsi mobilisée, que s'établissent les préconditions pour qu'un travail de symbolisation puisse devenir possible. L'objet est ici autant celui sur lequel bute l'illusion primaire que celui qui permet que la destructivité soit l'occasion d'une découverte structurante. Il opère autant par sa limite propre que par celle qu'il impose à la destructivité de l'enfant. L'évolution et son intégration progressive ne se produisent pas toutes seules, abandonnées aux seuls processus internes du sujet, elles ne se structurent qu'accompagnées d'une réponse adéquate des objets œdipiens, que si l'enfant n'est pas laissé seul en proie à ses impasses destructrices. La transformation de l'illusion et de la destructivité en moteurs de l'activité représentative ne peut s'effectuer sans l'entremise de l'objet.

L'étape suivante est celle de la présentation d'objet. Au fur et à mesure que la préoccupation maternelle primaire décroît et pour pallier aux effets de cette modification il est nécessaire que l'objet propose à l'enfant une procédure de suppléance pour ce qui vient à lui faire défaut. L'objet propose des objets, et "propose" à l'enfant de transférer le manque éprouvé dans l'adaptation, sur ces objets appelés ainsi à devenir des symboles primaires. Les "objets pour symboliser" vont devoir ainsi prendre le relais de ce que l'objet ne procure plus à l'enfant ou du moins vont aider à réduire l'écart qui s'instaure toujours plus entre le "trouvé" et le "crée". S'établit ainsi une dialectique entre ce que l'enfant peut continuer à puiser directement dans la relation à l'objet et ce qu'il va devoir se procurer à l'aide de la symbolisation. La condition de cette amorce d'activité représentative semble être que l'enfant ne ressente pas trop sa dépendance par rapport à l'objet ni la blessure de son immaturité et de sa relative impuissance. Le travail de la symbolisation permet de compléter l'effort adaptatif de l'objet et la baisse de cet effort adaptatif, pour rendre la réponse de l'objet "suffisamment bonne" pour le narcissisme de l'enfant.

Cela fait partie de la fonction symbolisante de l'objet que de fournir à l'enfant de quoi pallier suffisamment le manque issue de la relation avec lui. C'est ainsi que les limites perçues dans la relation à l'objet "ouvrent" sur la nécessité d'une utilisation d'autres objets "pour symboliser" et combler l'insuffisance de l'Objet lui-même. L'objet "propose" ainsi le transfert et le traitement de son manque sur l'activité de symbolisation et les objets qui rendent possible celle-ci. Cette "proposition" d'objet est essentielle à la possibilité de l'enfant d'utiliser ces objets pour symboliser le manque de l'objet. Encore une fois, ce n'est que par métaphore que l'on peut identifier cette "proposition" d'objet à l'introduction de la fonction paternelle. Cette dernière se présentera bien dans la ligne ainsi profilée, mais elle n'en représente qu'une forme particulière, que son horizon élaboratif, même si elle est particulièrement structurante. Il me paraît même vraissemblable qu'elle ne produira d'effets véritablement structurants que si elle à été précédée par une large "utilisation" des objets pour symboliser. Il nous faut refléchir maintenant sur la nature et la fonction de ces objets au sein de leur intrication avec la relation à l'objet dont elles sont le lieu du transfert-transformateur.

La première remarque que je souhaite faire à cet égard prolonge mes indications précédentes. Il est nécessaire que les "objets-symbolisants" soient proposés par l'objet lui-même et que leur utilisation rencontre l'accord de celui-ci, voire ses encouragements.

A travers la proposition d'autres objets, l'objet commence à ouvrir le champ de la différenciation entre relation à l'objet et utilisation de l'objet. L'appropriation subjective du travail de symbolisation suppose ce transfert et suppose qu'il soit favorisé par l'environnement premier, c'est à dire que celui-ci accepte le déplacement de certaines de ses caractéristiques sur d'autres objets, déplacement grâce auquel le "secret" de la symbolisation va pouvoir petit à petit être révélé: ceci vaut tout particulièrement pour ce qui concerne ce qui est impliqué par l'utilisation de l'objet.

Mais l'accord de l'objet est aussi rendu nécessaire pour une autre raison liée, celle-ci, aux auto-érotismes qui sont mobilisés par l'activité représentative et l'appropriation subjective qu'elle rend possible. La possibilité de jouer avec des objets-symboles primaires s'accompagne du développement des auto-érotismes - ici alors clairement différenciés des modalités d'auto-sensualités qui ne comportent pas d'activité représentative différenciée des mouvements hallucinatoires -, elle rencontre la même problématique de fond que ceux-ci, qui est celle des activités narcissiques secondaires. Elles sont "reprises aux objets", selon la formule éclairante de S Freud. Ceci signifie ici que l'appropriation de l'"objeu", comme les activités "auto" et en particulier les auto-érotismes, est vécue comme "prise", "enlevée" aux objets mis en jeu ou en représentation, accompagnée de la crainte et/ou du désir de déposséder ceux-ci des propriétés dont se pare l'activité représentative. Ces activités et le travail d'autonomisation, de deuil, qu'elles impliquent interrogent toujours de fait l'objet sur sa capacité à "survivre" à l'appropriation subjective qu'elles comportent et réalisent.

Le plaisir qu'elles comportent "craint et désire" tout à la fois de déposséder l'objet de son propre plaisir, les capacités nouvelles qu'elles procurent à l'enfant s'affrontent à la question de savoir si cet acquit s'est ou non effectuer à l'encontre et au détriment de l'objet.

La question est donc posée de savoir si l'activité de symbolisation et les auto-érotismes qui l'alimentent va atteindre l'objet et/ou la qualité de la relation à celui-ci. Si celle-ci n'est pas du tout "menacée" à travers les réponses faites par l'objet cela signifie qu'elle ne possède guère de valeur - elle n'a pas "atteint" l'objet parce qu'elle ne vaut rien ou pas grand chose. Si celle-ci est "trop menacée", selon le témoignage intersubjectif des modes de réponses de l'objet, alors s'ouvre le dilemme d'avoir à choisir entre la relation à l'objet ou la symbolisation, c'est à dire entre la relation à l'objet ou l'utilisation de l'objet: dilemme insoluble et violent. La réponse "symbolisante" de l'objet doit pouvoir diffracter la crainte et le désir: l'objet se montre atteint selon le désir et "survit" en démenti de la crainte. Il se montre atteint, ce qui accrédite la réalité de l'opération de séparation/différenciation en cours, ce qui "reconnaît" sa valeur et son enjeu, et donc donne la mesure du changement impliqué au sein de la relation à l'objet. Il "survit" dans ses capacités de plaisir, et ainsi permet de faire la différence entre la réalité matérielle et la réalité psychique en jeu dans le processus d'appropriation. Idéalement la dialectique des deux composantes du mouvement ainsi différenciées à l'aide de la réponse de l'objet, va produire un changement dans la relation à l'objet, changement qui témoignera de l'acquit nouvellement intégré grâce au travail de symbolisation effectué. Mais ainsi apparaît aussi combien la poursuite du travail de symbolisation reste dépendante du mode d'"accompagnement" de l'objet, de son miroir au sein de la relation à l'objet, et de la manière dont l'objet accepte et tolère l'utilisation de ses représentants-représentations déplacés au sein du jeu. A chaque moment l'objet peut mettre son "veto" sur le travail en cours, qui reste donc subordonné à son acceptation dans les faits. Proposer des objets pour symboliser, "survivre" au travail de symbolisation qui s'effectue avec ces objets, "survivre" aux déploiements des auto-érotismes et à la manière dont ceux-ci atteignent et transforment la relation, la réfléchissent à leur tour, tels sont aussi des aspects essentiels de la fonction symbolisante de l'objet, et de l'accompagnement du travail d'appropriation subjective et différenciatrice qu'elle vectorise et rend possible. La place des réponses de l'objet à ce déplacement, la manière dont l'objet promeut et accrédite celles-ci, relève de la fonction défléchissante de l'objet. Ceci nous amène naturellement à la troisième remarque que nous souhaitions proposer, concernant la place de la fonction de l'objet dans les premières formes du travail de symbolisation. Rétroactivement, l'utilisation des objets-symbolisants va permettre de diffracter et d'analyser certaines des caractéristiques premières du rapport à l'objet, ainsi rendues cernables "après-coup". Le jeu est un analyseur du rapport à l'objet. Le déploiement du jeu permet "après-coup" que ce qui était constitutif de la valeur de l'expérience de la rencontre première avec l'objet, puisse se révéler dans et par le travail de symbolisation; il est essentiel à l'appropriation subjective de l'expérience elle-même. Le transfert et la reprise différente et avec d'autres objets sont indispensables et consubstantiels à la révélation de la valeur de l'activité représentative elle-même. Mieux, c'est dans et par ce jeu que peut-être différencié "après-coup", ce qui relève de la relation d'objet et ce qui relève de l'utilisation de l'objet. C'est dans sa mise en œuvre que la différence se "creuse" et se découvre, qu'elle devient perceptible et représentable. À la relation d'objet revient au sein du rapport premier ce qui relève de la confrontation avec l'altérité de l'objet, avec la partie non-malléable de l'objet, à l'utilisation de l'objet donc à la symbolisation, est au contraire référé ce qui procède de la manière dont l'objet à effacé son altérité pour être "pour la symbolisation" du sujet, ou s'est rendu adéquat pour cette utilisation. C'est donc après-coup et grâce au jeu lui-même que l'écart entre relation d'objet et utilisation de l'objet va devenir mesurable, que la relation à l'objet va pouvoir être dégagée du poids de l'utilisation de l'objet et celle-ci utilisée pour symboliser cette relation. Ce qui signifie d'ailleurs que cet écart est relatif à un état donné du travail du jeu, et qu'il va être modifié par l'avancée de la symbolisation, celle-ci modifie donc la relation à l'objet. Nous sommes loin ici d'une conception de la relation d'objet qui ne s'établirait qu'en fonction du primat de telle ou telle activation pulsionnelle, c'est au contraire l'évolution des capacités de symbolisation qui détermine le registre pulsionnel engagé et par voie de conséquence le type de relation d'objet possible ou dominant. Relation d'objet et utilisation d'objet sont donc dans un rapport de complémentarité dialectique mouvant en fonction de l'avancé et du déploiement de la fonction symbolisante, elles sont à la fois différenciées et "non-séparables"; l'une ne peut être pensée sans référence à l'autre.

Jeu et non-jeu ne peuvent être appréhendés séparément l'un de l'autre, l'expérience et la symbolisation s'appellent et se signifient réciproquement et dialectiquement, de même qu'elles sont dialectisées avec les fonctions défléchissante et réfléchissante de l'objet qui les reconnaît et ainsi les approprient, ou les méconnaît et ainsi les invalident, les disqualifient dans leur fonction élaborative. C'est pourquoi l'étude des propriétés des objets-symbolisants, des formes du medium-malléable, est riche d'enseignement concernant l'ensemble des conditions-préconditions "relationnelles" de la symbolisation. Il est à la fois l'objet de transfert de celles-ci et en même temps le lieu de leur "analyse" de leur diffraction et de leur différenciation. La manière dont il est "utilisé", c'est à dire la manière dont ses différentes propriétés sont utilisables pour l'activité de symbolisation, renseigne sur l'histoire de ce qu'il hérite du rapport primaire à l'objet. Le rapport que le sujet entretient avec lui porte la marque de l'histoire du rapport entretenu avec l'utilisation de l'objet primaire, celles de ses capacités "utilisables" nous informe de ce qui à pu être utilisé dans le rapport primaire à l'objet, celles de ses capacités inutilisables sur ce qui n'a pas été disponible pour l'utilisation de l'objet primaire. Mais le rapport entretenu avec le "medium-malléable" du processus de symbolisation, porte aussi témoignage de la manière dont l'activité de symbolisation à été reconnue et accrédité dans le rapport à l'objet. C'est bien une possibilité d'avoir accès à la fonction symbolisante de l'objet, à travers son transfert sur l'objet-symbolisant, et symbolisant la symbolisation, qui est ainsi ouverte et rendue possible. A partir donc du transfert de la fonction symbolisante sur les objets-symbolisants ce sont les particularités de la manière dont l'objet a incarné sa fonction symbolisante, qui deviennent interprétables et analysables, qui sont susceptibles d'être reconstruites au sein du registre de l'utilisation de l'objet. Du même coup, cela permet de parfaire notre représentation des qualités relationnelles, des "besoins du Moi" naissant qui sont nécessaires au futur déploiement des capacités de symbolisation, cela permet de peaufiner notre saisie des "avants-coups" de la relation primaire, nécessaires à ce que le registre de l'utilisation de l'objet puisse se déployer par la suite. S'offre ainsi à nous une manière de "creuser" ainsi plus avant les caractéristiques relationnelles que la "rêverie maternelle" doit rendre possible, pour préparer la future appropriation subjective inhérente au travail de symbolisation primaire. Le concept de mère "suffisamment bonne" trouve ainsi à se préciser dans le détail de ses composants, et son articulation avec la fonction pré-symbolisante de l'objet.

A la lumière de ce que diffracte le medium-malléable, l'accordage premier, celui qui rend possible l'organisation de l'illusion primaire en trouvé-crée nécessaire au futur déploiement de la symbolisation et de la "chose" symbolisation, doit comporter différentes caractéristiques dénombrables et repérables.

Dans différents travaux antérieurs (cf en particulier R Roussillon 1995), j'ai commencé à lister les différentes caractéristiques des objets-symbolisants du type medium-malléable, qui sont aussi les caractéristiques qualitatives de la relation d'accordage primaire, celles qui donnent la préforme, au sein du rapport primaire, aux futures propriétés de l'appareil de symbolisation.

J'en rappelle les éléments principaux: consistance spécifique (degré de "dureté" et de malléabilité), indestructibilité, saisissabilité, transformabilité, sensibilité, disponibilité, reversibilité, fidélité et constance. Ce sont ces propriétés qui, une fois suffisamment expérimentées et une fois suffisamment expérimenté leur limite - qui dessine la part d'altérité de l'objet, la limite qui est à symboliser à partir des propriétés de l'objet -, vont être transférées sur l'appareil de symbolisation et les objets-symbolisants pour les rendre utilisables au sein du processus de mise en représentation de l'expérience vécue. L'expérience de leur rencontre et de leur appropriation représentative formera un niveau d'expérience spécifique de la subjectivité à l'origine de la saisie et de la définition interne de l'expérience subjective de l'activité de symbolisation. Leurs avatars et leurs particularités colloreront l'expérience de l'activité symbolisante de leurs effets spécifiques et de leur teinte singulière, reverbérant ainsi l'histoire de leur constitution et de la limite de leur déploiement intersubjectif.

Ainsi, à partir des modalités particulière du rapport à la symbolisation - en cours de séance ou dans la vie- peut-on rendre lisible telle ou telle particularité de ce que fut l'expérience primaire de rencontre avec les objets et les singularités du mode spécifique de présence de ces mêmes objets, ainsi "reconstructibles" compte tenu des déguisement que l'histoire et l'exercice du principe du plaisir-déplaisir leur à fait subir. Un vécu de destruction des capacités de symbolisation invite ainsi à s'interroger sur la présence d'un traumatisme primaire, et un vécu de destruction de l'objet ou du lien à l'objet, ainsi l'indisponibilité des mots ou de la matière pour symboliser, ouvre t-elle la question de la disponibilité de l'objet, la stéréotypie rigide des formulations ou du style, pose-t-elle le problème de la sensibilité de l'objet et celui de ses zones d'insensiblité etc.

Bien évidemment il n'y a pas d'équationnalité aussi directe entre le "symptôme" affectant le rapport à l'appareil de symbolisation, et l'histoire des conditions de la rencontre avec l'objet. Mais une telle hypothèse de travail offre des possibilités qu'il serait dommage d'abraser d'entrée, au nom de la complexité des réorganisations "aprés-coup", sous le primat du principe du plaisir du sujet, surtout lorsque ce qui est au premier plan du travail clinique concerne la souffrance identitaire-narcissique et ce qui reste pris dans la compulsion de répétition primaire. Dans les conjonctures cliniques qui sont sous-jacentes à notre réflexion le transfert des caractéristiques de la relation primaire à l'objet sur l'appareil de symbolisation lui-même, s'effectue "à boulets rouges", elle comporte peu de travail psychique et révéle ainsi de manière relativement simple l'histoire traumatique. Notre réflexion débouche ainsi naturellement sur la question des effets cliniques et techniques de la question de l'utilisation de l'objet. Nos derniers paragraphes soulignent l'ouverture d'un travail de reconstruction des particularités du rapport primaire à l'objet à partir de son transfert sur l'activité de symbolisation. La question qui se pose ensuite est celle de l'utilisation "psychanalytique" de la question de la fonction symbolisante de l'objet, et de la place que nous avons été amené à conférer au rôle des réponses de l'objet, à chaque étape du processus de mise en place de la fonction symbolisante du sujet.

Une première indication à été fournie par A Green lorsqu'il souligne que l'analyste doit apporter pendant la séance la réponse que l'objet historique n'a pas proposée au sujet, celle que celui-ci eut pu utilement recevoir pour intégrer et métaboliser son expérience. Mais ce premier repére bien qu'indispensable, ne me paraît cependant pas suffire, car il laisse pendant l'analyse des effets historiques de l'inadéquation de la réponse de l'objet, de la manière dont l'objet ne s'est pas laissé, ou n'a ainsi pas pu être, "utilisable". Dans mon expérience, et ceci vaut tout particulièrement dans l'analyse du narcissisme et de ses torsions, il est en plus nécessaire de reconstruire ce que fut la réponse de l'objet et les incidences de celle-ci sur la structuration du sujet. Le travail de reconstruction porte alors, c'est une chose que D W Winnicott avait dejà noté, non seulement sur les processus du sujet mais aussi sur leur dialectique avec ceux de l'objet, de l'objet non pas seulement "pour" le sujet mais "en soi". Je sais que cela soulève nombre de difficultés notamment concernant le statut de la réalité historique ainsi de fait impliquée, cependant il faut souligner aussi le rôle de butée structurante qu'un tel travail rend possible. Pas plus que l'on ne s'est "conçu" seul dans son être corporel, on ne s'est "fait" psychiquement seul, notre organisation psychique ne dépend pas que des événements et de la manière dont nous les avons signifiés, elle dépend aussi de la dialectique qui s'est établi entre nos processus psychiques et les échos qu'ils ont nécessairement reçus de la part de l'environnement. Nous ne sommes pas plus auto-engendrés psychiquement que nous ne le sommes corporellement, la scène primitive comporte autant d'aspects relationnels et intersubjectifs qu'elle comporte de mise en scène des corps sexués. L'analyse du narcissisme ne peut éviter de s'engager aussi sur la voie de la reconstruction du registre de l'utilisation de l'objet. Pas plus qu'elle peut faire fi de l'histoire de la relation d'objet du sujet, elle ne peut faire l'impasse de la relation de l'objet au sujet et de la fonction que celui-ci à pris dans l'économie psychique de celui-là. La question de la manière dont le registre de l'utilisation de l'objet peut-être engagée dans la cure me paraît être l'une des questions urgentes de la psychanalyse actuelle.

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