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Temas em Psicologia

Print version ISSN 1413-389X

Temas psicol. vol.19 no.1 Ribeirão Preto June 2011

 

PRIMEIRA PARTE: ALGUMAS CONTRIBUIÇÕES INTERNACIONAIS

 

Représentations sociales du changement climatique: effets de contexte et d'implication

 

Climate change social representations: context and implication effects

 

 

Raquel Bohn BertoldoI; Andréa Barbará S. BousfieldII

ICentro de Investigação e Intervenção Social (CIS), Instituto Superior de Ciências do Trabalho e da Empresa (ISCTE-IUL) - Lisboa, Portugal
IIUniversidade Federal de Santa Catarina - SC, Brasil

Endereço para correspondência

 

 


RÉSUMÉ

Selon les spécialistes, les activités humaines donneraient lieu aux émissions de carbone à l'origine du changement climatique, de sorte que l'atténuation du phénomène passe par un changement comportemental de notre société vis-à-vis de l'environnement. L'augmentation de l'implication individuelle avec le changement climatique est ainsi centrale, vu l'importance secondaire attribuée au phénomène par rapport à d'autres enjeux d'actualité. L'objectif de cette étude était d'observer l'impact des contextes d'énonciation du changement climatique (étudiant ou officiel) et de l'implication 'induite'chez le sujet (faible ou forte) sur l'implication 'ressentie' et sur la structure de la représentation de cet objet. Résultats: la représentation est structurée autour des éléments 'réchauffement', 'fonte des glaciers' et 'augmentation du niveau de la mer'. Le contexte affecte l'organisation des rapports entre les éléments: dans le contexte officiel, les éléments 'pollution' et 'résultat de l'action humaine' gagnent de l'importance. Cette réorganisation de la structure est potentialisée par l'augmentation de l'implication 'induite'. Aucun effet n'a été trouvé sur l'implication 'ressentie'. Conclusion: le changement d'encadrement de la représentation, pouvant être accentué par l'implication, affecterait probablement l'engagement collectif et, par conséquent, les actions aux niveaux individuel et social pour la diminution du changement climatique.

Mots clés: Représentations sociales, Analyse structurale, Changement climatique.


ABSTRACT

Being carbon emitting human activities at the origin of climate change, in order to attenuate this phenomenon our society would have change its behavior in what regards the environment. Another central issue is the individual implication with climate change, which is currently secondary in relation to other current issues. The aim of this study is to observe the impact of climate change enunciation context (an academic or an official one), and of the implication 'induced' upon the participant (strong or weak) on the 'felt' implication as well as on the structure the representation of this object. Results: the representation is structured around the elements 'heating', 'ice sheet melting' and 'sea level rise'. The object enunciation context affects the organization of the connections between elements: in the official context, the elements 'pollution' and 'human action result' are more important. This structure reorganization is heightened by the 'induced' implication. Effects on the 'felt' implication were not found. Conclusion: a modification on the frame of the representation, what is possibly made stronger by a higher implication, would probably affect the collective engagement and, consequently, the actions at both the individual and social levels to diminish, among other environmentally important issues, climate change.

Keywords: Social representations, Structural analysis, Climate change.


 

 

Depuis l'annonce par l'IPCC (Intergovernamental Panel on Climate Change) que les actions humaines sont à la source des altérations climatiques ainsi que des risques majeurs associés, les populations se sont mieux renseignées sur les possibles actions quotidiennes pour atténuer les conséquences. Les études de perception sociale du changement climatique présentent pourtant des inconsistances entre le savoir naïf et scientifique sur le phénomène - ce qui caractérise la pensée collective, les représentations sociales. L'importance de mieux les connaître repose sur l'impact de l'opinion publique sur les actions des gouvernements, encore plus importante que l'avis des spécialistes (McDaniels, Axelrod, & Slovic, 1996).

L'approche de la psychologie sociale en général, et celui des représentations sociales en particulier, nous fournissent un cadre d'analyse pertinent pour l'analyse de l'enjeu climatique dans la mesure où elle implique les hommes (sujet), le changement climatique (objet) et la société (autrui) dans une relation ternaire où les uns définissent et sont définis par les autres (Moscovici, 1984). Ces représentations se localisent dans une architecture de pensée sociale (Flament & Rouquette, 2003; Rouquette, 1996) où les attitudes et comportements découlent des représentations sociales, tout en étant modérées par l'implication personnelle des individus vis-à-vis de l'objet (Gurrieri, 2007; Gurrieri, Wolter, & Sorribas, 2007) et du contexte (Abric & Guimelli, 1998).

Le phénomène du changement climatique sera exploré dans ses niveaux (1) sociétal (Doise, 1982) avec une étude des représentations partagées par les étudiants; (2) positionnel, à partir d'une étude surl'effet du contexte interpersonnel de l'enquête; et (3) intra-individuel, à partir de l'analyse de l'implication personnelle avec le changement climatique.

 

Changement climatique: De l'enjeu aux représentations sociales

Compte tenu de ses impacts sur l'environnement tel qu'on le connait, le changement climatique est, selon les spécialistes, un enjeu actuel majeur (Laffite & Saunier, 2006). Ils affirment que les activités humaines productrices de gaz à effet de serre sont à l'origine du problème (IPCC Report, 2007). En effet, le réchauffement climatique est une évidence: chaque fois avec plus de certitude, on observe l'augmentation globale des températures moyennes de l'air et des océans, la fonte de neige et des glacierset la conséquente augmentation du niveau de la mer.

Les connaissances autour de ce phénomène se vulgarisent par un processus de diffusion (Bauer, 1994). Lors qu'elles deviennent des références synthétiques, facilement échangeables lors des communications interpersonnelles et inscrites dans le système de normes sociales, elles sont des représentations sociales (RS).

Le phénomène psychosocial du changement climatique (CC) à notre connaissance n'a pas, jusqu'à présent, été souvent exploré sous l'angle des RS. Cela a pour origine (1) l'origine anglophone de la plupart des études sur le sujet et (2) la tendance à l'explorer à partir des approches de la perception du risque (Slovic, 2000) ou de l'amplification sociale du risque (J. X. Kasperson, R. E. Kasperson, Pidgeon & Slovic, 2003), plutôt que des RS (Gruev-Vintila & Rouquette, 2007). C'est pourquoi les études sur la compréhension publique du CC présentées par la suite traitent des perceptions sociales du CC.

Dans le contexte anglo-saxon, la perception du CC est relativement homogène autour des concepts 'l'augmentation du niveau de la mer' et 'inondations' (Lorenzoni, Leiserowitz, Doria, Poortinga, & Pidgeon, 2006). Les anglais et les américains se distinguent par rapport à d'autres éléments: ceux-ci mentionnent davantage la 'fonte des couches polaires', la 'chaleur' et les 'impacts sur la nature'; ceux-là, la 'couche d'ozone', la 'pollution' et le 'climat'.

Même si les groupes sociaux se font des idées relativement structurées du phénomène, ils y sont peu impliqués: les américains, ainsi que les anglais, éloignent spatialement et temporellement les causes et conséquences du phénomène, ce qui assure leur détachement de l'enjeu, ainsi qu'une faible implication (Lorenzoni et al., 2006).

Ce manque d'implication résulte de barrières cognitives opérant aux niveaux individuel et social. Ces mécanismes de déni aident l'individu à résoudre le conflit causé par la conscience de sa responsabilité face au CC et sa difficulté pour changer les modes de vie déjà installés (Lorenzoni, Nicholson-Cole, & Whitmarsh, 2007). Le faible engagement avec l'enjeu peut aussi être dû à son importance secondaire en relation à d'autres enjeux quotidiens comme la santé, l'emploi ou la sécurité (Lorenzoni, Pidgeon, & O'Connor, 2005), même si la population comprend sa dynamique et est motivée pour mettre en place des mesures de prévention.

Les connaissances et représentations sociales sur le CC ont des inconsistances par rapport au savoir officiel, car elles se basent sur un raisonnement collectif, fondé sur une logique diverse de la pesée scientifique (Rouquette, 1994). Dans une approche différente de celle des RS, ce manque de correspondance entre le sens commun et la science est dû aux concepts antérieurement acquis par le sujet, souvent vagues et improprement intégrés (Kempton, 1997). Ces concepts, ou 'modèles culturels', permettent au sujet d'encadrer leurs connaissances sur le CC. Par exemple, d'après le modèle culturel de 'photosynthèse et respiration', la préoccupation derrière le CC est qu'une augmentation des concentrations de CO2 augmenterait la respiration des forêts, ce qui, associé à la déforestation, diminuerait la disponibilité de O2 - ce qui n'est pas vrai du point de vue scientifique, car le volume de CO2correspond à seulement 0,03% de l'atmosphère terrestre, contre 21% de O2; ainsi, même de larges multiplications de la concentration de CO2 n'influenceraient les niveaux atmosphériques de O2 (Kempton, 1997). D'autres modèles culturels repérés par l'auteur aux USA comprennent: l'indifférenciation entre les causes du CC et les autres types de pollutions environnementales (ex.: pesticides, aérosols); confusion entre l'effet de serre et la diminution de la couche d'ozone; croyance que les activités humaines (pollution, incendies, pesticides et ordures ménagères) sont les sources du CC, en dehors de toute relation avec l'augmentation des concentrations de CO2. Finalement, Kempton (1997) a trouvé une forte tendance aux USA et en Angleterre à restreindre les conséquences du CC à un simple réchauffement climatique, ce que l'auteur attribue à l'usage des deux termes comme synonymes par les médias. Ces méconnaissances autour du CC en Angleterre et aux USA ont été également trouvées chez des populations culturellement différentes, partout dans le monde (Lorenzonie et al., 2005).

À partir de ces considérations sur la perception publique du CC, sa compréhension à partir de la théorie des RS permettrait de saisir la logique sociale qui attribue un sens au paradoxe suivant:

- Le gouvernement et les associations de protection de l'environnement assument leur partie de responsabilité et agissent en ce moment dans le but de diminuer les émissions de carbone, tout en incitant les citoyens à faire le même (Ministère de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement Durable et de l'Aménagement du Territoire, 2008).

- Les actions collectives nécessaires pour l'atténuation du CC dépendent des efforts individuels comme l'abandon de quelques conforts de notre style de vie actuel. Les bienfaits de ces actions ne sont pourtant pas visibles ni au niveau personnel, ni immédiatement - ils sont plutôt incertains, de nature collective et réparables dans une large échelle de temps qui comprend les générations à venir (Etkin & Ho, 2007). En outre, par rapport à d'autres enjeux quotidiens (chômage, santé ou sûreté), les enjeux environnementaux sont relativement peu importants et incitent peu à l'action.

L'enjeu du CC est ainsi majeur au niveau collectif mais peu impliquant au niveau personnel, où doivent se fonder les changements en vue d'un avenir plus durable. Les éléments théoriques des représentations explorés par la suite nous fourniront les bases pour problématiser l'enjeu du changement climatique en tant que phénomène social dans ses divers niveaux d'analyse (Doise, 1982): sociétal (représentations sociales), dispositionnel (contexte) et individuel (implication).

 

Quelques éléments sur la théorie des représentations sociales

La théorie du noyau central

En tant que rassemblement d'informations, d'opinions, d'attitudes et de croyances, les RS sont organisées par le système socio-idéologique derrière l'histoire et les valeurs des groupes sociaux. Dans ce système, le contenu des RS est rangé de façon à ce que leurs éléments aient des valeurs différentes dans la définition d'un objet: certains sont essentiels, d'autres importants et enfin d'autres sont secondaires (Abric, 2002).

Les représentations sociales fonctionneraient ainsi comme une seule entité composée par deux composantes complémentaires: les systèmes centraux et périphériques (Guimelli, 1994). Le système central (noyau central), correspond à la partie stable et consensuelle de la représentation; elle détermine la signification des éléments composant le système périphérique. Le caractère à la fois concret et souple de ce dernier permet la traduction des concepts abstraits du noyau central dans la réalité de l'objet. De plus, il intègre au noyau central (consensuel) la diversité des expériences individuelles (idiosyncrasiques).

Les relations de similitude

Étant donné qu'une RS est un système d'éléments liés entre eux, il est utile de connaître la structure de l'ensemble des liaisons avant de détailler les qualités de ces relations par les schèmes cognitifs de base (Flament & Rouquette, 2003). On résume ainsi toutes modalités relationnelles (praxiques, attribution, lexique, voisinage et composition) à une relation binaire de présence ou absence d'une relation - soit les éléments « vont ensemble » ou non.

Ces relations de similitude peuvent être synthétisées par l'arbre maximum, qui est un arbre (un graphe où un seul chemin est possible entre les éléments) qui garde les liaisons le plus fortes entre les éléments.

Le contexte d'actualisation des représentations sociales

Comme les RS sont toujours invoquées en situation du vécu concret, il est important de considérer l'influence du contexte d'évocation sur l'expression des RS. Afin de systématiser la notion de contexte, Flament et Rouquette (2003) proposent leur organisation à partir des notions de spécimen, l'enjeu et les modalités de communication. Premièrement, les spécimens sont des cas particuliers et réels d'une classe abstraite ayant des spécificités, encore qu'ils gardent les propriétés génériques de celle-ci. Ensuite, les représentations sont évoquées toujours par rapport à des enjeux spécifiques, qui peuvent être plus ou moins importants par rapport à d'autres. Enfin, elles impliquent différemment les modalités de communication, le développement de la pensée, l'argumentation etc.

Encore plus loin, toute la structure d'une RS peut être affectée par le contexte. La contradiction temporaire ou définitive de l'environnement avec les RS et les comportements qu'elles soutiennent entraîne l'apparition soit de 'schèmes étranges 'ou des 'schèmes de négation' dans la périphérie de la RS (Abric & Guimelli, 1998; Flament & Rouquette, 2003).

Enfin, l'énonciation des RS peut être directe ou indirectement modulée par le contexte. D'un côté, on a les effets du contexte global, c'est-à-dire, de la localisation sociale et idéologique de l'individu et de son entourage; et de l'autre, l'effet du contexte immédiat de production de la RS (Abric & Guimelli, 1998). Sur cette étude nous nous concentrerons sur les l'influences de ces derniers -le contexte de l'enquête (une recherche de M2R ou une étude d'un institut officiel). Nous considérons les contextes globaux constants car nous supposons que les positons idéologiques de nos groupes sont les mêmes puisqu'ils sont issus d'une même population d'étudiants universitaires.

 

Implication

Elle constitue les liens d'engagement (d'opinion, attitude) de l'individu avec la RS. Ce concept s'adapte bien à la perspective ternaire de la psychologie sociale adopté par Moscovici (1984) car dans la triade Ego-Objet-Autrui le facteur d'implication serait central (Flament & Rouquette, 2003; Gurrierie et al., 2007; Wolter, Gurrieri, & Sorribas, 2009).

Comme elle a été définie par Rouquette (1998a, 1998b; Flament & Rouquette, 2003), l'implication est composée par trois dimensions indépendantes: l'identification personnelle, la valorisation de l'objet et la possibilité perçue d'action. L'indépendance de ces trois dimensions a bien été vérifiée, de façon à ce qu'une personne peut valoriser un enjeu - par exemple, un raz-de-marée est un catastrophe importante - sans se sentir personnellement concernée - événement géographiquement très éloigné, qui attache peu l'individu (Wolter & Rouquette, 2005).

La première dimension, l'identification personnelle, se réfère à comment l'individu se sent concerné par l'objet, au niveau d'adéquation estimé par rapport à l'objet. Un individu se placerait sur cette dimension en se localisant entre « cela me concerne spécifiquement et personnellement » et « cela concerne tendanciellement tout le monde, mais moi pas plus que les autres » (Flament & Rouquette, 2003).

La deuxième dimension, la valorisation de l'objet est liée à l'importance attachée par une personne et son groupe à l'enjeu représenté par celui-ci. Elle peut être repérée à partir de l'importance exprimée envers l'objet dans les échanges informels et les communications de masse (Flament & Rouquette, 2003). Cette dimension correspond à une échelle pouvant varier entre « c'est une question de vie ou mort » et « c'est une question sans aucune importance ».

La dernière dimension, la capacité perçue d'action, correspond à la position perçue par le sujet en relation à l'objet: soit il se voit en tant qu'agent et croit que ses actions seront déterminantes sur les événements; soit en tant que patient, incapable de faire quoi que ce soit. Cette dimension peut être mesurée sur une échelle qui varie entre l'impuissance jusqu'au contrôle total.

Une série d'études menée au Laboratoire de Psychologie Environnementale a montré une relation positive entre l'implication la structuration des RS (Baggio & Rouquette, 2006; Gruev-Vintila & Rouquette, 2007). Lorsque les individus ont une forte implication envers un objet de RS, sa structure est enrichie, c'est-à-dire, elle est plus organisée car le nombre de relations entre les éléments augmente.

À partir de l'effet de l'implication sur la structure de la RS, on a proposé qu'elle serait une variable médiatrice entre les niveaux idéologique et représentationnel de l'architecture de pensée sociale, ainsi qu'entre les RS et les attitudes et les opinions (Wolter, Gurrieri, & Sorribas, 2009). Ainsi, l'effet de l'affiliation religieuse au niveau idéologique sur les représentations et les attitudes envers les actions de charité serait moyenné par l'implication des sujets avec la thématique 'd'aide aux démunis'- le degré dans lequel ils se sentent personnellement concernés avec le problème de la faim, qu'ils la considèrent comme un enjeu important ou qu'ils puissent faire quelque chose pour changer la situation.

 

Problématique

Sur un plan 2 X 2, nous avons pour variables indépendantes les contextes d'énonciation et l'implication. Les variables dépendantes seront la structure (arbres maximums) des RS du CC et l'implication avec l'objet dans ses trois dimensions (identification personnelle, valorisation de l'objet et capacité perçue d'action).

 

Variables indépendantes

VI 1 - Contextes d'énonciation: dans un premier contexte, l'individu est enquêté sur le CC dans le cadre d'une recherche de M2 Recherche (contexte étudiant). Dans le deuxième, le sujet est informé que l'étude est une recherche de l'Agence Nationale pour la Protection du Climat (ANPC)1 (contexte officiel).

VI 2 - Effets d'implication: l'implication sera manipulée à partir d'un paragraphe présenté au début du questionnaire. Tirées du rapport IPCC 2007, ces paragraphes visent l'induction d'une implication faible (effets du CC sur la faune et fore) ou forte (effets du CC sur l'humanité).

 

Variables dépendantes

Les effets des variables indépendantes décrites en haut seront observés sur les variables dépendantes suivantes:

VD 1 - contenu et structure de la RS du changement climatique.

VD 2 - implication dans ses trois dimensions (identification personnelle, valorisation de l'objet et capacité perçue d'action).

 

Hypothèses

a) RS moins structurée dans le contexte étudiant: compte tenu de l'importance secondaire attribuée au CC et de la faible désirabilité sociale associée au groupe même d'appartenance, nous avons fait l'hypothèse que les sujets exprimeraient plus librement leur faible implication avec l'enjeu. La structuration plus faible résulterait d'une variété plus grande des réponses lorsqu'elles sont plus générales et complexes et moins stéréotypées, dans un effet similaire à celui trouvé par Gurrieri (2007) lorsque l'objet 'voyage' était pris dans son acception générale, hors spécification thématique ('idéal' ou 'le pire').

b) RS plus structurée dans le contexte officiel: dans le contexte officiel, on s'attend à un effet homogénéisateur de la désirabilité sociale sur les réponses, résultant une RS plus structurée et stéréotypée.

c) RS plus structurée dans l'implication forte: même si le contexte étudiant est supposé moins impliquant que l'officiel, nous prévoyons que le groupe dans la condition d'implication forte (conséquences du CC sur l'humanité) sera plus engagé que le groupe d'implication faible (conséquences sur la faune et flore) et aura des RS plus structurées et complexes (Gruev-Vintila & Rouquette, 2007).

d) Implication forte dans le contexte officiel - la plus haute implication: nous supposons aussi que l'implication sera plus marquée dans le contexte où joue la désirabilité sociale face à un organisme officiel que dans un contexte trivial de recherche. Cela est attendu pour les deux conditions d'implication (faible ou forte); mais spécialement pour le groupe d'implication forte (conséquences du CC pour l'humanité). Nous nous attendons à ce quelle groupe sous forte implication dans le contexte officiel ait la plus haute implication de l'échantillon.

 

Méthode

Cette étude sur les RS du CC s'est appuyée sur une méthode plus qualitative et une autre plus quantitative. La première consistait dans des entretiens semi-structurés et la deuxième, dans l'application de questionnaires. Nous les traiterons en détail par la suite.

Entretiens exploratoires

Initialement, 8 entretiens ont été conduits auprès des étudiants de l'Institut de Psychologie de l'Université Paris Descartes, du même groupe hétérogène d'étudiants interrogé dans l'étape des questionnaires. Ces interviews avaient pour but de composer une liste avec les éléments prototypiques de la RS du CC. La consigne a été 'Pour vous, qu'est-ce que signifie le changement climatique?', suite à laquelle le sujet devrait parler en toute liberté. Quelques précisions sur la source du phénomène ou des moyens connus pour le résoudre étaient éventuellement encouragées.

Ces entretiens nous ont permis de construire la liste d'items suivante:

1. Basculement des saisons: il fait moins froid en hiver, moins beau en été.

2. Extrémisassions des climats: hiver plus froid, été plus chaud, canicule.

3. Tempêtes

4. Fonte des glaciers

5. Réchauffement

6. Augmentation du niveau de la mer

7. Accélération des transformations: ces changements, peut-être naturels (en dehors de toute action anthropique) s'accélléreront; les changements seront encore moins contrôlables.

8. Dérégulation du climat global

9. Transformation climatique naturelle: théorie selon laquelle ce réchauffement actuel est normal et attendu selon les études paléontologiques.

10. Résultat de l'action humaine: théorie selon laquelle le réchauffement actuel est le résultat des actions anthropiques.

11. Pollution

12. Déforestation

Enquête

La deuxième phase consiste dans l'enquête de terrain. Dans cette étape, on a mis en place la manipulation de contexte (étudiant et officiel) et d'implication (faible et forte). Ainsi, la moitié des questionnaires (N=50) était précédée d'un article qui exprimait un péril pour l'espèce humaine (implication forte) et l'autre, les autres espèces (implication faible). Pour la moitié des sujets abordés (N=50), l'enquêtrice s'est présentée en tant qu'étudiante du M2 Recherche (contexte étudiant) et pour l'autre, en tant que chercheuse de l' « Agence Nationale pour la Protection du Climat » (ANPC) (contexte officiel).

Participants

Les 100 étudiants enquêtés ont été distribués de façon randomisée sur un plan 2 (contexte étudiant ou officiel) X 2 (implication faible ou forte); chaque condition étant composée de 25 étudiants.

Les participants étaient âgés en moyenne de 22 ans et 8 mois (M = 22,7; ET = 4,9), dont 84 étaient des femmes. Le groupe comptait 95 étudiants de l'Institut de Psychologie de l'Université Paris Descartes (filières: Psychologie (85), Sciences Sociales (5), Linguistique (5) et 5 étudiants issus d'autres établissements. De ces étudiants, 25 étaient inscrits en L1, 25 en L2, 14 en L3, 20 en M1, 14 en M2 et finalement, 2 en doctorat.

Globalement, la source d'information la plus consultée par les sujets est la télévision - la plus important pour 37% des étudiants - suivie par l'internet (35%), les journaux (16%), la radio (10%) et les magazines (2%). Ces sources sont consultées assez fréquemment, avec 76% y accédant 'chaque jour' (48%) ou 'la plupart des jours de la semaine' (28%).

Instruments

Le questionnaire utilisé était composé:

(1) d'un instrument l'identification de la structure de la RS du CC - questionnaire de caractérisation (Junique, Barbry, Scano, Zeliger & Vergès, 2002);

(2) d'un instrument pour l'estimation de l'implication avec le CC;

(3) de questions sur des variables démographiques.

Instrument l'identification de la structure de la RS du CC

Nous avons utilisé un questionnaire de caractérisation avec 12 éléments issus d'entretiens libres sur la RS du CC. Les sujets distribueront les éléments en 4 groupes de 3 éléments, proches de la notion de CC en différents dégrées. Cette démarche a permis la composition de blocs de similitude plus ou moins proches en sens du CC.

Instrument d'implication

L'implication a été estimée à partir d'une échelle qui mesure chacune de ses dimensions:

• Identification personnelle: Quelle est pour vous votre vulnérabilité au changement climatique par rapport aux habitants des autres villes du monde? De « vulnérabilité élevée » jusqu'à « il n'y a pas de danger ».

• Valorisation de l'objet: Quelle est l'importance du changement climatique par rapport à d'autres enjeux? De « très important » jusqu'à « sans importance ».

• Capacité perçue d'action: Dans quelle mesure pensez-vous pouvoir contribuer à la mitigation des effets du changement climatique ? De « ça ne dépend que de moi » jusqu'à « je n'y peux rien ».

Variables démographiques

Les questions sur les variables démographiques ont été posées à la fin du questionnaire et comprendront l'âge des participants, leur cursus universitaire, leur année d'étude et, enfin, leur fréquence de consultation de la presse sur l'actualité (internet, journal, magazines, télévision ou radio).

Les mesures quantitatives utilisées dans ces instruments seront détaillées par la suite.

Mesures

Calcul des indices de similitude

La structure de la représentation est formée par des éléments liés par des relations. Dans la terminologie structurale, les éléments sont appelés sommets et les liaisons entre eux, arêtes. La valeur affectée à chacune de ces arêtes correspond à l'indice de similitude, qui n'est qu'une expression de la fréquence de la relation établie.

La procédure utilisée dans cette étude permet une différenciation entre les groupes de similitude. Ainsi, nous dépassons la relation binaire de similitude (présence/absence dans un même groupe) en incluant une troisième possibilité: les relations de similitude entre éléments de valeur contraire (Flament & Rouquette, 2003). Ces catégories ont des valeurs différentes en fonction de leur 'proximité' ou 'distance' par rapport à la notion de CC.

Dans cette étude, à partir de l'arbre maximum (Degenne & Vergès, 1973) et des scores moyens de distance en sens du CC, deux blocs ont été identifiés: un positif (éléments plus proches du CC - distance moyenne inférieure à 2.5) et un autre négatif (éléments plus éloignées du CC - distance moyenne supérieure à 2.5) dans une procédure similaire à celle adoptée par Guimelli (1989). Sur les tableaux les blocs négatifs ont été marqués en gris.

 

Degré du sommet

Le degré du sommet correspond au nombre de liens que chaque sommet (élément) entretient avec les autres. Ainsi, les éléments le plus centraux sont ceux ayant plus de connections, de plus haut degré. Les degrés des sommets ont été calculés pour chaque arbre maximum.

 

Analyse des données

L'analyse des données sera divisée en deux blocs: l'analyse statistique (description initiale analyse des variances) et l'analyse représentationnelle.

On a initialement réalisé une analyse statistique descriptive et les analyses de variance (Anova). Dans cette phase initiale, le logiciel statistique SPSS14.0 a été employé.

L'analyse des RS a été faite en deux parties: une première phase d'entretiens pour la composition de la liste d'éléments; et une deuxième pour l'analyse des données issues du questionnaire de caractérisation.

Sur les entretiens, on a effectué une analyse de contenu (Bardin, 1996). On a créé des catégories à partir des propres réponses, jusqu'à épuiser leur contenu. C'est sur ces catégories que se base la liste des 12 items du questionnaire de caractérisation.

L'analyse de similitude a été faite avec le logiciel Similitude 2000 (Junique et al., 2002). Cet outil informatique effectue le calcul de la matrice de similitude, des graphes et des arbres maximums.

 

Résultats

Les distributions de sexe (masculin - χ 2 = 0.9; dl = 1; p = N.S. / féminin - χ2 = 0.03; dl = 1; p = N.S.), âge (F3,95 = 1.2; p = N.S.) et cursus universitaire (χ 2 = 0.6; dl = 1; p = N.S.) étaient semblables pour tous les groupes.

Les groupes se rassemblaient aussi par rapport à leur patron de consultation des sources d'information sur l'actualité (journal - F3,95 = 0.07; p = N.S.; magazine - F3,95 = 1.2; p = N.S.; télévision - F3,95 = 0.2; p = N.S.; radio - F3,95 = 0.2; p = N.S.; internet - F3,95 = 0.6; p = N.S.) et leur fréquence d'accès (F3,95 = 0.7; p = N.S.).

On voit ainsi qu'aucune variable spécifique ne distingue les groupes expérimentaux du point de vue qualitatif.

Echelles d'implication

La variation des scores des échelles d'implication peuvent être observées sur la Figure 1.

 

 

Les tests T de Student pour les deux modalités de chaque facteur (contexte et implication), n'ont identifié qu'une condition où la différence de scores d'implication était significative (Tableau 1). Il s'agit de la 'capacité perçue d'action 'entre les contextes 'étudiant' (2.6) et 'officiel' (2.1) sous forte implication (cde Cohen = 0.5) (Tableau 1).

Une one-way Anova a été faite sur les scores d'implication des quatre conditions expérimentales (25 sujet par condition). On n'a pas trouvé des différences significatives entre les groupes (identification personnelle - F3,96 = 0.6 ; p = N.S. ; valorisation de l'objet - F3,96 = 0.6 ; p = N.S. ; capacité perçue d'action - F3,96 = 1.5; p = N.S.).

Enfin, une Anova factorielle a été conduite dans le but d'identifier séparément les sources de variation dans et entre les conditions expérimentales. Aucune des conditions n'a pourtant présenté des différences significatives - implication: identification personnelle (F1,98 = 0.4 ; p = N.S.) valorisation de l'objet (F 1,98 = 0.6 ; p = N.S.) et capacité perçue d'action (F1,98 = 0.05 ; p = N.S.); contexte: identification personnelle (F1,98 = 1.5 ; p = N.S.) valorisation de l'objet (F1,98 = 0.3 ; p = N.S.) et capacité perçue d'action (F1,98 = 0.9; p = N.S.).

Analyse des arbres

Nous explorerons par la suite les résultats concernant l'analyse structurale. D'abord, nous ferons une analyse générale pour connaître l'organisation globale des données. Puis, nous analyserons les arbres de chaque variable (par exemple, le contexte officiel comme ensemble), et ensuite, de chaque condition expérimentale séparément (par exemple, contexte officiel implication forte ou faible).

L'arbre maximum est une synthèse de la matrice de similitudes. Cette dernière se base à son tour sur le groupement cognitif des éléments - dans notre cas, des groupes plus ou moins proches en sens du CC (Flament & Rouquette, 2003). Pour cela, nous présenterons à côté de chaque arbre maximum la fréquence de distribution des éléments dans les groupes.

Arbre maximum globale

En général, on peut observer une organisation symbolique plus grande autour des notions plus proches en sens du CC: la 'dérégulation globale du climat', 'résultat de l'action humaine', entraîne le 'réchauffement' qui, à son tour, détermine la 'fonte des glaciers' et 'l'augmentation du niveau de la mer' (Figure 2).

Les notions plus éloignées font référence à d'autres effets du CC moins explorés par les médias, comme le 'basculement des saisons' et l'augmentation d'intensité des 'tempêtes'; ou d'autres effets nuisibles de l'action humaine sur l'environnement comme la 'déforestation' et la 'pollution'.

Analyse IntraGroupe - par condition

Nous explorerons par la suite les groupes expérimentaux en soi. Dans cette partie c'est l'effet additif des conditions en tant qu'effet intragroupe que nous intéressera. Les deux sous-groupes (implication faible et forte) seront ainsi traités séparément, dans les contextes étudiant et officiel à la fois, chacun étant composé par 25 sujets.

Contexte étudiant, implication faible

Dans ce groupe, les concepts plus proches en sens du CC organisent des notions autour de (1) réchauffement ('réchauffement', 'fonte des glaciers' et 'augmentation du niveau de la mer'), et de (2) dérégulations extrêmes du climat causées par l'homme ('résultat de l'action humaine', 'dérégulation globale du climat' et 'extrémisassions des climats') (Figure 3).

Les notions plus éloignées en sens du CC, moins structurées, lient des notions plus descriptives du phénomène ('tempêtes', 'basculement des saisons', et ainsi de suite).

Contexte étudiant, implication forte

Dans le contexte étudiant sous forte implication, nous trouvons le même groupement d'éléments que sous faible implication autour du 'réchauffement'. Ce qui distingue le bloc positif sous forte implication est la présence de l'élément 'résultat de l'action humaine', tel quel l'arbre de la condition intergroupale de forte implication, où on remarque un accent sur la responsabilité humaine par les CC (Figure 4).

 

 

Les éléments considérés par ce groupe comme plus éloignés en sens du CC sont en grande partie des éléments plus descriptifs ('tempêtes', 'basculement des saisons', 'accélération des transformations'), rangés autour de l'élément' transformation climatique naturelle', le plus central des éléments du bloc négatif.

Degrés des sommets - contexte étudiant implication faible X forte

L'arbre de la condition étudiant organise, selon l'analyse inter groupale, les notions plus standards de la connaissance sur le 'réchauffement' (implication faible: 3 - 'réchauffement'; implication forte: 3 - 'fonte des glaciers'). Bien que cette organisation puisse être retrouvée dans les deux conditions d'implication, sous forte implication la responsabilisation de l'homme dans ces changements est plus évidente, comme on a pu observer dans l'analyse intergroupale de forte implication (Tableau 2).

Également en accord avec les analyses faites auparavant sur l'implication, l'arbre maximum sous forte implication est plus structuré, et plus hétérogène du point de vue des degrés des sommets - centralisation des cooccurrences.

Contexte officiel, implication faible

Le groupe enquêté dans le contexte officiel, sous faible implication présente dans le bloc d'éléments plus proche du CC, le noyau 'réchauffement' avec des notions de responsabilisation de la pollution humaine par la dérégulation du climat ('pollution', 'résultat de l'action humaine' et 'dérégulation globale du climat') (Figure 5).

 

 

Les notions plus éloignées en sens du CC font référence aux aspects plus physiques du CC ('tempêtes', 'déforestation', 'basculement des saisons', entre autres), comme dans le groupe sous faible implication du contexte étudiant.

Contexte officiel, implication forte

La RS des sujets interrogés dans un contexte officiel, sous forte implication, présente, du côté positif, des notions intégrant la fonte des calottes polaires à la pollution de l'homme ('pollution', 'résultat de l'action humaine', 'basculement des saisons', 'fonte des glaciers', 'réchauffement') (Figure 6).

Du côté plus éloigné, on y trouve deux sous-ensembles, dont le premier range des notions sur le processus du CC ('accélération des transformations' et 'changement climatique natures') et le deuxième, les aspects physiques ('déforestation' et 'tempêtes').

Si dans le contexte officiel l'élément 'pollution' est plus central que dans le contexte étudiant, ce n'est dans la condition haute implication qu'il est encore plus structurant.

Degrés des sommets - contexte officiel implication faible X forte

L'arbre du contexte officiel a parmi ses éléments de plus haut degré, ainsi que celle du contexte étudiant, des notions autour des connaissances sur le 'réchauffement' (implication faible: 4 - 'fonte des glaciers'; forte: 3 - 'fonte des glaciers').

Le rôle central des notions sur le 'réchauffement' sont évidentes sous faible implication, mais sous forte implication, on a calculé l'algorithme de Floyd pour en être sûr ('fonte des glaciers' = 24; 'pollution' = 26 et 'basculement des saisons' = 26). Ainsi, même si dans le groupe de forte implication l'importance structurale de l'élément 'pollution' est plus importante, elle ne dépasse pas celle du noyau 'réchauffement' (Tableau 3).

 

Discussion

Nos résultats indiquent que les RS des groupes étudiés - étudiants parisiens en sciences humaines et du langage - intègrent de façon dynamique des éléments autour du processus de réchauffement ('réchauffement', 'fonte des glaciers' et 'augmentation du niveau de la mer') et ses causes ('résultat de l'action humaine'). Les éléments plus physiques comme de la RS comme 'tempêtes' ou 'déforestation' s'organisent dans un bloque plus éloigné du CC en signification.

Ces résultats confirment en France les résultats trouvés chez les Américains et les Anglais, pourquoi le CC est compris presque comme un synonyme de 'réchauffement climatique' à partir d'éléments comme 'réchauffement', 'augmentation du niveau de la mer' et 'inondation' (Lorenzoni et al., 2006). Cette confusion entre CC et réchauffement reflète en partie l'usage par les médias des deux termes comme étant échangeables (Kempton, 1997).

Échelles d'implication

En accord avec nos hypothèses, dans le contexte officiel les mesures d'implication ont une tendance, non significative d'ailleurs, à l'augmentation. Pourtant, la seule différence significative entre les conditions a été dans le sens inverse: c'est dans le contexte étudiant, pas dans l'officiel, qu'on observe une plus forte capacité perçue d'action. Il se peut que le contexte d'interaction avec un institut officiel active chez le sujet une relation d'infériorité en relation à la capacité perçue d'action face à un enjeu global. De l'autre côté, étant dans le contexte étudiant la demande faite par quelqu'un de semblable par rapport à la capacité d'action, les étudiants ont pu la juger comme plus élevée que dans l'autre condition.

Contexte et implication

Des effets additifs du contexte d'énonciation et d'implication ont été observés sur la structure de la RS du CC: la situation où ces RS sont invoquées détermine leur encadrement, de façon à adapter leur contenu à la situation présente. L'implication, à son tour, interfère dans la structuration des cognèmes à partir d'une attention augmentée sur la tâche, qui entraîne une plus grande organisation des contenus.

Dans les deux contextes (étudiant et officiel) l'organisation des arbres est très semblable - on y trouve un bloc plus près en sens du CC qui intègre les notions autour du 'réchauffement 'à une 'dérégulation globale du climat' et à la responsabilité humaine. Ces deux conditions se distinguent néanmoins par rapport à la connectivité de l'élément 'pollution': si dans la condition étudiant cet élément est classé avec les autres termes plus concrets de description physique du CC dans le bloc plus éloigné en sens; dans la condition officielle il est fait partie des termes composant le processus global du CC, plus proche en sens. Cette tendance structurante du terme est renforcée si on ne considère que le groupe d'implication forte, où il est encore plus central. Ces résultats réitèrent ceux de Rouquette (1994) qui a constaté des ajouts ou remplacements d'éléments à la partie la plus valorisée d'une RS en fonction du contexte à partir duquel les sujets pensent l'objet. Enfin, l'hypothèse selon laquelle le contexte officiel sous forte entraînerait une plus forte structuration de la RS a été vérifiée.

La dénonciation de la pollution et de la responsabilité humaine dans le contexte officiel peut être due à l'éloignement que la demande d'une instance sociétale supérieure à l'individuelle permet. Comme le contexte étudiant ne rend pas possible la même reculade l'individualité permettant la perception de la responsabilité humaine sur le CC, dans ce contexte la RS demeure appuyée sur les notions centrales autour de son processus dynamique.

En conformité avec les hypothèses établies au départ et avec des études sur l'implication (Gruev-Vintila & Rouquette, 2007), l'arbre des groupes sous forte implication (dans les deux contextes) a été plus organisé, avec une distribution plus hétérogène des cooccurrences entre les éléments. Par conséquent, l'effacement des liens les plus faibles des groupes sous forte implication favorise davantage la structuration; tandis que dans les groupes d'implication faible, l'arbre se désintègre dans sa presque totalité à partir d'un certain seuil car la cooccurrence se concentrant autour d'une même valeur.

Certains problèmes d'ordre méthodologique ont sûrement diminué la puissance des résultats des échelles ainsi que des arbres (cooccurrences). D'abord, le choix pour une échelle en quatre points a peut-être mas quelles différences probablement observables dans des échelles à 8 ou 10 points (Berthier, 2006).

Ensuite, sur la tâche de groupement d'éléments, le choix de demander la composition de 4 groupes de 3 éléments au lieu de 3 groupes de 4 a diminué de 11% le nombre de cooccurrences possibles. Dans notre cas, nous avons eu 800 cooccurrences possibles dans l'échantillon (2cooccurrencespossibles par groupe X 4 groupes par sujet); la composition de 3 groupes de 4 éléments nous permettrait un total de 900 possibles (3 cooccurrences par groupe X 3 groupes par sujet). En outre, le fait d'avoir un total pair de groupes formés par sujet nous a empêché de baser le calcul des arbres sur l'indice de distance (Abric & Guimelli, 1998), car on ne disposait pas d'un groupe neutre au milieu.

La relation additive observée entre l'implication et le contexte peut être comprise comme une action conjointe des niveaux intra personnel et positionnel par rapport aux niveaux sociétaux (Doise, 1982): l'implication module de son côté la relation individuelle par rapport à un objet; et le contexte à son tour, encadre socialement (des appartenances groupales, sa position au sein d'un groupe et de ce groupe au sein des autres) le processus représentationnel déclenché.

Il serait ainsi possible que la fonction du contexte d'encadrer la RS affecte, comme l'implication, les niveaux de la pensée sociale entre idéologie et RS aussi bien qu'entre ces dernières et les attitudes (Wolter, Gurrieri, & Sorribas, 2009).

Les résultats exploratoires de cette étude nous donnent des pistes pour poursuivre la recherche de l'effet du contexte sur l'implication et sur la structure des RS. La possibilité d'agir sur l'implication à partir du contexte augmenterait l'efficacité des campagnes pour des changements comportementales souhaités.

Enfin, on a vu qu'un cadrage qui permette l'éloignement du quotidien insouciant (contexte officiel) associé à une augmentation de l'implication (à partir de l'activation des connaissances sur les conséquences du CC pour l'homme) agissent dans le sens d'une meilleure structuration la RS du CC. L'utilisation de framings déterminés en vue d'un plus haut engagement subjectif peut être une direction pour l'action publique d'abord parce que le manqued'action envers l'environnement est plus une question d'augmentation d'implication (Lorenzoni et al., 2007) que de changement attitudinal; ensuite, parce que le changement d'implication d'ordre collectif, par l'opinion publique, affecte encore plus les actions environnementales des gouvernements que l'avis des spécialistes (McDaniels et al., 1996).

 

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Endereço para correspondência:
Raquel Bertoldo
CIS, ISCTE-IUL
Av. das Forças Armadas
1649-026. Lisboa, Portugal
Email: raquel_bertoldo@iscte.pt

Enviado em Dezembro de 2010
Aceite em Fevereiro de 2011
Publicado em Julho de 2011

 

 

Este estudo corresponde ao mémoire de M2 da primeira autora, realizado no Laboratoire de Psychologie Environnementalle (Université Paris Descartes). Agradecemos o apoio financeiro do departamento de Île-de-France com a concessão à primeira autora da bolsa 'Master Île-de-France'.
1 La dénomination fictive 'Agence Nationale pour la Protection du Climat' (ANPC) a eu le but d'éviter les connotations écologistes des organisations liées à la protection de l'environnement et se rapprocher du sens donné aux organisations scientifiques pour la recherche du climat (IPCC) qui jouissent d'une bonne crédibilité médiatique.