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Temas em Psicologia

versión impresa ISSN 1413-389X

Temas psicol. vol.19 no.1 Ribeirão Preto jun. 2011

 

PRIMEIRA PARTE: ALGUMAS CONTRIBUIÇÕES INTERNACIONAIS

 

Effet du contexte dans l'évaluation d'un objet social: le cas d'une manifestation collective en France

 

Effect of context in evaluating a social object: the case of a collective mobilization in France

 

 

Rafael Pecly Wolter

Universidade do Estado do Rio de Janeiro - RJ, Brasil

Endereço para correspondência

 

 


RÉSUMÉ

Nous pensons que lorsqu'un objet est lié à des mobilisations de masse, sa dimension affective sera suractivée, ce qui se traduira par des attitudes polarisées. Cette polarisation affective liée aux mobilisations et aux foules serait instable. Dans cette observation comportant 2 facteurs explicatifs, nous nous sommes intéressés d'une part à l'affectivité de l'étiquette (étiquette affective vs étiquette non affective) et d'autre part au contexte des passations (pendant des manifestations et 6 mois après). Les 187 participants devaient évaluer sur des échelles de Likert des caractéristiques juridiques associées à une des deux étiquettes. Les résultats montrent que la polarisation du rejet ne se produit que face à l'étiquette affective et pendant les manifestations (significatif à p <.001). Ces résultats nous mènent à penser que ces objets à forte polarisation affective ne seraient pas des représentations sociales notamment à cause de leur instabilité.

Mots clefs: Pensée sociale, Nexus, Représentations sociales, Foules.


ABSTRACT

We think that while an object is related to mass arousals, its affective dimension will be over activated, which shall be translated as polarized attitudes. That affective polarization linked to arousals and to the crowds would be unstable. In this experimental study there were 2 independent variables. We have manipulated label affectivity with two modalities (affective label vs non-affective label) and questionnaire administration occasion (during manifestations and 6 months later). The 187 participants should evaluate with Likert scales juridical characteristics associated to one of the two labels. Results show that rejection polarization is produced only by the affective label and during manifestations (significant at p <.001). Those results lead us to think that these strongly polarized objects would not be social representations notably due to their instability.

Keywords: Social thinking, Nexus, Social representations, Crowds.


 

 

Introduction

Avant de présenter cette recherche, il convient de rappeler les événements en France du printemps 2006. Un nouveau type de contrat de travail, appelé contrat première embauche (CPE), devait être mis en place par le gouvernement. Ce nouveau contrat était destiné aux personnes âgées de moins de vingt-six ans. L'amendement relatif au CPE fut ajouté au projet de loi pour l'égalité des chances, et adopté par l'Assemblée Nationale dans la nuit du 8 au 9 février 2006. Dès février, la quasi-totalité des syndicats s'opposait à cet amendement. Très vite, le milieu étudiant, se sentant concerné, les a rejoints dans cette opposition. Le 13 février une assemblée générale étudiante à l'Université de Rennes II a lancé un appel à la mobilisation générale en France. Trois jours plus tard des étudiants manifestaient dans une trentaine de villes. Un mois après l'adoption de l'amendement à l'Assemblée Nationale, le 7 mars 2006, entre 400 000 (pour les forces de l'ordre) et 1 million (pour les organisateurs) de personnes étaient dans les rues pour exprimer leur mécontentement face au CPE. Plusieurs manifestations de grande ampleur ont suivi. Le 18 mars, par exemple, plus d'un million de personnes (selon les organisateurs) étaient dans les rues. Au plus fort de la crise, environ 80% des universités françaises étaient perturbées, selon le Ministère de l'Education. On était donc en présence d'une mobilisation sociale de grande ampleur.

Une forme particulière de la pensée sociale, les nexus, introduite par Rouquette (1988, 1994a) se manifeste typiquement lors des grandes mobilisations. Ce sont « des noyaux de sens irraisonnés qui ont valeur de référentiels pour une communauté donnée à une époque donnée » (Rouquette, 1994a, pp. 67-68). Dans des situations de crise, ces formes de la pensée sociale se mettent en place, les attitudes se polarisent, les nexus entrent en jeu. Rouquette (1994a) distingue les nexus des représentations sociales en affirmant que, contrairement aux représentations, le nexus «ne coordonne pas à lui tout seul des savoirs et des pratiques, il ne rassemble pas une expérience, il ne permet pas d'interpréter même s'il permet de juger» (p. 71). Face à un nexus nous ne voyons pas de demi-mesure, c'est du « tout ou rien ». L'expérimentation de Rouquette avec le nexus « nazi » illustre bien ce propos. La seule présence du terme « nazi » induisait les participants à rejeter en bloc les propositions de programme électoral présentées, alors que ces mêmes propositions n'étaient pas rejetées lorsqu'elles étaient attribuées à « un parti politique » sans autre précision. Il y a ainsi un effet d'étiquette.

Par ailleurs, les nexus sont étroitement liés au contexte socio-historique, ainsi « patrie » ralliait les français en 1914 et ne provoque que peu d'effets aujourd'hui (Delouvée, 2005). Les nexus étant essentiellement activés en période de danger et crise, on peut parler d'un fort effet du contexte dans l'activation de ces « noyaux de sens irraisonnés », plus encore sans doute que dans le cas des représentations sociales (Abric & Guimelli, 1998). Plus précisément en période de crise, les attitudes d'adhésion ou de rejet se polarisent, une fois la crise passée le rejet sera moins extrême et l'on n'aura plus de polarisation. Les attitudes sont comprises ici en accord avec la définition de Eagly et Chaiken (1993) qui affirment que c'est « une tendance psychologique exprimée par l'évaluation d'une entité particulière selon un certain degré de faveur ou défaveur » (p.1).

Dans la présente recherche, nous étudions les effets des étiquettes mobilisatrices et du contexte sur l'évaluation d'un objet social. Pour étudier l'effet d'une étiquette mobilisatrice, nous avons choisi les termes « CPE » et « contrat première embauche » que nous opposons à l'étiquette supposée non mobilisatrice «contrat de travail». Nous faisons aussi varier le contexte de passation. Pour la moitié des participants, les passations se déroulaient lors des manifestations de mars 2006, pour l'autre moitié elles se déroulaient 6 mois après lorsque le mouvement s'était estompé. Les participants devaient évaluer le contenu présenté en indiquant leur degré d'accord avec ce dernier. Nous nous attendons à ce que les étiquettes « CPE » et « contrat première embauche » n'agiront qu'en contexte de crise, cela voulant dire qu'en situation de manifestation, il y aura une extrémisation relative des évaluations correspondantes. Quelques mois après lorsque le mouvement s'est arrêté, on peut s'attendre à ce que l'évaluation attribuée aux étiquettes « CPE » et « contrat première embauche » soit moins polarisée, et plus proche de l'évaluation de l'étiquette « contrat de travail».

 

Méthodologie

Facteur

Du fait des contraintes de terrain le travail qui suit a un caractère quasi-expérimental, le premier facteur étudié est l'étiquette, avec trois modalités, soient: les étiquettes dites affectives « CPE » et « Contrat première embauche » et l'étiquette neutre « Contrat de travail ». Le choix des étiquettes dites affectives« CPE » et « contrat première embauche » a été fait par suite de leur grande fréquence d'emploi dans les médias. En utilisant les termes « étiquettes affectives » nous reprenons l'appellation donnée par Campos et Rouquette (2000) pour la désignation d'un objet générant des mobilisations.

Le deuxième facteur étudié est le contexte de passation, avec deux modalités: passation pendant les manifestations, c'est-à-dire dans un contexte mobilisateur (que nous appellerons contexte «chaud ») et passation six mois après le mouvement anti-CPE (que nous appellerons contexte « froid »), c'est à dire dans un contexte sans mobilisation. Nous pensons que l'effet des étiquettes affectives (« CPE » et « contrat première embauche ») sur l'évaluation n'aura lieu que dans les contextes « chauds ». En contexte «froid », nous supposons que les étiquettes affectives ne se distingueront pas de l'étiquette neutre quant aux effets observés.

Variables mesurées

Pour mettre en évidence l'influence de l'étiquette et du contexte, on a retenu certaines caractéristiques juridiques du CPE que les participants devaient évaluer. Dans un premier temps, on a présenté une vingtaine de caractéristiques juridiques à une trentaine d'étudiants. On a conservé les caractéristiques jugées les plus compréhensibles et perçues comme les plus neutres, cela voulant dire que les étudiants ne les estimaient ni comme positives, ni comme négatives.

Voici les caractéristiques conservées pour l'étude:

- Réembauche du salarié licencié: Possible 3 mois après le licenciement. La durée travaillée auparavant est déduite de la période d'essai.

- Embauche d'un autre salarié après un licenciement: Possible immédiatement et indéfiniment.

- Indemnité de licenciement: 8% du salaire brut total versé depuis l'embauche.

- Allocations chômage: Après 4 mois de travail: 16,40€ par jour pendant 2 mois. Après 6 mois de travail: les conditions sont les mêmes qu'après un CDI.

- Exonération des cotisations sociales patronales: Totale pendant 3 ans pour l'embauche d'un jeune qui était au chômage depuis plus de 6 mois.

Après le pré-test, ces cinq caractéristiques ont été présentées aux participants des six conditions expérimentales. Ces derniers devaient exprimer leur degré d'accord/désaccord avec les dites caractéristiques. Pour cela, ils devaient se positionner sur une échelle de Likert en 5 points allant de +2 (accord maximal) à -2 (désaccord maximal). Pour chaque participant, on a calculé un score global (correspondant à la moyenne de ses cinq réponses).

Population

187 étudiants en Sciences Humaines et Sociales ont participé à cette étude. Les participants « à chaud » ont été interrogés lors des manifestations du 7 et du 19 mars 2006, à Paris, alors que les passations « à froid » ce sont déroulées en octobre de la même année à l'Université Paris-Descartes (Tableau 1).

 

Hypothèses

Dans cette étude, nous avons deux séries d'hypothèses, liées à des caractéristiques différentes des nexus. La première série d'hypothèses concerne la force du rejet/adhésion, qui traduirait l'aspect polarisé des étiquettes affectives (nous sommes tout-à-fait pour ou tout-à-fait contre, il n'y a pas de milieu). La deuxième série d'hypothèses concerne le fait que les étiquettes affectives effaceraient momentanément les différences intergroupes, on devrait donc constater un rejet/adhésion partagé par tous.

Concernant la force du rejet/adhésion

- Effet de contexte

On s'attend à ce que les étudiants en manifestation rejettent plus fortement les affirmations présentées, inversement, six mois plus tard une dépolarisation des réponses devrait avoir lieu, ce qui correspondrait à des réponses plus proches de 0 quelle que soit l'étiquette.

- Effet de nexus

Les participants dans les conditions où une étiquette affective est présente (« CPE » et « contrat première embauche ») rejetteraient plus fortement les affirmations alors que face à l'étiquette neutre (« contrat de travail ») les participants auraient des attitudes moins polarisées. Nous attendons aussi que le terme « CPE » engendre un rejet plus grand que «contrat première embauche », cette hypothèse est exploratoire et concernerait un hypothétique « effet de sigle ».

- Interaction

On s'attend à ce que l'effet des étiquettes affectives (« CPE » et « contrat première embauche ») se produise plus fortement en contexte mobilisateur.

Concernant la proportion de rejet/adhésion

Les étiquettes affectives effaceraient les différences inter et intragroupales en contexte mobilisateur : on aurait donc une majorité de participants rejetant le contenu présenté dans les conditions où une étiquette affective est présentée en contexte « chaud ». Dans les autres conditions la proportion de personnes rejetant le contenu serait moins importante.

 

Résultats

Concernant la force du rejet/adhésion

- Effet de contexte

Si l'on s'intéresse à l'effet du contexte, on peut observer qu' « à chaud » le score moyen est de -0.93 alors qu'« à froid » ce score est de -0.33. Les participants « à chaud » rejettent donc davantage les caractéristiques présentées que les participants de la condition « à froid ». Cette différence est significative au seuil .001 (t [185] = 5.6), ce qui confirme l'hypothèse sur la dépolarisation des attitudes en contexte non mobilisateur.

- Effet de nexus

En regardant les différences entre les modalités du facteur étiquette, il est possible d'observer que lorsque les caractéristiques sont attribuées à une étiquette affective(conditions « CPE » et « contrat première embauche ») les scores sont plus polarisés: soit -0.74 pour « CPE » et -0.82 pour contrat première embauche contre -0.34 pour « contrat de travail ». Ce résultat est significatif (F [2,184] = 6,2 à p. = 002). On peut donc affirmer que les participants des conditions « CPE » et « contrat première embauche » rejettent davantage les caractéristiques présentées, ce qui va dans le sens de l'hypothèse sur l'existence d'un effet de nexus.

Si l'on compare les résultats des conditions « CPE » et « contrat première embauche » on voit que les résultats sont semblables (t [120] = - 0.54 ns.) nous devons donc rejeter l'hypothèse d'un « effet de sigle».

N'observant pas de différences entre « CPE » et « contrat première embauche », on a regroupé deux conditions en une seule. Le score moyen de cette condition que nous appellerons « étiquette affective » est de -0.78 (avec n=122). Si nous la comparons à la condition contrat de travail nous obtenons un résultat significatif (t [185] = 3,5 au seuil p. < .001). On peut donc affirmer que lorsqu'une caractéristique est attribuée à une « étiquette affective », celle-ci est davantage rejetée par les participants que lorsqu'elle est attribuée à une « étiquette neutre ».

- Interaction contexte x étiquette

En s'intéressant à l'interaction entre les deux facteurs (voir la Figure 1) nous avons un (F[3,183] = 17,22 à p. < .001). On peut observer qu'à « chaud » il y a une différence des scores entre les conditions « étiquette affective » (« CPE » et « contrat première embauche ») et la condition « étiquette neutre », (« contrat de travail »), cette différence étant significative (F [2,83] = 6,61 à p. < .002). Par contre, en contexte «à froid », cette différence n'est plus significative (F [2, 98] = 1,49 ns.). Il convient de souligner que le score aux conditions « contrat de travail » ne changent pas significativement (au test t) selon le contexte. Par contre, dans les conditions « étiquette affective» on rejette davantage les caractéristiques en contexte « à chaud » qu'en contexte « à froid » (t [120]=-6,2 à p. <.001).

 

 

Concernant la proportion de rejet/adhésion

La figure précédente montre qu'« à chaud » les étiquettes affectives ont une évaluation moyenne fortement négative, ce qui traduit un rejet important. Mais ce rejet ne traduit qu'une des caractéristiques de cette forme de la pensée sociale, que constituent les nexus. Ceux-ci ont une autre caractéristique distinctive, qu'est d'effacer les différences inter et intragroupes. Pour étudier cet aspect nous avons séparé les participants entre ceux qui rejettent les caractéristiques présentées et ceux qui ne les rejettent pas. En cas de mobilisation d'un nexus la proportion de sujets rejetant ou approuvant l'objet devrait être proche de 100%.

On observe en fait que l'évaluation de l'étiquette non affective ne subit pas l'effet du contexte. Que l'on soit en contexte « chaud » ou « froid » la même proportion de participants rejette les caractéristiques associées à l'étiquette « contrat de travail », la différence des deux proportions n'étant pas statistiquement significative au test du χ2 (χ2 o = 0,093 < χ2 c = 3,84). Le Tableau 2 montre qu'indépendamment du contexte on retrouve la même proportion de participants défavorables au contenu présenté lorsque l'étiquette n'est pas affective indépendamment du contexte. La proportion de défavorables est d'environ 60% alors que les participants favorables au contenu sont environ 40%. Nous serions donc en présence de deux groupes avec des attitudes différentes, en aucun cas nous ne pouvons alors parler d'effet de nexus.

Le Tableau 3 nous montre que contrairement aux étiquettes non affectives les étiquettes émotionnellement chargées subissent significativement l'effet du contexte. En situation « à chaud » seuls 4 participants sur 57 ne rejettent pas les caractéristiques des étiquettes affectives, alors qu'ils sont 24 sur 65 à le faire en condition « à froid ». Ces résultats montrent bien qu' « à chaud » les étiquettes affectives « CPE » et « contrat première embauche » agissent comme des nexus, avec 93% des participants rejetant les caractéristiques présentées. Les participants ne sont plus que 63% à rejeter les étiquettes affectives quelques mois après, les différences inter individuelles sont réapparues, nous ne sommes plus face à un nexus. Cette différence de proportion de personnes rejetant l'étiquette affective selon le contexte est statistiquement significative (χ2o = 15,36) > (χ2c = 3,85) à p.<.001.

Les Tableaux 2 et 3 montrent bien que la disparition des différences inter et intragroupales ne se fait qu'avec les étiquettes affectives en contexte de manifestation, 6 mois après ces mêmes étiquettes ne génèrent plus un rejet massif partagé. En d'autres termes l'étiquette affective subit l'influence du contexte alors que l'étiquette non affective ne le subit pas. En contexte « froid » la proportion des participants rejetant les caractéristiques associées à une étiquette affective ne se distingue pas significativement (χ2o = 0,22 < χ2c = 5,99) de la proportion de rejet des participants de la condition non affective. Alors qu'en contexte « chaud » les proportions se distinguent, face à l'étiquette affective on observe un consensus.

Les étiquettes affectives de mars 2006 sont devenues des étiquettes non affectives 6 mois après.

 

Discussion

Depuis la fin du XIXème siècle on s'intéresse à la malléabilité et à l'inconstance des foules, Le Bon (1895) notamment a souligné l'instabilité des foules, qu'il affirme être versatiles passant d'une opinion extrême à une autre acceptant des « opinions unilatérales extrêmes » (p. 25). En plus de décrire l'instabilité des foules, cet auteur souligne aussi leur polarisation puisqu'il dit que « la simplicité et l'exagération des sentiments des foules les préservent du doute et des incertitudes, .... elles vont tout de suite aux extrêmes » (p. 25). Tarde (1901) aussi avait souligné cet aspect de l'homme en foule, car comme il dit « chez les hommes rassemblés ou même unis de loin, tout, pensée ou désir, est vite poussé au dernier excès» (p. 23).

On peut rapprocher cette exacerbation des sentiments dans les foules aux résultats observés dans cette étude, dans les conditions « à chaud » les participants étaient totalement opposés au contenu présenté lorsqu'il était rattaché à l'objet honni. Cette opposition était extrême et donc polarisée. En plus d'être extrême, ce rejet était partagé par tous. Nous avons donc un rejet extrême et partagé par tous. Ces résultats souligneraient aussi le fait que lorsque la charge affective devient prépondérante, on ne discute plus, les opinions et attitudes deviennent prélogiques puisqu'elles précèdent la réflexion.

On remarque que la polarisation observée « à chaud » est instable car six mois après elle n'existe plus, les scores se dépolarisent et se rapprochent de 0. Ceci nous rappelle que les nexus sont mobilisateurs, ou tout du moins, apparaissent essentiellement en période de mobilisation et seraient bien plus instables que d'autres formes de la pensée sociale. Avec ces résultats nous ne pouvons pas affirmer que la charge affective associée à un objet est instable, ou si seules les charges affectives extrêmes sont instables.

Cette étude a montré un effet de nexus (ou effet de l'affectivité de l'étiquette), ce qui vient renforcer les études précédentes (Rouquette, 1994a; Campos & Rouquette, 2000, 2003; Delouvée, 2004, 2005, 2006; Wolter & Rouquette, 2006; Lo Monaco, Guimelli, & Rateau, 2008). Mais une question essentielle concernant cette forme de la pensée sociale reste en suspens (Wolter, 2009), quelle est son lien avec les représentations sociales? Une première réponse a été de dire que les nexus formeraient la composante affective de la représentation sociale (Rouquette, 1994a; Campos & Rouquette, 2000, 2003). En étudiant des objets polémiques générant des polarisations attitudinales, Delouvée (2005b) remarque que la valence partielle attribution des schèmes cognitifs de base (notamment Guimelli & Rouquette, 1992; Rateau, 1995a, 1995b, 1995c; Rouquette, 1994b) augmente avec la polarisation. Ce résultat pourrait nous indiquer qu'en présence d'un nexus, où la polarisation est forcément importante, le schème attribution aura une valence très forte, c'est-à-dire une valence attribution maximisée, ce qui traduirait peut-être un état particulier d'une représentation sociale, où l'affect et le jugement primeraient. Ce point de vue n'a pas été pris par Delouvée (2005b) qui compare les nexus à des molécules d'eau à l'état de vapeur « désordonnées, espacées, non liées et très agitées » (p. 185), ce qui ne peut pas être une représentation sociale car cette dernière est forcément structurée et stable. Il suggère alors que le nexus n'est pas un état particulier de représentation sociale, mais une autre espèce de représentation. Les résultats de cette étude montreraient que les nexus sont instables, contrairement à une représentation sociale qui possède un noyau stabilisateur (Abric, 1994).

 

Références

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Endereço para correspondência:
Rafael Wolter
Rua Carvalho Alvim, 333 apt 805, Tijuca
Rio de Janeiro, Brasil
Email: rafaelpeclywolter@gmail.com

Enviado em Dezembro de 2010
Aceite em Abril de 2011
Publicado em Julho de 2011