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Estilos da Clinica

Print version ISSN 1415-7128On-line version ISSN 1981-1624

Estilos clin. vol.25 no.3 São Paulo May./Dec. 2020

http://dx.doi.org/10.11606/issn.1981-1624.v25i3p454-470 

10.11606/issn.1981-1624.v25i3 p454-470

ARTICLE

 

Prendre en charge l'enseignement moral et civique : un rapport à l'épreuve ? Le cas Sofia

 

To take care moral and civic education: a relation to the test? The Sofia case

 

 

Séverine Fix-LemaireI

IDoctorante en Sciences de l'éducation, Université Toulouse Jean Jaurès, Toulouse, France. E-mail: severine.fix@univ-tlse2.fr

 

 


RÉSUMÉ

Cette recherche, basée sur une construction de cas, pose un regard orienté par la psychanalyse sur l'enseignement, dans le 1er degré en France, d'une discipline nouvelle dans sa forme mais historiquement ancrée dans l'École française : l'enseignement moral et civique. La nature des savoirs mis en jeu semble provoquer un dilemme subjectif qui place des professeurs des écoles entre prescription institutionnelle et désir d'enseigner, entre acte et inhibition. Dès lors, il s'agit de se demander quelles causes subjectives provoquent un embarras pour un professeur des écoles d'en passer par l'acte éducatif en enseignement moral et civique. L'analyse interprétative de paroles d'une professeure des écoles montre que cet enseignement semble placer le sujet face à quelque chose de lui difficile voire impossible à supporter en partie parce que cela l'oblige à en passer par un acte d'éducation qui le dévoile aux autres et à lui-même. L'EMC serait alors à lire en tant que « rapport à l'épreuve » (Brossais & Jourdan, 2011), concept permettant de rendre compte d'un rapport au savoir particulier.

Mots-clé: enseignement moral et civique; premier degré; impossible; psychanalyse; épreuve.


ABSTRACT

This research, based on a construction of cases, has a look directed by psychoanalysis on the teaching, for the 1st degree in France, of a formally new discipline but historically anchored in the French School: moral and civic education. It seems the nature of the involved knowledges cause a subjective dilemma for the primary school teachers between institutional prescription and desire to teach, between act and inhibition. Therefore, it is a question of wondering what subjective causes embarrass a school teacher going through the educational act in moral and civic education. The interpretive analysis of a school teacher words shows that this teaching seems to place the subject face something that is difficult or even impossible to bear partly because it forces him/her to go through an act of education that reveals to others and to him/herself. Moral and civic education should then be read as a "relation to the test" (Brossais & Jourdan, 2011), a concept making it possible to account for a particular relation to knowledge.

Keywords: moral and civic education; first degree; impossible; psychoanalysis; test.


 

Un travail de recherche sur l'Enseignement Moral et Civique (EMC) interroge immanquablement le lien entre l'École et la société. En effet, l'École en France - qui, de tradition, a pour mission d'instruire, d'éduquer et de socialiser - se donne pour ambition, à travers l'EMC notamment, l'éducation des futurs citoyens au vivre-ensemble. Elle vise, pour les élèves, l'acquisition d'une conscience morale et la transmission des valeurs de la République leur permettant de comprendre, de respecter et de partager les valeurs humanistes qui fondent la société française.

Cette recherche, éclairée par la psychanalyse, s'inscrit dans une visée compréhensive, et ne vise pas à promouvoir de « bonnes pratiques » dans une logique normative et descendante qui exposeraient comment un Professeur des Écoles (PE) devrait s'y prendre pour « bien » assurer une séance d'EMC. Elle s'efforce de questionner et d'analyser la relation imposée et singulière qu'un PE noue avec l'EMC.

En effet, au sein l'école française, la polyvalence, caractéristique inhérent au métier de PE, oblige ces derniers à enseigner l'ensemble des disciplines scolaires inscrites au programme, dont l'EMC. En tant que formatrice spécialisée dans la formation des PE à l'EMC, depuis la publication des programmes d'EMC en 20151, j'ai pu constater et entendre, sur le terrain, en visite dans des classes ou lors d'échanges informels, que cet enseignement laisse certains PE en proie à un embarras professionnel avéré.

Interrogés sur cela, ils évoquent différents types de difficultés professionnelles empêchant ou retardant la mise en œuvre de tout ou partie de ce programme. En somme, ils avancent nombre d'arguments justifiant de ne s'emparer que partiellement de la prescription institutionnelle.

Cette position est relayée par Blanc-Maximin, Audran et Fernandez (2017) qui pointent un

malaise et une incertitude plutôt reliés aux relations avec les partenaires de l'école et en particulier celles avec les familles. En effet, peu de pratiques de co-éducation sont déclarées et une partition tacite de l'éducation entre les deux milieux est révélatrice de la crainte d'une ingérence des familles dans les écoles où la perte de confiance envers l'institution est affirmée. (p.23)

Baron (2017, p. 92) quant à lui soulève la présence de questions socialement vives (QSV) en EMC qui peuvent conduire à « un risque d'enseigner pris par les enseignants » car « il s'agit surtout de questions qui sont ressenties comme trop chaudes, trop difficiles à aborder avec des élèves dans le contexte prétendument "neutre" de l'école et de leur activité professionnelle ». Ces QSV constitueraient un argument de poids pour la non mise en œuvre de la partie « morale » du programme d'EMC par les enseignants.

Car, si la partie « civique » du programme est relativement mise en œuvre dans les classes, la partie « morale » fait figure de parent pauvre. Elle semble clairement perturber un nombre conséquent de PE.

La thèse soutenue par Ogien (2013) à l'égard d'un enseignement de la morale à l'école vient faire écho à ce constat. Ce dernier oppose à cet enseignement une critique radicale, mêlant erreur philosophique et menace politique. Analysant cette position, Jacomino (2013, p. 172) souligne qu'« imposer un enseignement de la morale à l'école, c'est, confondre le juste et le bien [...] On peut imaginer un consensus sur ce qu'est une vie juste, mais comment l'État pourrait-il trancher parmi les différentes conceptions de la vie bonne ? Une éducation civique est justifiée, mais une éducation morale d'État ne l'est pas ».

Si des causes contextuelles (programme récent dans sa forme actuelle, supports pédagogiques encore peu nombreux, formation initiale quasi inexistante) peuvent expliquer l'écart entre le « prescrit » et le « réalisé » et les difficultés pédagogiques, ne pourrait-on pas envisager aussi de situer l'embarras véritable – que l'on pourrait qualifier d'épreuve au sens de « moment de vérité où le sujet fonde et vérifie sa qualité » (Terrisse, 1994, p. 87) – des PE face à l'EMC, du côté de causes plus structurelles (au sens de liées à la structure psychique) et subjectives propres à chacun d'entre eux ?

Se posent alors plusieurs questions auxquelles ce travail va tenter de répondre : Se joue-t-il quelque chose d'inconscient dans le rapport à cet enseignement qui puisse constituer un obstacle à sa mise en œuvre par certains PE dans leur classe ? Quelles causes subjectives inconscientes – « raisons vraies » (Montagne, 2020) – pourraient expliquer qu'ils soient embarrassés par cet enseignement pourtant ancré dans l'histoire de l'École française ?

Une présentation des évolutions curriculaires de l'EMC jusqu'à sa forme la plus récente en 2018 permettra d'inscrire cet enseignement dans une continuité didactique et historique et d'en définir les caractéristiques politiques et conceptuelles. Les cadres théoriques et méthodologiques de ce travail orienté par la clinique et la psychanalyse seront présentés. Puis sera proposée une construction de cas avançant des hypothèses interprétatives aux difficultés que dit rencontrer Sofia - pseudonyme choisi par une PE pour garantir son anonymat – pour assurer l'EMC qui est selon elle : « très difficile à enseigner justement »2.

 

L'EMC en France, entre tradition et innovation

L'EMC, comme projet de société, a connu une évolution que l'on pourrait qualifier de curriculaire au sens de Demeuse, Strauven et Roegiers (2006, p. 11) pour qui « un curriculum consiste en un plan d'actions qui s'inspire des valeurs qu'une société souhaite promouvoir ». Selon un autre prisme, l'EMC peut apparaitre comme la part exprimée et imaginaire de certains éléments fondateurs du Surmoi freudien, soit une partie des interdits et des obligations explicites ou implicites qui régissent les façons de penser et de faire des sujets vivant dans une société donnée.

Dès 1833, les lois Guizot inscrivent l'instruction morale et religieuse comme première matière à enseigner à l'École de la République. Cette matière perdure jusqu'à la construction de l'École républicaine où les lois Ferry (1882) modifient cet enseignement dans le sens d'une laïcisation : l'instruction morale et religieuse devient alors instruction morale et civique. Le projet d'enseignement de la morale de Ferry présuppose une homogénéité du corps social. Il a pour fondement l'idée que la morale, dont les valeurs seraient un fond social commun, peut être enseignée car elle est celle de tout un chacun. L'enseignement de la morale repose sur un discours, opérateur de lien social, situé dans une forme du discours du maitre (Lacan, 1969- 1970/1991), identique et valable pour tous.

L'individualisme démocratique contemporain de mai 68 qui s'est écrié haut et fort qu'« il est interdit d'interdire », expression caractéristique d'une inscription sociétale dans le discours de l'hystérique (Lacan, 1969-1970/1991), et la prise en considération de l'existence d'un pluralisme des valeurs dans la société française amènent cette éducation morale à disparaitre des programmes en 1969.

Ce n'est qu'à la fin du XXe siècle que l'enseignement de la morale à l'école réapparait sous différentes formes. Le mot « morale » étant d'abord soigneusement évité dans les intitulés de la discipline, il réapparait cependant en 2008 avec l'instruction civique et morale, soulevant nombre de controverses au sein même de l'éducation nationale et au-delà, dans la société. En 2013, la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'École de la République crée l'enseignement moral et civique, qui se donne pour objectif de répondre à la question qui a émergé au milieu du XXe siècle : comment enseigner une morale à tous quand la morale n'est pas la même pour tous ? Comment faire avec l'immoral ou l'amoral de certaines conduites individuelles face aux normes morales d'une société que cet écart induit ?

Ces interrogations renvoient en premier lieu à la réflexion de Lagache (2009, p. 120) quand il éclaircissait les ponts entre morale et psychanalyse en avertissant du « malentendu selon lequel l'analyse devrait affranchir de toute culpabilité et permettre de faire tout ce qu'on veut ». En second lieu, elles renvoient à l'éclairage des liens entre le sujet et le collectif que Freud a traité dans Psychologie des foules et analyse du Moi (1921/1981). Dès lors, l'enjeu éducatif de l'EMC (l'étude du lien social « je-moi-nous-vous ») à la lumière de la psychanalyse, peut s'entendre autrement : comment prendre en compte et respecter la singularité du sujet pris dans un collectif et réciproquement comment construire du collectif à l'aune des disparités des désirs de chaque sujet ?

L'EMC est un enseignement obligatoire, dans tous les établissements publics et privés sous contrat en France, du Cours Préparatoire à la terminale (6 à 18 ans) ; une continuité que Kahn (2017) qualifiera de « grande nouveauté ». Il est encadré par des programmes nationaux, entrés en vigueur à la rentrée scolaire 2015 et clarifiés en 2018.

Les bases de cet enseignement sont les valeurs et principes émanant des textes fondateurs de la République française : liberté, égalité, fraternité, laïcité, solidarité, esprit de justice et refus des discriminations.

Quatre idées directrices sous-tendent la philosophie de ces programmes, dans un souci de cohérence et de continuité pédagogique :

‐ l'idée d'une culture morale qui articule valeurs et savoirs, considérant que les valeurs en jeu ont également une dimension culturelle que les élèves vont s'approprier à travers des œuvres picturales, graphiques, musicales et des textes littéraires issus du patrimoine de l'humanité.

‐ l'idée d'une morale sans moralisme.

‐ l'idée d'une morale civique en lien étroit avec les principes et les valeurs de la citoyenneté républicaine et démocratique.

‐ l'idée d'une morale délibérative qui se donne pour objectif de mettre les élèves en situation de réfléchir à travers des dispositifs conçus pour permettre le débat.

L'objectif affiché de cet enseignement est « d'associer dans un même mouvement la formation du futur citoyen et la formation de sa raison critique »3 afin que l'élève « acquiert une conscience morale lui permettant de comprendre, de respecter et de partager des valeurs humanistes de solidarité, de respect et de responsabilité. »4 La responsabilité est constitutive de la vie sociale : elle est ce par quoi chaque individu se conçoit comme une personne morale capable d'agir et de juger l'attitude d'autrui sur la base de règles établies. Ainsi, elle rattache dans un lien de solidarité le sujet à son acte, et le met ainsi en position d'avoir à en répondre.

Cette notion présuppose la liberté du sujet car il ne peut être tenu responsable que d'un acte qu'il est libre de réaliser et capable de juger de façon autonome. Dans cette perspective, il s'agit de former la raison critique des élèves et de développer leur conscience morale, entendue comme la capacité de juger du bien et du mal, d'en mesurer et d'en assumer les conséquences le cas échéant. En d'autres termes, il s'agit de leur permettre de se comprendre comme sujets responsables, aptes à prendre leur « propre part au désordre dont [ils se plaignent] » (Freud, 1905/1954, p. 23).

 

Une approche psychanalytique pour cadre théorique

Ce travail se réfère au champ de la psychanalyse définie comme la compréhension et l'analyse du psychisme fort du postulat de l'existence de l'inconscient et de la division du sujet : « le Moi [...] n'est pas le seul maitre dans sa maison » (Freud, 1916-17/1976, p. 266).

Le choix de la clinique analytique permet de se centrer sur un PE considéré comme un sujet au sens psychanalytique. Le sujet pour la psychanalyse n'est ni le « Je » de Descartes, ni l'individu de la psychologie ni l'acteur de la sociologie. Le sujet de la psychanalyse est « effet de parole » (Montagne, 2020). Autrement dit, il est fondé par la part intime, innommable et irréductible de l'être humain mis en relation avec d'autres humains quand ils se parlent.

Divisé entre conscient et inconscient, le sujet est scindé par ses structures subjectives. Freud (1923/1981) structure le psychisme à travers trois instances dont les relations déterminent la vie psychique du sujet : le Moi concerne la façon dont le sujet s'imagine, se perçoit dans la réalité sociale. C'est la représentation qu'un sujet a de lui-même. Le Surmoi, centre des normes imposées, responsable de l'intériorisation et du rappel des interdits fondamentaux (inceste et meurtre) et du rapport à la Loi, installe injonctions, culpabilité et morale chez le sujet. Enfin, le Ça renvoie à l'instance pulsionnelle ; il est le désir tout puissant, exprimé sans aucune retenue. Régi par le principe de plaisir, il ne connait ni norme ni réalité.

Ainsi, il s'agit donc de considérer que lorsque le sujet parle ou agit, il ne décide pas forcément de tout ; quelque chose de lui se montre à son insu. L'embarras de l'EMC de certains PE ne pourrait-il pas être lié à un conflit psychique entre ces différentes instances ?

Cet embarras peut aussi renvoyer à un rapport à l'Idéal du Moi (Freud, 1914/1970), comme « ce qu'il [l'homme] projette devant lui comme son idéal » (Laplanche & Pontalis, 1967, p. 184), c'est-à-dire ce qui renvoie aux modèles auxquels le sujet cherche à se conformer, et le Moi Idéal élaboré par Lagache (1961), sorte de toute-puissance narcissique, représentation imaginaire que le sujet se fait de lui-même pour être conforme à ce qu'il a été d'idéal pour ses parents, viennent préciser la division du sujet.

Et d'autres questions émergent : l'EMC ne viendrait-il pas fragiliser le Moi Idéal des PE qui se risqueraient à l'enseigner ? Qu'en est-il de l'Idéal du Moi dans cet enseignement qui oblige le PE à dévoiler une part de ce qui le fonde à ses élèves ?

À la suite de Freud, Lacan (1953) envisage l'être humain comme défini par l'articulation entre trois concepts qu'il nomme les « registres essentiels de la réalité humaine » : le Réel, le Symbolique et l'Imaginaire.

Le Réel est ce qui échappe aux mots et à la représentation. Inaccessible, il est, dans sa globalité et sa complexité, ce qui est sans que l'on puisse le prévoir ou l'éviter, ce qui reste définitivement en soi. D'où la formule de Lacan : « Le Réel, c'est l'impossible » ; l'impossible à dire et à se représenter. Le Symbolique est l'accès aux mots, le langage qui permet au sujet de faire avec les autres et avec le monde en le disant et en se le disant. Enfin l'Imaginaire renvoie aux images, aux représentations, aux phénomènes d'identification, à ce qui relève de la signification spéculaire que le sujet donne et se donne au monde.

Aussi l'EMC ne provoquerait-il pas pour le sujet un affrontement entre ces registres qui embarrasserait le PE au point de ne pas enseigner cette discipline ? Quelles pourraient être les conséquences d'un Symbolique « manquant » (qui ne pourrait pas dire tout) pour faire avec l'Imaginaire des valeurs sociétales ?

Le cadre théorique de la psychanalyse permet de traiter la question du sujet, fort de sa complexité intime, et ainsi de s'intéresser à la position subjective d'un PE, dans sa classe, devant ses élèves, quand il est en position d'assurer l'EMC. Cette référence épistémologique offre donc l'opportunité d'un éclairage singulier, au-delà des considérations didactiques et pédagogiques habituelles, sur les causes de l'embarras de PE à mettre en œuvre le programme d'EMC dans sa globalité.

 

La clinique au cœur de la méthodologie

« Position méthodologique voire épistémologique » de construction des connaissances, la démarche clinique (Revault d'Allonnes, 1989, p. 20) apparait dès lors que se pose « la question du sujet ou plus exactement celle de la subjectivité, de sa place dans le champ social, de ses rapports complexes avec le fonctionnement social ».

Blanchard-Laville (1999) introduit ce qu'elle nomme l'approche clinique d'orientation psychanalytique ; elle sera définie par Danvers (2010, p. 110) comme « une approche sensible aux vérités de l'inconscient, à la nature pulsionnelle des choix existentiels et aux conflits identificatoires » permettant une meilleure compréhension des « impasses et réussites dans les transmissions des savoirs et de la vie scolaire, par exemple, et [indique] des voies pour améliorer des situations difficiles ».

La clinique analytique vise à produire des savoirs sur un phénomène à partir du récit des sujets entendus et acceptés dans leur singularité. Le chercheur s'intéresse à la parole du sujet qu'il rencontre et écoute à propos d'une expérience ciblée car l'orientation psychanalytique considère que les mots ont un effet opératoire qui dépasse l'effet syntaxique. Il y a alors un intérêt à donner la parole à un PE quand il agit de façon surprenante pour lui permettre de dire et de s'entendre dire un peu de ce qu'il vit.

Dans cette recherche, le cadre clinique permettra d'étudier la singularité de Sofia dans la façon dont son rapport à l'EMC s'expose quand elle parle. L'analyse de son dire permettra de repérer ce qui se passe à son insu.

Des entretiens non directifs de recherche (Yelnik, 2005), forme d'entretiens dérivée des entretiens non directifs, ont servi de méthode de recueil des paroles de Sofia. Il s'agit d'une technique d'entretien par laquelle le chercheur, au moyen d'une attitude qui se veut volontairement la plus neutre possible, par des questions ouvertes et des relances fondées sur l'équivoque des mots (Casper, 2003) et les signifiants qu'il repère, cherche à entendre ce qui se dit du sujet dans ce qu'il dit en parlant de lui. Mobilisé par et dans l'échange, le chercheur s'efforce d'induire et d'orienter le moins possible les réponses du sujet afin de garantir qu'elles reflètent le plus fidèlement sa subjectivité spontanée.

Le cas Sofia a été construit à partir de trois entretiens non directifs de recherche. Ils ont eu lieu dans sa classe, au sein de son école d'exercice. Ils se sont déroulés sur la même année scolaire, d'octobre à février, et ont été espacés de deux mois chacun. Ils ont duré en moyenne 45 minutes et ont fait l'objet d'un enregistrement audio et d'une retranscription intégrale. Sofia a été avertie de l'objet et du champ épistémologique de la recherche avant de donner son accord pour les entretiens. Il lui a été proposé une rencontre quelques mois après le dernier entretien pour échanger autour des hypothèses interprétatives dégagées lors de la construction du cas ; ce qu'elle n'a pas souhaité.

L'analyse interprétative consiste dans « le malentendu du discours » (Lacadée, 2003) à être touché par les signifiants de la parole du sujet. C'est une construction qui résulte, comme l'indique Montagne (2013, pp. 521-522), de

l'effet de la rencontre en parole entre chercheur et sujet. Elle n'est pas le dévoilement par l'un (qui serait savant) de la signification de ce que vit l'autre. Elle est une proposition d'explication causaliste de ce qui est vécu. Elle témoigne d'une compréhension de la structure psychique du sujet par le chercheur et de sa conviction sur les causes et les buts des conduites ou des paroles du sujet.

L'interprétation se donne pour objectif de repérer et d'analyser dans le discours tout ce qui étonne dans ce que dit ou ne dit pas le sujet afin de faire émerger des manifestations de certaines dimensions de son inconscient.

L'analyse et l'interprétation des paroles du sujet, conduites par le chercheur, engagent sa subjectivité. Aussi, pour soutenir la recevabilité épistémologique des résultats, leur présentation à d'autres chercheurs, œuvrant dans le champ de la psychanalyse, a permis de valider ou d'infirmer la cohérence théorique et conceptuelle qui existe entre le cas et la lecture qui en est faite. Cela participe d'une « vérification externe » (Van der Maren, 1996) en usage dans d'autres champs de recherche en éducation.

La construction de cas permet de rendre compte de la complexité d'un sujet dans un contexte donné et concourt à restituer sa singularité. Cette méthode d'analyse des données et de présentation des résultats opère selon la formule de Terrisse (1999, p. 66) « au cas par cas, au un par un ».

Flyvbjerg (2006) a démontré la recevabilité du cas unique arguant notamment que, dans cette façon de produire du savoir, le sujet n'est pas considéré pour lui-même mais parce ce que sa structure psychique renseigne sur la structure psychique du sujet en général dans le sens où ce qu'il vit d'une façon singulière est néanmoins traversable par l'ensemble des êtres humains. Saisir l'embarras de Sofia permettrait ainsi de comprendre d'autres positions subjectives d'autres sujets dans des contextes de vie différents mais traversant des épreuves aux échos psychiques similaires.

 

Le cas Sofia

Sofia est une professeure des écoles débutante, titulaire première année, « épanouie » professionnellement, « très contente de faire enfin quelque chose qui [lui] plait » bien que « pour le moment » elle ne se voit pas comme une « bonne enseignante » car le bon enseignant pour Sofia « c'est forcément un enseignant qui a de l'expérience ».

Il s'agit d'une reconversion professionnelle ; elle est « dans ce métier depuis maintenant un peu plus d'un an, [...] après avoir travaillé dans l'audiovisuel. »

Elle confie rapidement qu'elle était destinée à « suivre la voie royale tracée... par [s]es parents » c'est-à-dire « classe prépa grande école etc. grande boite internationale poste de dirigeante ou de chose comme ça ». Elle ajoute alors avoir fait « un travail psychologique » pour s'affranchir de cette demande parentale et « accepter de faire c'qui [lui] plaisait justement » parce que pour elle, « le fait de travailler avec des enfants clairement ça c'est la base ». Pourtant, elle ne se « voyai[t] pas dans le rôle de l'enseignante » ; « à la limite [elle se] serai[t] plus vu dans le rôle de l'ASEM 4 que d'une enseignante » parce que « l'aspect scolaire [la] rebutait. », que « la vision [qu'elle avait] de l'enseignant [...] qui est descendant qui détient le savoir et qui le donne aux élèves qui sont en position de réception et qui attendent le savoir », ce qu'elle qualifie d'« image négative [...] de l'enseignant » , ne lui convenait pas. Elle reconnait cependant qu'elle en « adopte forcément [la] posture par moment » « parce que c'est plus facile en fait aussi de procéder comme ça ».

Se repère ici quelque chose de la position de maitrise qu'elle adopte finalement en classe et qu'il lui est pénible, voire impossible, de lâcher en EMC alors que cet enseignement, dont la modalité pédagogique privilégiée est le débat, lui impose.

Lorsqu'elle évoque sa mission d'enseignante, elle ne peut s'empêcher de revenir en filigrane sur sa propre histoire. Pour elle, l'essentiel est « de donner confiance euh en soi aux élèves en eux leur donner confiance en eux pour en faire justement des futurs citoyens qui réfléchissent qui eux aussi assument leurs choix qui sont bien dans leurs baskets [...] en se libérant du cadre familial ou du contexte familial ou social qui peut être parfois lourd et parfois contraignant ». Ce métier qu'elle a choisi semble donc la renvoyer vers ses expériences subjectives. Qu'en est-il alors de la prise en compte de ces expériences subjectives en EMC, discipline qui contraint le sujet à parler depuis lui, de faire état de sa vérité ?

Sa priorité, c'est que les élèves « s'estiment aussi et qu'ils se disent pas je suis nul je sais pas faire j'y arrive pas donc je n'fais pas et où ils avaient une mauvaise image d'eux- mêmes à la base ».

Mais n'est-ce pas aussi d'elle qu'elle parle en évoquant cette inadéquation entre l'image qu'un sujet a de lui, son Moi Idéal, et l'image que ses parents lui renvoient à travers ses choix professionnels ? En classe, l'EMC semble venir creuser cet écart, la plaçant, de fait, devant « un impossible à supporter ».

Interrogée sur les disciplines qu'elle aime enseigner et dans lesquelles elle se sent à l'aise, Sofia cite le français, les mathématiques, l'anglais puis d'autres disciplines, par ordre de préférence. L'EMC fait figure d'absent dans ce tour d'horizon. Ramenée vers cet enseignement, elle dit ne pas s'y sentir à l'aise parce qu'elle a « l'impression de pas avoir les billes pour euh... pour être à l'aise sur ce sujet-là et pouvoir en parler de manière sereine et détendue », que « déjà d'une je maitrise pas mon sujet et de deux, je suis pas sûre de réussir à faire passer le bon message aussi parce que je maitrise pas mon sujet mais aussi parce que c'est pas clair pour moi ». Un enseignement qu'elle dit aborder « avec des pincettes » et dont elle « élude la question » ou fait « un peu une pirouette » pour « [s'] en [...] sorti[r] comme [elle peut] ». Tout au long de ces trois entretiens, Sofia explique que l'EMC, « c'est pas une discipline au sens traditionnel du terme », « c'est plus abstrait ». Elle va même jusqu'à dire que « c'est pas essentiel » et que par conséquent « on y accorde pas la même... le même poids [que les autres disciplines] en fait ». C'est un enseignement qu'elle qualifie de « sujet qui est sensible et qui du coup est un peu... laissé de côté, c'est-à-dire on dit que c'est important mais on n'y touche pas trop et on n'en parle pas trop parce que... bon... ».

Sofia se montre embarrassée par cette discipline « impliquante ». Parce qu'elle y est invitée explicitement, elle indique que « c'est difficile aussi de ne pas avoir de... point de vue personnel sur... enfin... euh... d'être euh... objectif totalement par rapport à ces notions. J'pense qu'y'a forcément une part de subjectivité... concernant l'EMC. J'pense que c'est forcément quelque chose qu'on voit à travers son propre prisme [...] on fait passer une partie de ce qu'on pense et... et de nos idées », ce qu'elle avait déjà énoncé précédemment en ces termes : « je vais regarder le programme à travers le filtre de ma personnalité ». Ses silences et hésitations témoignent ici d'un impossible à dire, signe que l'EMC la confronte au Réel.

Finalement, Sofia conclut qu'en EMC, « c'est moins facile de rester voilée que dans d'autres enseignements » et, à la fin du dernier entretien : « Je me dis qu'il y a quand même un danger à être trop euh... à être comme on serait en dehors de l'école, à ne pas être un enseignant mais à être juste soi quoi en fait. ».

A travers l'idée de danger à « être juste soi » en EMC, on peut voir que l'EMC engage cette PE au-delà de ce qu'elle est comme professionnelle, la dévoile, ce qui pour Sofia constitue un danger.

Le cas Sofia montre que l'EMC peut provoquer des effets subjectifs qui embarrassent une PE. La nature des savoirs mis en jeu et la forme de leur transmission semblent raviver un dilemme subjectif qui fait de l'enseignement de l'EMC une épreuve pour Sofia. Au regard des outils d'analyse des paroles de Sofia, l'EMC semble la placer devant un « impossible à supporter », déstabiliser sa position de sujet supposé savoir, raviver quelque chose de ses expériences subjectives.

 

Un impossible à supporter

« L'impossible à supporter » (Terrisse, 2009) est une manifestation d'un conflit psychique. Il se rapporte à des expériences traumatisantes vécues dans le passé par le sujet et qui vont influencer sa manière de transmettre le savoir enseigné dans le présent. Autrement dit, il s'agit de l'empêchement que peut rencontrer un PE à maintenir l'équilibre qui lui permet de soutenir sa place d'enseignant lorsqu'il est en situation d'enseigner. Il s'exprime le plus souvent par la mise en jeu d'affects – expressions émotionnelles des conflits internes d'un sujet – qui témoignent eux aussi de la confrontation du PE à de l'impossible.

Sofia tient beaucoup à offrir une image d'elle enseignante, qui soit celle de l'enseignante neutre et humaniste, principalement préoccupée par l'aide aux élèves en difficulté, tournée vers eux et entièrement dévouée à les réconforter, à valoriser leur estime de soi, à développer leur confiance en eux. Elle s'imagine dans le rôle de la « super enseignante », incarnation d'un Idéal du Moi, qui donne de soi même si « ça va [lui] couter ». Elle se veut être la « bonne enseignante ». Cette notion s'oppose cependant à celle de l'« enseignante suffisamment bonne » qui, à l'instar du concept de « mère suffisamment bonne » de Winnicott (1953/2006) qui apporte des réponses équilibrées aux besoins de son enfant, serait suffisante mais pas débordante dans les réponses qu'elle apporte aux élèves.

Or, le discours que l'EMC impose à Sofia provoque un affrontement Imaginaire/Réel chez elle. En effet, l'image qu'elle se fait d'elle, son Moi Idéal, ne correspond pas à ce qu'elle ressent. Il y a un décalage entre Imaginaire et Réel qui n'est pas résorbé par le Symbolique car celui-ci faillit : Sofia n'a pas les mots pour dire. Les mots manquent devant ses élèves, en situation d'enseigner l'EMC : « quand ils me posent ce genre de question pour moi ça soulève aussi des questions à laquelle j'ai pas une réponse » mais aussi en entretien. Invitée à s'exprimer sur son implication personnelle en EMC elle est gênée, cherche ses mots : « c'est compliqué ce que j'essaie de dire c'est pas clair dans ma tête non plus euh... non mais je veux dire que euh... ». Et quand elle essaie de parler de son rapport à l'EMC, elle hésite, se reprend, témoignant ainsi de sa confrontation au Réel ; elle cherche les mots qui ne viennent pas, faisant alors état d'un Symbolique « manquant » : « J'ai l'impression que quand j'en parle, déjà d'une je maitrise pas mon sujet et de deux je suis pas sûre de réussir à faire passer le bon message aussi parce que je maitrise pas mon sujet mais aussi parce que c'est pas clair pour moi et... c'est... c'est euh... euh... [silence] c'est... je sais pas comment exprimer ce que je veux dire mais c'est euh... euh... c'est un peu... ».

L'EMC perturbe l'image que Sofia a d'elle-même en tant qu'enseignante et comme elle l'a saisi, c'est-à-dire ressenti sans pouvoir le formuler, elle ne se risque pas à enseigner cette discipline. Par son embarras de l'EMC, elle manifeste le refus de se mettre dans la situation de provoquer et de devoir surmonter une blessure narcissique : Idéal du Moi, en tant que « substitut du narcissisme de l'enfance » (Freud, 1914/1970, p. 98) et Moi Idéal, sorte de toute-puissance narcissique, sont bousculés. Or le Moi Idéal de Sofia est fragile ; elle est devenue enseignante contre le désir de ses parents : « je n'm'autorisais pas à faire ce genre de profession qui ne correspondait pas aux critères élitistes de mon milieu donc euh... pour moi il a fallu un travail psychologique pour accepter de faire c'qui m' plaisait justement et de pas suivre la voie royale tracée... par mes parents » et d'ajouter « j'ai mis du temps à accepter euh... de... peut-être décevoir mes parents mais faire quelque chose qui m' plaisait à moi ». Elle ne peut donc se résoudre à abimer plus encore son Moi idéal. Par mesure d'autoprotection, elle esquive.

Pour enseigner l'EMC, il lui faut se dévoiler et se montrer à elle-même autre qu'elle voudrait se voir et être vue. En ce sens, cet enseignement, en confrontant Sofia à sa propre division, l'empêche de maintenir l'équilibre imaginaire qui lui permet de soutenir sa place d'enseignante et la place devant un « impossible à supporter ».

 

La position de sujet supposé savoir

Le concept de « sujet supposé savoir » proposé par Lacan (1966) pour caractériser la position symbolique de l'analyste tel qu'il apparait pour l'analysant lors de la cure rompt avec la perspective affective du transfert défini par Freud (1900/2012). Cette relation où un sujet suppose à un autre, a priori et au fur et à mesure de leur rencontre en parole, un savoir sur le trouble dont il se plaint constitue un arrière-plan permanent de la relation enseignant/élèves. Elle est l'un des fondements de la légitimité didactique et donc professionnelle du PE.

Un PE a été recruté pour transmettre des savoirs ; il se doit d'être, de par son statut institutionnel, celui qui connait les contenus disciplinaires, le savant. La maitrise du savoir académique est en effet un gage nécessaire de la capacité à transmettre des contenus d'enseignement aux élèves et une partie de l'efficacité professorale réside dans le fait que les élèves attribuent (supposent) ce savoir théorique au professeur ; il est le sujet supposé savant de l'École (Montagne, 2020). Or, en EMC, les connaissances requises pour enseigner sont considérables et constituent l'un des freins majeurs à la mise en œuvre du programme dans les classes.

De plus, les élèves, comme l'institution et les parents, supposent que le PE possède des savoir-faire et va « savoir-y-faire » (Montagne, 2013) avec la pédagogie pour transmettre les contenus disciplinaires. Ils le positionnent alors en sujet supposé sachant concevoir, animer, différencier, évaluer (Montagne, 2020). Or, en EMC, les modalités de travail prescrites, qui laissent une large place au débat, exige du PE de nouveaux savoir-faire.

Bien qu'elle affirme lutter contre une « vision [...] de l'enseignant qui est descendant qui détient le savoir et qui le donne aux élèves qui sont en position de réception et qui attendent le savoir », Sofia se positionne comme sujet supposé savant/sachant face à ses élèves. Elle dit être « là pour enseigner, pour transmettre », pour « faciliter la mise en relation entre eux et le savoir et les connaissances » et énonce clairement ce qu'elle pense être son rôle en tant qu'enseignante: « j'suis leur maitresse et on est là pour apprendre. »

Sa « zone de confort » dit-elle, c'est « de maitriser [...], de se sentir un petit peu [...] dans le contrôle en tous cas et pas complètement dépassée par les événements et de pas subir ce qui se passe donc... ».

Or en EMC, il lui est particulièrement difficile de garder cette position de maitrise car elle a « l'impression que quand [elle] en parle, [...] [elle] maitrise pas [s]on sujet ». Dans l'équivoque du signifiant, l'on peut entendre que Sofia ne maitrise pas l'effet de sa parole. Autrement dit, en EMC, ses mots la représentent autrement qu'elle ne le voudrait face à ses élèves.

Elle souligne que l'EMC « c'est pas une science exacte » et que la difficulté qu'elle éprouve à l'enseigner pourrait être lié au fait, qu'il « y'a pas la bonne réponse et la mauvaise réponse », que « plusieurs points de vue sont justifiables et entendables et qu'on peut pas trancher de manière catégorique justement et dire... les choses sont comme ça ».

De plus, lorsqu'elle enseigne l'EMC, elle se trouve confrontée aux questions des élèves qui « ont le chic pour poser la question à laquelle on n'a pas la réponse ou pour mettre le doigt sur ce qui est un peu sensible » et pour lesquelles « pour [elle] ça soulève aussi des questions à laquelle [elle a] pas une réponse euh... une réponse euh... ». Sofia est embarrassée par cet enseignement qui la place dans une position de non savoir et de non maitrise, fragilisant sa position de sujet supposé savant et sachant. De plus, parce que l'EMC réclame une parole authentique, au sens étymologique de « déterminé par sa propre autorité », et véhicule un discours sur les valeurs chargé d'affects, il expose Sofia comme sujet supposé savoir : elle imagine qu'elle devrait en savoir quelque chose de ce qui est bien, mal, juste, injuste, etc. ; qu'elle devrait savoir pour ses élèves et donc en savoir quelque chose d'eux, or elle pense qu'elle n'en sait rien. L'EMC ébranle sa position de sujet supposé savoir. Cependant, il lui est difficile d'envisager de quitter, même temporairement, cette position qui fonde sa pratique professionnelle. Ne pas pouvoir se maintenir dans l'illusion de tenir la position de sujet supposé savoir est « sensible » pour elle. Renvoyée du côté de sa sensibilité, plutôt que du côté de son intellect, elle est embarrassée.

La singularité de l'EMC déstabilise Sofia dans sa position de sujet supposé savoir et lui fait dire que l'EMC c'est « plus compliqué enfin en tous les cas moi j'ai plus de mal à l'enseigner » et que « c'est... très difficile à enseigner justement. » Dans l'équivoque du mot « justement » (qui signifie de façon juste mais aussi précisément) s'entend qu'elle veut enseigner avec les réponses justes. Or l'EMC, qui la place dans la position délicate de « non toute-maitrise » (Brossais & Jourdan, 2011, p. 18), ne lui permet pas toujours d'être le sujet supposé savoir pour ses élèves. Sofia est donc empêchée pour enseigner l'EMC.

 

La conversion didactique

Le concept de conversion didactique est né du questionnement de Buznic-Bourgeacq, Terrisse et Lestel (2008) sur l'incidence des savoirs construits dans l'expérience personnelle de l'enseignant sur ses pratiques professionnelles ; un processus envisagé comme une transformation du contenu d'une expérience subjective en contenu d'enseignement ou en façon de transmettre un contenu, d'où le terme de conversion didactique, en écho à la transposition didactique de Chevallard (1985) et à la conversion hystérique de Freud et Breuer (1895/2002). Ce concept oblige à prendre en considération l'histoire d'un PE – personnelle, familiale, professionnelle, sociale ainsi que son rapport singulier aux savoirs enseignés – et à considérer que les choix de transmission des savoirs qu'il opère ne sont pas neutres mais liés à sa construction structurelle et aux effets d'après coup de ses expériences subjectives. Il semble qu'en EMC, compte-tenu de la nature du savoir et des modalités de transmission – les connexions avec les croyances personnelles étant plus fortes que dans d'autres disciplines – c'est avec les effets de ses expériences subjectives que le PE construit ses contenus. Ces derniers en appellent en effet à ses valeurs, à sa morale d'autant que la modalité pédagogique privilégiée pour les transmettre – le débat – peut l'amener à engager sa personne et pas seulement ses connaissances. Il semble donc qu'en EMC, plus que dans d'autres disciplines, « ce n'est donc pas le savoir qui s'expose, c'est le sujet. » (Blanchard-Laville, 2001, p. 101).

L'EMC « c'est pas une science exacte » qui présente « une vérité exacte ». Et Sofia se rend compte que pour que sa parole en EMC soit efficace, elle doit parler depuis ses convictions, faire état de sa vérité et laisser filtrer (sans le vouloir ou le savoir) de ses expériences subjectives dans ses contenus d'enseignement. Winter (2012) a montré comment ce type de « transmission invisible » était prégnant en classe. Or, confrontée à l'amplification de ce phénomène en EMC, Sofia n'y arrive pas car ce qu'elle veut ou ce qu'elle peut, c'est défendre des savoirs académiques et neutres : « le cœur du sujet c'est les maths et le français ne l'oublions pas ».

Enseigner l'EMC, semble donc renvoyer à quelque chose de la formule de Lacan (1964) : « s'autoriser de soi-même ... et de quelques autres » (Lacan, 1973-1974, p. 75). Autrement dit, l'EMC impose le sujet à lui-même ; il le contraint à assumer de voir et à donner à voir qui il est comme sujet à travers l'effet de ses paroles sur les autres. Un PE qui parle en EMC est un savoir incarné et, de fait, mobilise plus que le savoir ; il en appelle à la personne en soi, au sujet lui- même. Il engage Sofia au-delà de sa fonction et la conduit à enseigner avec ce qu'elle est et pas seulement avec ce qu'elle sait, à faire résonner ses expériences subjectives dans son enseignement.

L'EMC impose à Sofia d'être dans l'énonciation – entendue comme la manière dont quelqu'un s'exprime au-delà de ce qu'il dit – à parler depuis soi, à ne pas se voiler, derrière l'énoncé – ce qui est dit – ni se remparer derrière le savoir. Il l'oblige à parler de sa vérité et à transformer des contenus d'expériences subjectives en contenu d'enseignement. Elle entre donc, malgré elle, en résistance contre l'EMC parce que dans cet enseignement, « c'est moins facile de rester voilée que dans d'autres enseignements ».

 

Conclusion

La clinique analytique permet de mettre l'accent sur la singularité d'un PE, sur sa division subjective, et à considérer qu'elle constitue un déterminant de ses actes professoraux. L'esquive et la gêne de Sofia à enseigner l'EMC apparaissent alors comme d'une autre nature que la résistance au changement face à une pratique professionnelle imposée par un nouveau programme scolaire.

Le cas Sofia renseigne sur des causes inconscientes à l'œuvre dans l'embarras à enseigner l'EMC. La préservation de son Moi Idéal, son désir de maitrise et le refus de parler depuis elle, depuis son désir, témoignent de l'épreuve que Sofia traverse en EMC.

Cette discipline présente deux formes de contenus : des contenus civiques (par exemple, identifier les symboles de la République) et des contenus moraux (par exemple, respecter les engagements pris envers soi-même et envers les autres). Ces deux formes de contenus impliquent deux modes de transmission. Les contenus civiques sont plutôt traités de manière externalisée tandis que les contenus moraux mettent davantage en jeu un engagement personnel des professeurs des écoles. C'est pourquoi, les contenus civiques relèvent de l'action pédagogique, tandis que la transmission des contenus moraux s'apparente plutôt à un acte éducatif, au sens psychanalytique de « mouvement » (Freud, 1926/1951) qui se différencie d'une action parce qu'il provoque « un effet de franchissement » (Labridy, 1997). L'acte permet un évitement d'un conflit psychique par l'agir. Le sujet est transformé après sa réalisation ; il y a un avant et un après acte. Mais c'est le sujet qui décide de l'acte. Sofia, contrainte, ne s'y autorise pas.

L'EMC est une épreuve, définie comme « mise en jeu du désir, sans arrêt renouvelée, à chaque rencontre entre enseignant, élèves et savoir » (Brossais & Savournin, 2016, p. 352), qui confronte le sujet à sa vérité intime en le plaçant face à son « être professeur » entendu comme « la signature subjective d'un enseignant [...] issue de ce qu'il est comme sujet, fort de son histoire singulière et ancienne, métissée de la trace affective que la rencontre avec les élèves crée en lui » (Montagne, 2014, p. 126). Il impose au sujet de s'ex-poser (poser un peu de soi en dehors) à lui-même et aux autres, sans pouvoir se cacher derrière le savoir. Prendre en charge l'EMC, demande d'en passer par un acte d'éducation qui oblige un PE à un franchissement symbolique duquel il se fait responsable et l'engage au-delà de ce qu'il perçoit de lui, le dévoilant, comme dit Sofia, aux autres et... à lui-même.

Dès lors, l'analyse qui a été faite de ce cas à partir des trois analyseurs que sont l'impossible à supporter, le sujet supposé savoir et la conversion didactique, permet de considérer cet enseignement du côté d'« un rapport à l'épreuve » (Brossais & Jourdan, 2011), concept rendant compte du fait que le rapport au savoir peut entrainer une traversée de l'épreuve pour certains PE.

Les paroles de Sofia dessinent une piste pour poursuivre ce travail autour du concept de « relation d'objet » (Lacan, 1956-1957/1994) qui éclaire autrement la notion de « rapport au savoir », défini par Beillerot (1989) comme rapport du sujet à son propre désir. En s'appuyant sur le postulat de l'inconscient, cette approche donne au savoir la valeur d'objet de désir pour le sujet. Ainsi, pour Beillerot (1989, p. 67), « le rapport au savoir est une mise en lien qui ne norme pas le savoir mais une liaison d'un sujet et d'un objet ». Il s'agirait alors de considérer les résistances de Sofia à l'EMC comme le signifiant d'une certaine relation à l'EMC en tant qu'objet.

Freud (1915/2004) n'employait pas le terme de relation d'objet, mais plutôt l'expression « investissement d'objet » pour désigner le phénomène qui décrit le fait que l'enfant n'est d'abord pas en relation directe avec le monde mais avec sa mère qui représente tout ce qu'il peut désirer. En cela, elle est son objet de désir, assouvissant toutes ses pulsions, au-delà même de sa demande.

Winnicott (1971/1975) a enrichi la relation d'objet primitive, en soulignant la possible utilisation d'objets matériels pour prolonger et garantir hors de la présence maternelle cette relation avec l'objet du désir. Ainsi, son concept d'objet transitionnel désigne ce que l'enfant investit comme substitut de quelque chose du lien à l'objet premier du désir, que Lacan (1956- 1957/1994) a nommé « objet petit a ». Cet investissement du désir du sujet sur « quelque chose » se poursuit à l'âge adulte et la pulsion se trouve ainsi satisfaite par le métier, les loisirs, le partenaire de vie, les enfants, pris alors comme substituts à une part de l'objet a. Dès lors, ne pourrait-on pas penser que l'EMC, davantage que les autres disciplines, pourrait confronter contre son gré un professeur des écoles à quelque chose de son objet ?

Reprenant Lacan, Bouvet (1967) a précisé que dans la relation d'objet, « le sujet essaie d'établir une sorte de compromis entre son monde intérieur et la réalité extérieure intériorisée de manière à satisfaire le plus possible les pulsions en évitant les angoisses qui résulteraient d'un conflit entre ces pulsions et les forces inhibitrices du sur-moi » (op. cit. p. 170). En EMC, certains enseignants semblent donc aux prises avec une relation d'objet insatisfaisante et source d'angoisse.

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Reçu en avril de 2020 – Accepté en juillet de 2020.

 

 

1 Programme d'enseignement moral et civique - École élémentaire et collège : Journal Officiel du 25-06-2015
2 Dans ce texte les paroles de Sofia sont présentées telles que prononcées ; elles sont convoquées « entre guillemets et en italique ».
3 Eduscol : http://cache.media.eduscol.education.fr/file/EMC/15/2/Ress_emc_introduction_465152.pdf
4 Agent au service des écoles maternelles.
Révision grammaticale: Yves Félix Montagne
E-mail: yves_felix.montagne@univ-fcomte.fr

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