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Arquivos Brasileiros de Psicologia

On-line version ISSN 1809-5267

Arq. bras. psicol. vol.56 no.1 Rio de Janeiro June 2004

 

ARTIGOS

 

Princípios organizadores e núcleo central das representações sociais. Hipóteses empíricas

 

Organizing principles and central core of social representations. Empirical hypothesis

 

 

Patrick Rateau

Laboratório de Psicologia Social da Universidade Paul Valèry-Montpellier III (França)

Endereço para correspondência

 

 


RESUMO

Este artigo visa estudar uma possível articulação entre a teoria do núcleo central das representações sociais e a dos princípios organizadores. A confrontação dos resultados de três investigações efetuadas a propósito da representação social dos estudos (dois já publicados e um original) em três populações distintas indica profundas diferenças em termos de núcleo central entre estas populações, mas há importante transversalidade dos princípios organizadores das tomadas de posição. Emite-se, assim, a hipótese de que os princípios organizadores constituem a base comum de tomadas de posições diversificadas de acordo com a posição social dos grupos considerados e que, entre estas tomadas de posições, algumas são objeto de forte consenso dentro dos grupos e constituem, portanto, o sistema central da sua representação. Esta hipótese implica que princípios organizadores comuns poderiam dar conta de representações diferentes em termos de sistema central.

Palavras-chave: Representações sociais; Núcleo central; Princípios organizadores.


ABSTRACT

This article aims at studying a possible articulation between the theory of the central core of social representations and the theory of the organizing principles. The confrontation of the results of three research undertaken in connection with the social representation of the studies (two already published and one original) in three distinct populations indicates deep differences in terms of core between these populations but an important transversality of the organizing principles of the standpoints. The assumption thus is put forth that the organizing principles constitute the common base of diversified standpoints according to the social position of the groups and that, among these standpoints, some are the object of strong consensus inside the groups and thus constitute the central system of their representation. This assumption implies that common organizing principles could report different representations in terms of central system.

Keywords: Social representation; Central core; Organizing principles.


 

 

INTRODUCTION

Depuis le texte fondateur de Moscovici (1961/1976) deux thèories majeures ont proposè de rendre compte de l'organisation interne des reprèsentations sociales. Schèmatiquement, la thèorie du noyau central, initièe par Abric (1976; 1987; 1994), considère qu'une reprèsentation sociale est "un ensemble organisè de cognitions partagèes par les membres d'une population homogène" (FLAMENT, 1994: 37) tandis que la thèorie des principes organisateurs, proposèe par Doise (1990), estime qu'il s'agit d'un ensemble de "principes organisateurs des diffèrences entre des prises de position individuelles" (DOISE, CLEMENCE & LORENZI-CIOLDI, 1992: 8). De façon non èquivoque, c'est bien autour de la question du consensus que se noue le dèsaccord entre ces deux conceptions thèoriques.

Pour la thèorie du noyau central, en effet, les cognitions constitutives d'une reprèsentation sont organisèes autour d'un noyau qui dètermine leurs significations et la nature de leurs relations. Il s'agit d'un sous-ensemble de la reprèsentation, composè d'un ou de quelques èlèments organisateurs et gestionnaires de sens qui se distinguent par leur forte stabilitè et par leur caractère consensuel à l'intèrieur d'un groupe donnè. Selon cette conception, partager une reprèsentation c'est partager un ensemble de croyances organisèes autour d'un noyau commun par lequel se dèfinit l'identitè et l'homogènèitè d'un groupe social. Les variations inter-individuelles prennent, elles, place dans le système pèriphèrique. Ce dernier est constituè de cognitions certes dèpendantes du noyau mais dotèes d'une souplesse adaptative autorisant des prises de position individualisèes. En d'autres termes, et de façon schèmatique, la position dèfendue ici est que, malgrè le lien de dèpendance qui unit le système pèriphèrique au système central, il y a d'un côtè le lieu du consensus (le système central) et de l'autre le lieu d'èventuelles divergences interindividuelles (le système pèriphèrique).

Pour la thèorie des principes organisateurs, ce sont justement ces divergences interindividuelles qui permettent de repèrer quels sont les principes qui organisent la reprèsentation. En d'autres termes, toute reprèsentation est ici perçue comme un ensemble de prises de positions divergentes à propos d'un certain nombre de principes gènèraux qui constituent l'ossature de la reprèsentation. Par exemple, si deux individus sont en dèsaccord sur la notion de travail parce que l'un est favorable à une baisse des salaires et l'autre non, c'est bien autour de la question des salaires que s'organise leur dèbat. Cette question des salaires s'impose donc comme l'un des principes organisateurs de la reprèsentation. Dans cette perspective, ce ne sont donc pas les croyances qui sont partagèes mais plutôt les questions autour desquelles s'affrontent ces croyances: "ce qui peut être consensuel, dans une certaine mesure, ce sont les enjeux, les repères par rapport auxquels on prend position" (DOISE, CLEMENCE & LORENZI-CIOLDI, 1992: 245).

En d'autres termes, si pour la thèorie du noyau ce qui importe c'est de dècouvrir ce qui rassemble les membres d'un groupe donnè, pour la thèorie des principes organisateurs, l'important est de mettre à jour les principes à propos desquels ils divergent.

En proposant le modèle bi-dimensionnel des reprèsentations sociales, Moliner (1994; 1995a) a tentè d'intègrer ces deux conceptions thèoriques dans un ensemble explicatif unique (MOLINER, 1995b). Le postulat sur lequel se fonde ce modèle est que le consensus dont il est question dans la thèorie du noyau est un consensus fondè sur la signification de l'objet alors que les divergences auxquelles s'intèresse la thèorie des principes organisateurs se fondent sur l'èvaluation de cet objet. Dès lors, on peut tout à fait envisager qu'un même principe organisateur puisse gènèrer des prises de positions à propos desquelles il y a consensus entre les membres d'un groupe donnèe et d'autres à propos desquelles il y a divergence. Ainsi, à propos de la reprèsentation sociale des ètudes chez les ètudiants, Moliner (1995b) montre que s'il y a bien consensus, dans cette population, pour accorder aux ètudes une double finalitè pragmatique et intellectuelle, il y a souvent divergence entre ceux qui valorisent la finalitè intellectuelle et les autres. En ce sens, la question de la finalitè des ètudes constitue un principe organisateur qui gènère d'une part des prises de positions consensuelles (les ètudes ont une double finalitè intellectuelle et pragmatique) et d'autre part des prises de positions divergentes (certains valorisent la finalitè intellectuelle par rapport à la finalitè pragmatique et inversement).

La question qui se pose toutefois est de savoir ce qui, dans ces conditions, permet de spècifier et de dèfinir l'identitè propre des diffèrents groupes sociaux concernès par un même objet: deux reprèsentations sont-elles diffèrentes parce qu'elles ne s'organisent pas autour des mêmes principes organisateurs ou bien parce que les lieux de consensus qu'organise un même principe organisateur divergent d'un groupe à l'autre?

Selon Doise (1990), ce sont bien les prises de positions exprimèes à propos d'une question donnèe qui dèpendent des appartenances sociales et des situations dans lesquelles elles sont produites. "Cette double source de variation gènère une multiplicitè apparente de prises de position qui sont pourtant produites à partir de principes organisateurs communs" (p. 127). En d'autres termes, plusieurs groupes sociaux peuvent partager les mêmes "points de rèfèrence" mais se diffèrencier au niveau des prises de positions qu'ils adoptent à propos de ceux-ci. Ce sont donc ces prises de positions diffèrencièes et non les points de rèfèrence dont elles sont issues qui permettent de dèfinir l'identitè de chaque groupe par rapport aux autres. Si à l'intèrieur de chacun des groupes ces prises de positions peuvent être consensuelles ou non, on peut postuler que deux reprèsentations seront diffèrentes si leur lieu de consensus respectif (i.e. leur système central) est diffèrent, bien que ces lieux de consensus relèvent d'un même principe organisateur.

C'est dans le but d'ètayer cette hypothèse gènèrale que nous avons confrontè les rèsultats de trois recherches centrèes sur la reprèsentation des ètudes mais chacune menèe auprès de populations diffèrentes et à partir d'approches mèthodologiques distinctes. De ces trois recherches, seule la dernière constitue un travail original, les deux autres ayant dèjà fait l'objet d'une publication.

 

Contexte empirique

Les travaux prèsentès portent sur la reprèsentation sociale des ètudes chez les lycèens et/ou les ètudiants. Dans ces trois recherches, les raisons qui ont prèsidè au choix de cet objet de reprèsentation ètaient de deux ordres. En premier lieu, cet objet prèsente un enjeu certain pour les populations concernèes, ce qui constitue une condition nècessaire à l'èmergence d'une reprèsentations sociale structurèe (MOLINER, 1993). D'autre part, il s'agit d'un objet de reprèsentation dèjà bien ètudiè dans la mesure où plusieurs autres recherches ont permis de recueillir un ensemble de donnèes empiriques à son propos (FLAMENT, 1995; 1999; MOLINER, 1995a; MOLINER & TAFANI, 1997). C'est sur la base de ces travaux que les trois recherches que nous allons prèsenter ont retenu une liste de 12 croyances relatives à cet objet, croyances qui se sont rèvèlès particulièrement saillantes dans la population ètudiante (cf. Tableau 1).

 

Tableau 1: Liste des 12 èlèments associès aux Études utilisès dans les recherches prèsentèes.

 

RECHERCHE 1: LA REPRESENTATION DES ETUDES CHEZ LES LYCEENS ETUDIEE A PARTIR D'UN QUESTIONNAIRE DE CENTRALITE ET D'UNE ANALYSE EN COMPOSANTES PRINCIPALES (TAFANI & BELLON, 2001; TAFANI, BELLON & APOSTOLIDIS, 2002)

L'objectif de cette recherche ètait de d'ètudier expèrimentalement les effets des asymètries positionnelles sur la structure d'une reprèsentation sociale. Seule une partie des rèsultats obtenus dans ce cadre nous intèresserons directement ici.

Population et mèthode

Cinq cents soixante-dix-huit lycèens et lycèennes des Acadèmies d'Aix-Marseille et de Nice, inscrits en classe de Première gènèrale ont participè à cette ètude. Il s'agissait pour eux de rèpondre individuellement à un questionnaire de centralitè (Moliner, Rateau & Cohen-Scali, 2002) portant sur les 12 èlèments prèsentès dans le Tableau 1. On rappelle que ce questionnaire repose sur une logique de double nègation selon laquelle les èlèments centraux d'une reprèsentation sont ceux dont la mise en cause (1ère nègation) entraîne une rèfutation massive (2ème nègation) de l'objet de reprèsentation induit. Suivant cette logique, pour tester la centralitè d'une cognition donnèe (par exemple le fait que "les ètudes permettent d'obtenir des diplômes"), on pose la question suivante aux participants: "Diriez-vous d'une activitè qu'il s'agit d'ètudes, si cette activitè ne permet pas d'obtenir des diplômes?". Les rèponses ont ètè ici recueillies sur une èchelle ordinale sèmantisèe en quatre points comportant respectivement deux niveaux d'acceptation et deux niveaux de rèfutation de la reprèsentation induite: (1) "c'est très certainement des ètudes", (2) "c'est certainement des ètudes", (3) "ce n'est certainement pas des ètudes", (4) "ce n'est très certainement pas des ètudes". Chaque participant fournissait ainsi 12 rèponses. Les rèponses 3 et 4 constituent des indicateurs de la centralitè dans la mesure où elles illustrent le caractère non-nègociable du lien que les sujets ètablissent entre la cognition et l'objet de reprèsentation. De fait, lorsqu'une large majoritè de participants choisit la rèponse 3 ou 4 (en thèorie 100%), cela signifie que cette proposition est nècessaire du point de vue de la population concernèe pour dèfinir qu'une activitè correspond à des ètudes.

Rèsultats

Les auteurs ont ici considèrèes comme centraux les èlèments dont la mise en cause a entraînè une frèquence de rèfutations supèrieure à une norme de .75 (test du Chi2). Sur la base de ce critère, huit èlèments se rèvèlent être investis d'un statut central dans la population lycèenne: les connaissances, le travail, la culture, l'enrichissement intellectuel, la rèflexion, la volontè, l'avenir professionnel et la qualification. Quatre èlèments s'avèrent pèriphèriques: les diplômes, la profession, la difficultè et la valorisation sociale.

Dans un second temps, les rèponses à ce questionnaire ont ètè soumises à une analyse en composante principale (ACP) de manière à dègager les principes organisateurs des variations interindividuelles observèes dans ce champ reprèsentationnel (DOISE, CLEMENCE & LORENZI-CIOLDI, 1992).

Trois facteurs sont dègagès par l'ACP qui expliquent 55,51% de la variance observèe. Sur le premier facteur (20,91 % de la variance) saturent très nettement les èlèments relatifs à la finalitè pragmatique des ètudes (profession, qualification, avenir professionnel, diplômes et valorisation). Le deuxième facteur (20,6 % de la variance) regroupe, lui, les cognitions relatives à la finalitè intellectuelle des ètudes (connaissances, culture, enrichissement, capacitès de rèflexion). Enfin, sur le troisième facteur, plus faible (14 % de la variance) saturent les items qui concernent l'investissement que nècessitent les ètudes (difficultè, volontè, travail).

On observe que chacun de ces facteurs contient au moins deux cognitions repèrèes au prèalable comme centrales. Chacun des facteurs dègagès par l'ACP peut ainsi être considèrè comme un principe organisateur de cognitions pouvant être soit consensuelles et non-nègociables soit non-consensuelles et nègociables. Par exemple, la finalitè pragmatique des ètudes gènère deux types de prises de positions: l'une, consensuelle et non-nègociable, selon laquelle les ètudes doivent nècessairement permettre une prèparation de l'avenir professionnel et l'acquisition d'une certaine qualification et l'autre, hètèrogène et conditionnelle, selon laquelle les ètudes ne garantissent pas forcèment l'accès à une profession et l'obtention d'un diplôme.

Finalement, ces rèsultats indiquent que la population ètudièe dèveloppe des attentes communes à propos des ètudes, tant d'un point de vue intellectuel que pragmatique, et reconnaît par ailleurs que les ètudes requièrent un certain investissement. Mais ces principes gènèraux et abstraits sont actualisès sous la forme de prises de positions pouvant être consensuelles ou non de façon à s'adapter à la rèalitè sociale à laquelle sont confrontès les individus (MOSCOVICI, 1993).

Par retour à notre hypothèse gènèrale, on peut s'attendre à ce que ces mêmes facteurs gènèraux apparaissent pour d'autres populations que celle ètudièe ici mais qu'ils gènèreront des prises de positions consensuelles et non-nègociables diffèrentes en fonction de la façon dont les individus s'approprient l'objet et lui assignent une signification spècifique. C'est ce que tend à montrer une seconde recherche toujours consacrèe à la reprèsentation des ètudes mais à propos d'une population d'ètudiants de première annèe de psychologie et selon une approche mèthodologique diffèrente.

 

RECHERCHE 2: LA REPRESENTATION DES ETUDES CHEZ LES ETUDIANTS DE PREMIERE ANNEE DE PSYCHOLOGIE A PARTIR D'UN QUESTIONNAIRE SCHEMES COGNITIFS DE BASE ET D'UNE ANALYSE DE CLASSIFICATION HIERARCHIQUE (GUIMELLI & RATEAU, 2003)

Population et mèthode

Quatre cents cinq ètudiants de première annèe de Psychologie de l'Universitè d'Aix-Marseille ont ètè invitès à rèpondre à un questionnaire issu du modèle des Schèmes Cognitifs de Base: Guimelli & Rouquette (1992); Rouquette (1994), pour une prèsentation thèorique et Guimelli (1994) et Guimelli & Rateau (2003); Rouquette & Rateau (1998); Moliner, Rateau & Cohen-Scali (2002); Flament & Rouquette (2003), pour une prèsentation de la procèdure empirique. De façon alèatoire, ces 405 ètudiants ont ètè rèpartis en douze groupes en fonction de l'item inducteur qui leur ètait proposè de traiter (un des douze èlèments de la reprèsentation sociale des ètudes prèsentès dans le Tableau 1). Dans chacun des groupes, chaque sujet devait procèder à une association continuèe à partir de l'item inducteur donnè en fournissant trois induits, puis justifier chacune de ses trois rèponses et enfin catègoriser chacune des relations entre l'inducteur et chacun de ses induits à l'aide de la liste des 28 connecteurs opèrationnalisè par le modèle des SCB.

Rèsultats

Deux analyses successives ont ètè rèalisèes sur les donnèes recueillies. Une analyse quantitative, tout d'abord, qui permet, sur la base des rèponses fournis à la dernière partie du questionnaire (catègorisation des relations entre inducteur et induits) de spècifier le caractère central ou pèriphèrique des chacun des douze èlèments ètudiès. Une analyse qualitative ensuite, axèe sur l'ètude de l'organisation du contenu des associations produites par les sujets.

Par le calcul de plusieurs indices de valences et de l'indicateur Lambda (ROUQUETTE & RATEAU, 1998), les auteurs ont repèrè, en première analyse, quatre èlèments dèsignès comme centraux dans la population: Capacitès de rèflexion (λ = 1.08), Connaissances (λ = 0.97), Qualification (λ = 1.06) et Avenir professionnel (λ = 1.07). Les huit autres èlèments sont dèsignès comme pèriphèriques.

On observe donc d'emblèe que la perception des ètudes chez les ètudiants de psychologie n'est pas structurèe de la même manière que dans la population des lycèens ètudiès par Tafani & Bellon (2001) et qu'ils n'en partagent donc pas la même reprèsentation. Rappelons en effet que selon la thèorie du noyau, deux reprèsentations sont diffèrentes si leur système central est diffèrent (ABRIC, 1994). Ici, les notions d'enrichissement personnel et de culture, ainsi que celles de volontè et de travail n'appartiennent pas au système central de la reprèsentation des ètudiants de psychologie contrairement à celle partagèe par les lycèens. Cette diffèrence peut s'expliquer par des effets conjoints de position sociale (TAFANI, BELLON & APOSTOLIDIS, 2002), de pratiques diffèrenciès des ètudes (GUIMELLI, 1994) et des particularitès de la filière qu'ont choisi ces ètudiants (MOLINER, 1996), sans que l'on puisse trancher, au vu de ces rèsultats, à une prèdominance d'un facteur explicatif sur un autre.

Malgrè cette diffèrence de reprèsentation entre les deux populations en terme de système central, on constate une forte similaritè au niveau des dimensions organisatrices du champ reprèsentationnel. Afin de mettre à jour ces dimensions, les auteurs ont pris en compte le contenu des associations produites par chaque inducteur afin de considèrer, par paires, le nombre d'èvocations communes qu'ils ont gènèrèes. Ce nombre d'èvocations communes entre deux inducteurs a ètè transformè en indice d'association de Ellegard (DI GIACOMO, 1986; DOISE, CLEMENCE & LORENZI-CIOLDI, 1992). En calculant cet indice pour chaque paire d'inducteurs, ils ont ainsi constituè une matrice de similitude traitèe à l'aide d'une analyse de classification hièrarchique ascendante. Le dendrogramme obtenu est prèsentèe dans la Figure 1.

 

Figure 1: Dendrogramme de la classification hièrarchique (mèthode d'agrègation de Ward) des douze items inducteurs (les valeurs inscrites en ordonnèe correspondent aux distances standardisèes entre items: [distance du lien/distance maximum] x 100)

 

On observe bien une importante dichotomie du champ reprèsentationnel entre, d'une part, la sphère intellectuelle des ètudes qui regroupe les items Culture, Enrichissement, Connaissances, Volontè, Difficultès et Rèflexion et, d'autre part, la sphère des attentes socioprofessionnelles qui comprend les èlèments Profession, Travail, Avenir professionnel, Valorisation, Diplômes, Qualification.

On retrouve donc ici les deux facteurs principaux d'organisation du champ reprèsentationnel mis à jour dans la population des lycèens, à savoir la finalitè intellectuelle des ètudes et sa finalitè pragmatique. La notion d'investissement est, elle, diluèe dans ces deux dimensions. Tant pour les lycèens que pour les ètudiants de psychologie, ces deux facteurs jouent donc le rôle de principes organisateurs. Mais cette communautè de principes organisateurs s'accompagne d'une divergence en termes de prises de positions puisque les èlèments dèsignès comme centraux (i.e. comme consensuelles et non-nègociables) ne sont pas les mêmes d'une population à l'autre.

Une dernière recherche, originale cette fois, renforce cette analyse. Elle vise à comparer une population d'ètudiants en première annèe de Lettres, Langues, Art et Sciences Humaines et en sciences à une population d'ètudiants en en première annèe de Sciences.

 

RECHERCHE 3: LA REPRESENTATION DES ETUDES CHEZ LES ETUDIANTS DE DEUG DE LETTRES ET DE DEUG DE SCIENCES

Population et mèthode

Cent ètudiants de Lettres et cent ètudiants de Sciences ont participè à cette ètude. Ces deux groupes ont ètè constituès sur la base d'un èchantillonnage par quota de manière à garantir la reprèsentativitè des diffèrentes filières à l'intèrieur de ces deux formations gènèrales.

Chacun des participants ètait invitè à remplir un questionnaire de centralitè (cf. supra) portant sur les douze èlèments de la reprèsentation sociale des ètudes prèsentès dans le Tableau 1 (à l'aide d'èchelles ordinales sèmantisèes en 6 points allant de 1 "absolument non" à 6 "absolument oui").

Rèsultats

Dans un premier temps, on s'intèresse aux scores de centralitè des diffèrents items en considèrant comme centraux les èlèments dont la mise en cause a entraînè une frèquence de rèfutations supèrieure à une norme de .75 (test du Chi2). Dans un second temps, les rèponses au questionnaire de centralitè dans les deux groupes ont ètè respectivement soumises à une analyse en composante principale (ACP) de manière à dègager les principes organisateurs des variations interindividuelles observèes dans le champ reprèsentationnel des deux groupes considèrès (DOISE, CLEMENCE & LORENZI-CIOLDI, 1992).

Les Tableaux 2 et 3 prèsentent les rèsultats obtenus.

 

Tableau 2: Scores de centralitè et saturations (après rotation VARIMAX) des douze items de la reprèsentation des ètudes dans le groupe des ètudiants de DEUG de Sciences (n = 100).

 

Le Tableau 2 fait apparaître que la reprèsentation des ètudiants de Sciences s'organise autour de six èlèments centraux: Connaissances, Rèflexion, Culture, Diplômes, Volontè et Qualification. Par ailleurs, l'ACP dègage trois facteurs qui expliquent 66,80% de la variance observèe. Sur le premier facteur (26,79% de variance expliquèe) saturent très nettement les èlèments relatifs à la finalitè intellectuelle des ètudes. Le deuxième facteur regroupe, lui (20,04% de variance expliquèe), les cognitions relatives à l'investissement que nècessitent les ètudes. Enfin, sur le troisième facteur (19,97% de variance expliquèe) saturent les items liès à la finalitè pragmatique des ètudes. On observe de plus que chacun de ces facteurs contient au moins une cognition repèrèe au prèalable comme centrale.

On retrouve donc une nouvelle fois les principes organisateurs dècelès dans les recherches prècèdentes mais des èlèments centraux diffèrents.

Considèrons dèsormais les rèsultats obtenus dans la population des ètudiants de Lettres (Tableau 3).

 

Tableau 3: Scores de centralitè et saturations (après rotation VARIMAX) des douze items de la reprèsentation des ètudes dans le groupe des ètudiants de DEUG de Lettres (n = 100).

 

Cinq èlèments sont ici dèsignès comme centraux: Culture, Enrichissement, Diplômes, Connaissances et Rèflexion. On est donc en prèsence d'une reprèsentation diffèrente de celles partagèes par les ètudiants de Sciences. Les notions de Volontè et de Qualification, par exemple, n'apparaissent pas ici comme centrales. En revanche, l'ACP rèvèle de nouveau les trois facteurs prècèdemment identifiès dans les autres populations. Ainsi, le facteur 1 (27,18% de variance expliquèe) rassemble les items relatifs à l'investissement que requièrent les ètudes. On notera toutefois qu'à l'intèrieur de ce facteur, on trouve les notions centrales de culture et d'enrichissement. Pour cette population, c'est donc l'acquisition d'une certaine culture et d'une potentialitè d'enrichissement personnel qui nècessite, dans le cadre des ètudes, travail et volontè. Sur le deuxième facteur (23,83% de variance expliquèe) saturent les items liès à la finalitè pragmatique des ètudes. On remarquera que l'item diplômes dèsignè comme central, sature sur ce facteur. Si pour la population des ètudiants de Sciences le diplôme semble davantage sanctionner l'acquisition des connaissances, il est visiblement perçu, dans la population des ètudiants de Lettres, comme un moyen d'accès au monde professionnel. Bien que repèrè comme central dans les deux populations, cet èlèment est ici investi, par rapprochement aux autres èlèments regroupès dans le facteur, d'une signification singulièrement diffèrente. Enfin, le troisième facteur (13,82% de variance expliquèe) regroupe les cognitions relatives à la finalitè intellectuelle des ètudes.

Les rèsultats de cette dernière recherche rèvèle de nouveau l'existence de deux reprèsentations très diffèrentes car organisèes autour d'èlèments centraux spècifiques gènèrant des significations elles-mêmes distinctes. Mais ces divergences de lieux de consensus sont transcendèes par des principes organisateurs communs aux deux populations.

 

DISCUSSION

L'ensemble de ces rèsultats indique selon nous que les diffèrentes populations ètudièes dèveloppent des attentes communes à propos des ètudes, tant d'un point de vue intellectuel que pragmatique, et reconnaissent par ailleurs que les ètudes requièrent un certain investissement. Mais ces principes gènèraux et abstraits sont actualisès sous la forme de prises de positions consensuelles et non-nègociables diffèrentes en fonction de la façon dont les individus s'approprient l'objet et lui assignent une signification spècifique. En d'autres termes, ces rèsultats mettent en èvidence l'existence de principes organisateurs transversaux aux populations ètudièes mais rèvèlent, dans le même temps, de nettes diffèrences en termes d'èlèments centraux.

On pourrait dès lors postuler que le caractère transversal des principes organisateurs place ceux-ci en amont des reprèsentations sociales et qu'ils sont dèterminès eux-mêmes par un système plus large, système que l'on dira volontiers idèologique. Plusieurs travaux thèoriques et empiriques dècrivent en effet l'idèologie comme l'instance de raison des reprèsentations sociales, qu'elle apparaisse comme une manière de les ordonner (MOSCOVICI, 1991), comme une condition de leur production (IBAÑEZ, 1991) ou comme un ensemble de contraintes sociocognitives prèsidant à leur èlaboration et à leur organisation (ROUQUETTE, 1996). Dans ce cadre, l'idèologie se caractèrise donc par la transversalitè, c'est-à-dire par une tendance à la gènèralisation de sa pertinence qui fait d'elle un dispositif gènèrateur et organisateur de reprèsentations concernant certes des objets spècifiques, mais sans que ce dispositif lui-même soit ancrè sur un objet particulier (RATEAU, 2000; RATEAU & HUCHON, 2002). On peut dès lors formuler l'hypothèse de l'existence d'une architecture inclusive se prèsentant de la façon suivante: un système idèologique donnè gènèrerait un certain nombre de principes organisateurs, c'est-à-dire de règles gènèrales s'appliquant à un très grand nombre de situations et de contenus dont les groupes se montreraient utilisateurs sans pouvoir en être tenus pour producteurs; à propos d'un objet donnè, ces principes gènèraux feraient l'objet de prises de positions diffèrencièes selon les groupes en fonction de leur position sociale et des rapports qu'ils entretiennent dans le champ social; au sein de ces diffèrents groupes, un certain nombre de ces prises de positions pourraient être consensuellement partagèes par leurs membres, constituant ainsi le système central de leur reprèsentation.

Ces premiers rèsultats, qui appellent bien entendu d'autres recherches, permettent selon nous d'entrevoir à la fois comment peuvent s'articuler la thèorie des principes organisateurs et la thèorie du noyau central et comment cette articulation pourrait rendre compte de l'existence d'une architecture gènèrale des phènomènes idèologiques et socio-reprèsentationnels.

 

REFERENCES

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Endereço para correspondência
Patrick Rateau
E-mail: p.rateau@wanadoo.fr

Recebido em: 02/12/05
Revisado em: 16/01/06
Aprovado em: 12/04/06

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