SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.4 número1Prevenção precoce e rastreamento em psiquiatria infantil: a psicanálise tem algo a trazer ao debate atual?Do imaginário ao simbólico: o desabamento do sujeito frente à doença oncológica índice de autoresíndice de assuntospesquisa de artigos
Home Pagelista alfabética de periódicos  

Epistemo-somática

versão impressa ISSN 1980-2005

Epistemo-somática v.4 n.1 Belo Horizonte jul. 2007

 

ARTIGOS

 

Le discours organisateur de la périnatalité dans la France d'aujord'hui

 

The organizer speech of perinatally in today's France

 

El discurso organizador de la peri natalidad en la Francia de hoy

 

 

Marie-Paule Chevalérias

Universté Louis Pasteur – Strasbourg, France

 

 


RESUMÉ

Quand les manifestations comportementales de l’enfant et de l’adolescent sont source de préoccupation sociale ou de désordre au sein de la cité ou des familles, les politiques en appellent rapidement au savoir scientifique afin de mettre en place tout dispositif permettant de donner une réponse rapide au trouble apparu, et de prévenir par la suite de tel dysfonctionnement. S’inscrivant dans ce contexte social, le discours organisateur de la prévention des troubles infantiles trouve en la période périnatale son point d’ancrage. Mais quels peuvent-être les effets sur le devenir parent et l’être en devenir qu’est l’enfant de cette angoisse sociale et de ce savoir de l’Autre permettant de la contenir? Quels peuvent être les enjeux éthiques d’une politique de prévention en périnatalité fondée sur une approche prédictive du devenir du sujet?

Mots-clés: Périnatalité, Discours social, Prévention, Éthique.


ABSTRACT

When children’s and adolescents’ behavioral demonstrations are source of social concern or disorders in the city or inside families, politicians immediately appeal to scientific knowledge in order to put any device into practice, which allows to give a fast response to the uproar and to prevent the disorder afterwards. Inscribing itself in this general context, the organizer speech of childish problems prevention finds in perinatally its abutment. But what are the effects of becoming a parent and of the being in devir (tenho duvidas quanto a este termo mas foi o unico que encontrei para ser em devir) which is the social angst’s and the Other’s knowledge’s son, that permits to restrain it? What could be the ethical injunctions of a perinatally prevention politic based on a predictive approach about becoming a subject?

Keywords: Perinatally, Social speech, Prevention, Ethics.


RESUMEN

Cuando las manifestaciones comportamentales del niño y del adolescente son fuente de preocupación social o de desorden en la ciudad o en el seno de las familias, los políticos recurren inmediatamente al saber científico, con el fin de poner en práctica cualquier dispositivo que permita dar una repuesta rápida al tumulto, y prevenir posteriormente tal disfunción. Inscribiéndose en este contexto general, el discurso organizador de la prevención de los problemas infantiles se encuentra en la perinatalidad su punto de apoyo. Pero cuales pueden ser los efectos sobre el hecho de ser padre y sobre el ser en desarrollo que es hijo de esa angustia social y de ese saber del Otro, que permite contenerla ? Cuales podrían ser las directrices éticas de una política de prevención en perinatalidad, basada en un abordaje predictivo de lo que se va a convertir el sujeto ?

Palavras clave: Perinatalidad, Discurso social, Prevención, Ética.


 

 

La société dans laquelle nous vivons, aujourd’hui en France, connaît depuis quelques années une exacerbation de la mise en avant, par les médias, des dysfonctionnements sociétaux et familiaux. Ce que nous appelons maintenant régulièrement " la crise des banlieues " ou encore les désordres qu’occasionnent dans le milieu scolaire ou familial les troubles du comportement de l’enfant ou de l’adolescent, ou encore la découverte de maltraitances graves des enfants dans les cours d’école ou dans le cadre familial : toutes ces informations prennent, dans le contexte actuel, le caractère de révélation de situations perçues comme particulièrement dramatiques, venant faire irruption dans un quotidien qui jusqu’alors semblait tout ignorer. Mises en avant dans le discours médiatique, ces situations engendrent des réactions des populations et des familles où s’exacerbent l’émotion et l’appel pressant à la résolution rapide du trouble.

Pour faire face à ces problématiques interprétées le plus souvent comme conséquence d’une défaillance parentale dans la transmission des repères essentiels permettant la vie en société et en famille, les politiques en appellent au législateur et au savoir des scientifiques pour trouver les solutions les plus aptes à contenir les désordres apparus avec l’idée qu’il serait nécessaire d’intervenir au plus tôt pour prévenir tous ces dysfonctionnements.

Dans ce contexte révélant les failles du modèle sociétal et les désordres familiaux, l’enfant apparaît soit comme un être démuni, fragile et terriblement dépendant de son milieu de vie, soit à l’inverse omnipotent, imposant sans limite sa loi et sa puissance à l’autre. Ces situations viennent interroger, comme l’avait déjà énoncé Laurence Gavarini il y a quelques années (GAVARINI, 2001), notre rapport à l’enfant, les représentations que nous avons de lui, la place qui lui est accordée - ou peut-être de plus en plus aujourd’hui imposée - dans notre société. Ces faits divers livrés par les médias et repris immédiatement dans les discours sociaux et politiques ont d’autres effets : d’une part celui de stigmatiser l’enfant au travers des troubles qu’il présente, et d’autre part de mettre en cause la qualité de son entourage, ses proches et en premier lieu ses parents et leurs méthodes éducatives.

A une politique de soins courants apportés aux enfants et aux adolescents en difficulté, vient s’ajouter aujourd’hui une politique de prévention de grande ampleur dont l’objectif est le repérage et la prise en charge la plus précoce possible non des troubles relationnels avérés entre parents et enfant, mais des situations reconnues vulnérables et potentiellement à risque pour le développement et l’épanouissement de l’enfant à venir. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les grandes orientations et directives d’interventions en périnatalité dont les axes centraux sont le dépistage systématique dès le 4è mois de la grossesse des vulnérabilités psycho-sociales des parents et la mise en place de ce qui est appelé " une éducation à la parentalité ".

Au-delà de la revendication légitime par tous du bien être de l’enfant, que recouvrent cependant pour les acteurs politiques en charge de la conduite de la société cette idée du bien-être et celle qui lui est associée d’éducation des parents ? Pourquoi avoir fait le choix de la sollicitation des acteurs médico-sociaux pour la mise en place d’un programme de prévention qui, de fait, s’inscrit dans un tissu social dont les problématiques touchent autant à l’économique et à l’évolution des mœurs et des idées ? L’angoisse contenue dans le discours social ne trouverait-elle pas l’occasion de se taire en se " nichant " dans une politique de prévention précoce préconisant d’intervenir avant que le " mal " n’apparaisse?

En tant que clinicien nous ne pouvons pas rester sans questionnement quant à l’impact que peuvent avoir sur l’enfant et sur les relations qu’il entretient avec ses proches, les discours sociaux et scientifiques au fondement de la politique de prévention. Dans le contexte social actuel sollicitant une intervention très précoce, quelle place est laissée au devenir parent et à l’être en devenir qu’est l’enfant ?

Pour tenter d’éclairer à ces questions, plusieurs axes seront ici explorés :

- le premier se propose de situer le rôle joué à travers l’histoire par le discours social et scientifique sur les politiques de prévention en périnatalité,

- le second interrogera le dispositif actuel et les enjeux qu’il soulève au regard de l’expression de la subjectivité.

 

Le discours social en tant qu’ordonnateur du discours médical

L’étude des rapports et des directives prévues aujourd’hui dans le cadre de la prévention en périnatalité montre que la problématique des troubles de l’enfant mais aussi de l’adolescent est au cœur des propos et oriente toute la politique d’accueil des parents à engager dès le temps de la périnatalité.

Le plan Périnatalité : Humanité, proximité, sécurité, qualité – 2005-2007 rappelle en effet que " les événements survenant pendant la grossesse, l’accouchement et la période néonatale influencent considérablement l’avenir de l’enfant et son état de santé, tant en ce qui concerne la survenue de certaines maladies, voire de handicaps, que son accession au bien-être et plus tard à son épanouissement ". Il ajoute que " les professionnels de la naissance s’accordent sur la nécessité de considérer les vulnérabilités personnelles et familiales particulières à cette période comme un facteur influençant le bon déroulement du processus naturel de la naissance. " Nous pouvons dire que dans ces premières considérations, nous rejoignons les politiques de prévention menées jusqu’à aujourd’hui dont les objectifs étaient, de prêter attention à tout événement survenant dans cette période reconnue de particulière fragilité, afin que la femme enceinte puisse mener à bien sa grossesse et ensuite accueillir au mieux son enfant. Mais ce qui est aujourd’hui nouveau c’est le nouage qui s’opère avec la prédiction à long terme de troubles relationnels relativement graves. Le texte se poursuit en effet ainsi : " Ces vulnérabilités sont en effet de nature à perturber l’instauration du lien attendu entre les parents et l’enfant, dysfonctionnements qui peuvent être un facteur de problèmes psychopathologiques ultérieurs chez l’enfant jusqu’à l’adolescence et au-delà, voire la maltraitance. " C’est cette prédiction qui dès lors va se poser comme discours ordonnateur des actions à mener.

Quels peuvent être les effets de ce discours posé au fondement de la politique de prévention dans le temps si particulier de l’attente et de la naissance d’un enfant ? Si la prévention en périnatalité est un sujet largement débattu depuis longtemps, celle-ci concernait cependant jusqu’à présent la prévention de la mortalité maternelle et infantile, celle du handicap, et celle de la prématurité, c’est-à-dire avant tout la lutte pour la préservation du bien-être physique de l’enfant. Cette prévention s’appuyait principalement sur des recommandations médicales et d’hygiène de vie, c’est-à-dire sur la prise en compte de la santé maternelle dès la grossesse. Le discours médical y avait ici une place reconnue dans le souci des soins à apporter au corps maternel afin de garantir au mieux le bien-être physique de la mère et de l’enfant. Et c’est lors de difficultés rencontrées principalement par la mère dans la traversée psychique de ces temps de la grossesse et du post-partum qu’il était fait appel à la compétence des psychologues ou psychiatres. Nous pouvons dire que le dispositif de soin accompagnait l’évolution somatique et psychique de la femme aux différents temps de la grossesse, de l’accouchement et des premières rencontres avec son enfant.

Le nouage qui s’opère actuellement entre les préoccupations sociales et le dispositif médico-social entourant la venue d’un enfant vient radicalement transformer l’approche de la naissance tant pour les professionnels que pour les familles. En effet, si jusqu’à présent il s’agissait d’accompagner au mieux les parents dans ce temps de la périnatalité, et de prendre en compte les situations des familles en difficulté, désormais le facteur prédictif inhérent aux notions de vulnérabilités et de facteurs de risques définis d’avance vient transformer les représentations des femmes et des hommes accueillis et la manière de penser leur position parentale avant même qu’ils aient eu le temps eux-mêmes de faire l’expérience de la rencontre avec leur enfant.

Avant d’approfondir ces aspects, faisons un détour sur l’histoire de la prévention en périnatalité pour tenter d’approcher l’évolution de ce nouage entre discours social, politique et discours médical.

La prévention dans le domaine de la périnatalité ne date pas d’aujourd’hui. Nous pouvons dire que la préoccupation première à l’origine de sa mise en place en France remonte à la fin du XVIIè siècle suite au constat fait par les premiers démographes, d’une mortalité infantile bien trop importante et insupportable économiquement pour le pays. L’étude plus approfondie de ce constat révélait alors que ces pertes humaines se situaient essentiellement au tout début de la vie de l’enfant, et ce, notamment en raison du refus des mères d’allaiter leur enfant (BADINTER, 1980). Ce refus tenait, dans les classes les plus aisées, à des questions de mœurs, et dans les classes défavorisées, à des conditions de vie trop misérables qui obligeaient la mère à travailler et à confier son nouveau-né à une nourrice mercenaire elle-même misérable.

Devant ce dégât humain, politiques sociales, discours philosophiques et religieux se sont alors relayés, principalement à l’époque des Lumières, pour tenter d’arrêter ce fléau. Il s’agissait ici de changer les mentalités en revalorisant la femme dans son rôle de mère auprès de son enfant, et en lui donnant les moyens financiers pour survivre. Nous pouvons dire ici qu’à une question de société une réponse en terme de politique sociale de transformation des mœurs était engagée.

Malgré l’importance des mesures prises, s’il y a bien eu régression de la mortalité infantile, celle-ci n’a eu lieu que très progressivement, résistance était faite par les populations aux changements d’habitudes et de croyances, au regard porté sur la femme et à sa place de mère désormais attendue. C’est tout un contexte social, culturel, religieux transmis de génération en génération, et avec lui tout un bouleversement dans les modalités du savoir être avec son enfant qui se trouvait là ébranlé et qui venait faire limite au projet sociétal. Encore fallait-il que chacun puisse s’approprier, dans son parcours de vie, ce projet commun, et cela a pris du temps.

Ce qui est notable dans ce parcours de sauvegarde de l’enfant, c’est l’intrication étroite de cette question avec la reconnaissance des places de chacun dans la société. S’il suffisait en soi d’inciter les mères à allaiter leurs enfants afin d’assurer leur survie, encore fallait-il que cela fasse sens pour les mères, qu’elles trouvent une place et une fonction dans ce nouveau rôle de mère. Il fallait que cette prise en charge collective de la question du tout petit s’accompagne aussi d’une reconnaissance sociale des qualités maternelles et d’une valorisation de sa fonction. En d’autres termes, à une question initiale de société, il a été proposé un changement de société qui de surcroît a permis aux enfants de survivre.

Les changements sociaux apparus au XIXème siècle avec l’industrialisation et l’urbanisation, ont ensuite conduit à porter un nouveau regard sur l’enfant. Qu’il soit abandonné ou laissé à lui-même errant en bande dans les villes, c’est l’enfant plus grand maintenant qui est reconnu dans toute sa fragilité tout en apparaissant potentiellement porteur de risques pour lui-même et pour l’ordre public. Une nouvelle dimension de la prévention se met dès lors en place : il fut décidé de porter secours aux familles et principalement aux mères en difficultés sociales en leur attribuant des aides et en mettant à disposition des lieux d’accueil pour leurs enfants. La prévention prend la voie de ce qui sera nommé quelques temps plus tard : " protection maternelle et infantile ".

Avec l’essor formidable des découvertes médicales, psychologiques et psychanalytiques du XXème siècle, c’est une autre transformation de la manière de penser la prévention qui s’opère encore. La période de l’enfance est désormais reconnue par tous comme une période cruciale pour l’enfant et la relation mère-nouveau-né est fortement valorisée. Tout doit être fait pour accueillir l’enfant dans les meilleures conditions et une importante médicalisation de la naissance se met en place. Dans le cadre de la périnatalité, il s’agissait de donner des conseils d’hygiène de vie à la femme enceinte, de protéger l’enfant dès sa naissance, de le confier le plus rapidement possible à sa mère afin que puisse se mettre en place cet attachement primordial source de si nombreuses études comme celles célèbres de Klaus et Kennel (KLAUS M. H., JERAULD R., KREGER N., Mc ALPINE W., STEFFA M. et KENNELL J.H., 1972). C’est l’ici-et-maintenant de la découverte du nouveau-né qui est source d’intérêt.

La psychanalyse mettra du temps cependant à entrer dans le monde de l’hôpital, priorité ayant longtemps été donnée à l’entourage médical et technique de la naissance, et aux conseils de puériculture, même si naissait progressivement une attention marquée aux interactions réelles et fantasmatiques du nouveau-né avec son entourage et principalement sa mère (LEBOVICI, 1983).

L’influence de la psychanalyse dans le monde de la petite enfance, s’est faite tout d’abord dans d’autres lieux que les maternités, notamment dans les lieux d’accueil comme la " Maison verte " de F. Dolto (DOLTO F., 1985) alors même que le repérage des troubles de la " maternalité " (RACAMIER P.C., SENS C., CARRETIER L., 1961) et des pathologies propres à la période périnatale était déjà à l’étude. Et c’est principalement dans la prise en charge des troubles psychiques avérés mais aussi principalement dans l’accompagnement psychologique de l’expérience vécue de la maternité qu’elle a depuis trouvé sa place.

Or, cet objectif d’accompagnement des futurs parents ou parents au fur et à mesure de la découverte qu’ils font des bouleversements psychiques qu’ils vivent, est en train d’être suppléé, dans un but préventif, par un projet éducatif, pré-pensé pour eux, reléguant les professionnels " psy " en seconde ligne dans un travail de soutien des équipes médicales et para-médicales.

Quelles peuvent être les enjeux de ce dispositif actuel au regard de la subjectivité ?

 

Les enjeux du dispositif actuel au regard de la subjectivité

Les politiques de prévention fondées sur une approche causale et linéaire conçues en quatre temps : repérer, prédire, dépister, intervenir peuvent-elles s’appliquer aux problématiques psychiques telles qu’elles apparaissent dans le monde d’aujourd’hui ? Quelle prévention possible dans le temps de la périnatalité ?

Le temps de la périnatalité est reconnu par tous aujourd’hui comme un temps de particulière fragilisation psychique où les remaniements à l’œuvre participent à la mise en place non d’un savoir-faire parental mais d’un mouvement psychique créateur au quotidien de l’être parent dans la relation à l’enfant. Ce travail psychique complexe s’accomplit dans l’intimité des relations au corps propre, au nouveau-né, au conjoint et dans l’appropriation progressive des moments de l’histoire individuelle et familiale (WILLERVAL-CHEVALERIAS, 1999). Ce travail délicat doit être protégé, comme l’avait bien repéré Winnicott (WINNICOTT, 1957), pour que puisse se faire cette expérience par soi-même de l’être parent.

L’engagement maternel dans le processus de maternité, Winnicott le conçoit comme tout à fait nouveau pour la mère, par le fait même qu’elle ne peut avoir idée de comment son bébé va se comporter. C’est pour lui une mère dégagée de tout savoir sur l’autre, mais animée de son seul désir qui se présente à son enfant. Si la singularité, le caractère unique de la rencontre se repère ici, par là même se dévoile en même temps toute la complexité inconsciente de cet engagement reposant sur la seule subjectivité maternelle. Et c’est bien ce désir qu’il s’agit de préserver nous dit Winnicott, en protégeant la jeune mère " de tout ce qui peut s’immiscer entre elle et son enfant" (WINNICOTT, op.cit. p.12). Ce qu’avance ici Winnicott est d’importance et vient directement interroger les politiques à mener dans le temps de la périnatalité. Peut-on intervenir dans un but préventif sans déranger si ce n’est perturber ce qui est en train de se mettre en place et de se nouer au sein des relations précoces à l’enfant ?

Ce qui peut venir s’immiscer entre la mère et son enfant, c’est tout savoir pré établi venant d’un autre nous dit Winnicott, un savoir faisant fi de la dynamique désirante singulière. C’est en premier lieu nous dit-il le " savoir social ", et nous savons à quel point il est développé dans nos sociétés et principalement dans le discours actuel organisateur de la périnatalité. Mais c’est aussi un autre savoir qui ne peut être transposé comme tel : le " savoir appartenant à la propre mère de la jeune accouchée ". La relation avec le nouveau-né initiée par le désir maternel ne peut donc se concevoir au regard d’un seul savoir social, ou d’une reprise d’un modèle éducatif, mais bien dans la mise en mouvement et dans l’appropriation, au contact du bébé, du corps propre et de la dynamique psychique. Il s’agirait pour la mère dans l’ici et maintenant de la rencontre avec son bébé, de mettre à l’œuvre si ce n’est à l’épreuve son désir pour vivre " l’expérience d’agir selon son sentiment " (WINNICOTT, op.cit. :p12) comme nous le dit Winnicott, c’est-à-dire " d’être ", " d’exister subjectivement ". Cette expérience vécue dans la relation avec l’autre, le bébé, et ajustée à son altérité, non seulement profiterait au bébé mais conduirait à la découverte par soi-même de comment être mère.

Il s’agit ici d’une temporalité psychique à respecter qui ne s’accorde pas d’une temporalité linéaire, prévisible. L’inattendu est au cœur des relations qui se tissent au quotidien avec l’enfant nouveau venu, et c’est précisément cette rencontre et la manière dont elle va être appréhendée et élaborée singulièrement par chacun des parents qui permettra la naissance cette fois de l’être parent et de l’être enfant et la création du lien qui les unit. Ce cheminement dans l’inconnu n’est cependant pas toujours facile, nous le savons, notamment quand les repères psychiques indispensables manquent. Et dans ce cas, les risques de troubles relationnels ou de perte d’identité sont bien réels. Mais peut-on prévenir quelque trouble avant même qu’il n’advienne quand nous savons par ailleurs toute la plasticité du fonctionnement psychique principalement dans ce temps de la périnatalité ? Michel Dugnat (DUGNAT, 2004 :p102) nous dit à ce propos : " du point de vue psychique, il n’y a rien à " pré-venir " ; par contre, il s’agit bien de " venir près ", d’inter-venir pour offrir une attention, une écoute, un travail d’élaboration pour des situations potentiellement violentes. "

Quel sens et quelle influence peut avoir dans ce cas une intervention dès le 4ème mois de la grossesse par un travail de dépistage des vulnérabilités psycho-sociales ? Quel espace est laissé à l’accompagnement quand la prévention précoce est articulée à un schéma linéaire de résolution d’une préoccupation de santé publique ?

Je reprendrais pour terminer un énoncé de Jean-Claude Ameisen, président du Comité d’éthique de l’Inserm, publié dans un article du journal Le Monde, le 8 février 2007, où il nous rappelle que " la mission première de la médecine est d’accompagner la personne qui souffre. Il ne faut pas déplacer son rôle, notamment en lui demandant de faire de la prévention de risque collectif, à visée politique. "

Il avait dit également précédemment avec Didier Sicard, président du Comité consultatif national d’éthique, dans un autre article du journal Le Monde, publié le 23 mars 2006 : " Il y a un an, le comité d’éthique de l’Inserm recommandait que les expertises réalisées au niveau des organisations de recherche ne formulent pas, en dehors de l’urgence, de recommandations sous forme prescriptive. (…) L’éthique ne réside pas dans l’affirmation de ce qui ne doit pas advenir comme humain. Elle est dans cette interrogation permanente sur ce qui constitue notre humanité. Il faut enrichir l’humain, pas le réduire ; soulager la souffrance et aider chacun à inventer son avenir, pas l’emprisonner dans une prédiction ; respecter l’altérité et la diversité, pas la cibler et la pister avec l’obsession de l’adapter sans cesse à une " norme " souvent changeante, toujours illusoire".

 

 

Bibliographie

BADINTER, E. L’amour en plus. Paris, Flammarion, 1980.

DOLTO , F. “Nous irons à la Maison Verte”. in: La Cause des enfants, Paris, Robert Laffont, 1985, 541-602.

DUGNAT, M. Prévention précoce Parentalité et périnatalité, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2004.

GAVARINI, L. La passion de l’enfant Filiation, procréation et éducation à l’aube du XXIè siècle. Paris, Denoël, 2001.

KLAUS M. H., JERAULD R., KREGER N., Mc ALPINE W., STEFFA M. et KENNELL J.H., 1972, Maternal attachment importance of the first postpartum days, New England Journal of Medicine, 286, 460-63.

LEBOVICI, S. Le nourrisson, la mère et le psychanalyste – Les interactions précoces. Paris, Le Centurion, 1983.

RACAMIER P.C., SENS C., CARRETIER L. “La mère et l’enfant dans les psychoses du post-partum”, Evolution psychiatrique, 1961, IV, 525-570.

WILLERVAL-CHEVALERIAS M.-P. Le désir maternel d’intimité avec le nouveau-né, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1999.

WINNICOTT, D.W. L’enfant et sa famille–Les premières relations(1957), Paris, Payot, 1973.

 

 

Recebido em: 01/07/2007
Aprovado em: 16/07/2007

BADINTER, E. L’amour en plus. Paris, Flammarion, 1980.        [ Links ]

DOLTO , F. “Nous irons à la Maison Verte”. in: La Cause des enfants, Paris, Robert Laffont, 1985, 541-602.        [ Links ]

DUGNAT, M. Prévention précoce Parentalité et périnatalité, Ramonville Saint-Agne, Érès, 2004.        [ Links ]

GAVARINI, L. La passion de l’enfant Filiation, procréation et éducation à l’aube du XXIè siècle. Paris, Denoël, 2001.        [ Links ]

KLAUS M. H., JERAULD R., KREGER N., Mc ALPINE W., STEFFA M. et KENNELL J.H., 1972, Maternal attachment importance of the first postpartum days, New England Journal of Medicine, 286, 460-63.        [ Links ]

LEBOVICI, S. Le nourrisson, la mère et le psychanalyste – Les interactions précoces. Paris, Le Centurion, 1983.        [ Links ]

RACAMIER P.C., SENS C., CARRETIER L. “La mère et l’enfant dans les psychoses du post-partum”, Evolution psychiatrique, 1961, IV, 525-570.        [ Links ]

WILLERVAL-CHEVALERIAS M.-P. Le désir maternel d’intimité avec le nouveau-né, Villeneuve d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 1999.        [ Links ]

WINNICOTT, D.W. L’enfant et sa famille–Les premières relations(1957), Paris, Payot, 1973.        [ Links ]

Creative Commons License