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Neuropsicologia Latinoamericana

On-line version ISSN 2075-9479

Neuropsicologia Latinoamericana vol.2 no.3 Calle  2010

 

 

L'impact de la nature des lésions sur les troubles de la communication consécutifs à une lésion cérébrale droite

 

Impacto de la naturaleza de las lesiones en los problemas de la comunicación luego de una lesión cerebral derecha

 

O impacto do tipo de lesão nas alterações comunicativas pós-AVC de hemisfério direito

 

Distinctive patterns of communication impairments after a right-hemisphere stroke depending on its nature

 

 

Camille Lajoie; Perrine Ferré; Bernadette Ska

Université de Montréal, Canada

 

 


RESUMEN

Desde hace más de cien años se admite que los patrones de alteración en la comunicación en lesionados cerebrales izquierdos están relacionados con la naturaleza (isquémica o hemorrágica) y la localización de las lesiones. Si bien se reconoce hoy en día que los lesionados cerebrales derechos sufren de problemas de la comunicación, la relación entre estos problemas y la naturaleza de su lesión no ha sido aún establecida. El objetivo de este estudio es examinar si existe una relación entre el tipo de déficits comunicacionales y la naturaleza de la lesión en los lesionados cerebrales derechos. Sesenta participantes con lesión cerebral derecha fueron evaluados con la ayuda del Protocolo MEC (Protocolo Montreal de evaluación de la comunicación). El mismo cuenta con 14 tareas que evalúan los aspectos semántico, prosódico, pragmático y discursivo de la comunicación. Los participantes fueron separados en dos grupos de acuerdo a la naturaleza de su lesión: 39 con lesión de origen isquémico y 21 de origen hemorrágico. El desempeño del grupo con lesión hemorrágica fue significativamente diferente del grupo isquémico en la tarea de conversación. La falta de expresión facial y los problemas de prosodia son los más importantes en el grupo hemorrágico, en el que las lesiones se encuentran, mayormente, en áreas subcorticales. La naturaleza isquémica o hemorrágica de las lesiones suscita distintos problemas de comunicación en los pacientes con lesiones cerebrales derechas. La localización de las lesiones depende generalmente de su naturaleza, lo cual puede ser uno de los factores explicativos de las diferencias encontradas.

Palabras-claves:Comunicación, Lesión cerebral derecha, ACV hemorrágico, ACV isquémico.


RESUMÈ

Depuis plus de cent ans, il est admis que les patrons de troubles de la communication chez les cérébrolésés gauches sont associés à la nature (ischémique ou hémorragique) et la localisation de la lésion. S'il est maintenant reconnu que les cérébrolésés droits souffrent de problème de communication, une relation entre ces problèmes et la nature de leur lésion n'a pas encore eté établie. Le but de l'étude est d'examiner si une relation existe entre le type de déficits communicationnels et la nature de la lésion chez des cérébrolésés droits. Soixante participants avec lésion cérébrale droite ont été évalués à l'aide du protocole MEC (Protocole Montréal d'évaluation de la communication) qui comporte 14 tâches évaluant les aspects sémantique, prosodique, pragmatique et discursif de la communication. Les participants ont été séparés en deux groupes conformément à la nature de leur lésion: 39 participants avec lésion d'origine ischémique et 21 participants avec lésion d'origine hémorragique. Les performances du groupe hémorragique sont significativement différentes de celles du groupe ischémique pour la tâche de conversation. Le manque d'expression faciale et les problèmes de prosodie sont plus importants dans le groupe hémorragique dont les lésions se trouvent en majorité dans des aires sous corticales. La nature ischémique ou hémorragique des lésions suscite des problèmes de communication distincts chez les patients cérébrolésés droits. La localisation des lésions dépendant généralement de leur nature, elle pourrait être un des facteurs explicatifs de ces différences.

Mots-clés:Communication, Lésion cérébrale droite, ACV hémorragique, ACV ischémique.


RESUMO

Por mais de 100 anos, os padrões de prejuízos comunicativos em pacientes com lesão vascular de hemisfério esquerdo são conhecidos pela correlação com a natureza (isquêmica ou hemorrágica) e o local da lesão. Embora os acidentes vasculares de hemisfério direito tenham possíveis sequelas comunicativas cada vez mais conhecidas, as possíveis relações entre a natureza da lesão e os padrões comunicativos não foram ainda estudados. O objetivo do estudo foi verificar uma possível relação entre prejuízos comunicativos e a natureza da lesão em indivíduos com lesão vascular de hemisfério direito. Participaram 60 pacientes com lesão vascular direita avaliados pela Bateria MAC (Bateria Montreal de Avaliação da Comunicação), que inclui 14 tarefas que avaliam componentes semânticos, prosódicos, pragmáticos e discursivos. A amostra foi distribuída quanto à etiologia da lesão, hemorrágica (n=21) e isquêmica (n=39). O desempenho do grupo com lesão hemorrágica diferenciou-se significativamente do grupo com lesão isquêmica na tarefa de discurso conversacional. Além disso, falta de expressão facial e dificuldades prosódicas também foram mais evidentes no grupo com lesão hemorrágica, cujas lesões foram predominantemente subcorticais. A natureza da lesão vascular resulta em diferentes perfis comunicativos em indivíduos com lesão de hemisfério direito. A localização da lesão, dependendo da natureza do acidente vascular cerebral, parece influenciar essa diferença.

Palavras-chave:Comunicação, Lesão de hemisfério direito, Acidente vascular cerebral isquêmico, Acidente vascular cerebral hemorrágico.


ABSTRACT

For more than 100 years, the communication impairment patterns in left-hemisphere stroke patients have been known to be correlated with the nature (ischemic or hemorrhagic) and localization of the lesion. Although right-hemisphere strokes are now clearly recognized as having a possible impact on communication abilities, no correlation between nature of lesion and communication patterns has been reported. The goal of the study is to investigate a possible relation between communication impairments and nature of the lesion in right brain damaged adults. Sixty right-hemisphere stroke participants were evaluated for their communication abilities with the Protocole MEC (Montréal Évaluation de la Communication) including 14 tasks assessing semantics, prosody, pragmatics and discourse. Participants were divided into hemorrhagic (n = 21) and ischemic (n = 39) groups in accordance with the nature of their stroke. The performance of the hemorrhagic group significantly differed from the ischemic group in the conversational task. Lack of facial expression and prosodic problems were more prominent in the hemorrhagic group, whose lesions were predominantly in subcortical areas. The nature of lesions results in different communication profiles in right-brain-damaged patients. The localization depending on the nature of the stroke may influence this difference.

Keywords:Right brain damage, Communication, Hemorrhagic stroke, Ischemic stroke.


 

 

L'organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 15 millions de personnes souffrent chaque année d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Parmi celles-ci, 5 millions décèdent et 5 millions en gardent des séquelles permanentes. L'OMS prévoit que plus de 61 millions de personnes vivront avec les conséquences d'un AVC en 2020.

Divers troubles acquis de la communication découlent fréquemment de ce type d'accident. Les AVC sont classés en deux types selon l'origine de la perturbation de la circulation sanguine : l'AVC ischémique et l'AVC hémorragique. Une ischémie se produit par manque d'apport sanguin aux tissus lorsqu'un vaisseau est obstrué ou perd de la pression (Collins, 2007). Lorsque l'irrigation des tissus cérébraux est interrompue trop longtemps, le manque d'apport d'oxygène et de glucose entraîne leur mort (Caplan, 2000). Il s'agit alors d'un infarctus cérébral. L'ischémie peut résulter d'une thrombose (souvent due à l'artériosclérose), d'une embolie ou encore d'une baisse de pression du flot sanguin dans les vaisseaux qui irriguent le cerveau à cause d'un problème cardiaque ou d'une hypotension systémique (Barnett, Mohr, Stein, & Yatsu, 1992 ; Caplan, 2000)

Selon la fondation des maladies du coeur du Canada, 80% des AVC sont de nature ischémique (FMCC, 2008). L'âge moyen des patients qui subissent un AVC ischémique est 66 ans, les personnes souffrant d'une embolie d'origine cardiaque ayant pour la plupart 70 ans et plus alors que celles qui souffrent d'artériosclérose se situent entre 45 et 70 ans (Grau et al., 2001). Les syndromes associés aux AVC ischémiques dépendent de l'étiologie et de la localisation de l'obstruction. En fait, certains territoires cérébraux sont plus fréquemment atteints par un AVC de cette nature. Selon Caplan (2000), les AVC ischémiques causent davantage de dommages au niveau cortical que sous-cortical.

Un accident vasculaire peut également être de nature hémorragique. Une hémorragie se définit comme un écoulement de sang dans le cerveau ou dans la boîte crânienne. Une hémorragie est soit intracérébrale, lorsque le saignement est d'origine artérielle et se produit directement dans les tissus cérébraux, soit subarachnoïde, lorsque le sang s'écoule à la surface du cerveau, entre l'encéphale et la boîte crânienne, le plus fréquemment à cause de la rupture d'un anévrisme (Barnett et al., 1992). Dans ce dernier cas, l'augmentation soudaine du volume de liquide dans la boîte crânienne entraîne une hausse de la pression intracrânienne, ce qui endommage les tissus cérébraux. L'âge moyen des personnes qui subissent une rupture d'anévrisme est de 50 ans alors que d'autres malformations artérioveineuses se rompent habituellement entre 20 et 30 ans (Caplan, 2000) pour causer une hémorragie intracérébrale. Ce type d'AVC est principalement localisé dans les régions souscorticales (Caplan, 2000). Il touche le thalamus ou les noyaux gris centraux dans 45% des cas (Rafii & Hillis, 2006).

Les troubles de la communication résultant d'une lésion de l'hémisphère gauche sont bien connus. Ils se présentent sous la forme de tableaux cliniques variables selon les manifestations et la sévérité des déficits encourus. Des corrélats anatomiques sont même associés aux différents types d'aphasies (Kreisler et al., 2000). Les études suggèrent fortement que la nature des lésions entraîne des syndromes spécifiques (Collins, 2007; Rafii & Hillis, 2006; Caplan, 2000; Barnett et al., 1992). En effet, une atteinte de la partie supérieure de l'artère cérébrale moyenne gauche lors d'un AVC ischémique entraîne une aphasie de Broca, tandis qu'une atteinte de la partie inférieure de cette même artère entraîne une aphasie de Wernicke (Rafii & Hillis, 2006). elon Knepper et ses collaborateurs (1989), l'aphasie de Wernicke serait due à un AVC ischémique 78% du temps, la plupart étant de nature embolique. Il est par ailleurs reconnu que ce type d'aphasie se rencontre chez des patients plus âgés que l'aphasie de Broca, car ces individus sont victimes d'AVC plus postérieurs (Knepper et al., 1989; Ferro & Madureira, 1997). D'autres formes d'aphasies peuvent aussi survenir à la uite d'une lésion sous-corticale de l'hémisphère gauche. En effet, Lecours et Lhermitte (1979) font mention d'aphasie motrice sous-corticale et d'aphasie sensorielle sous-corticale, mieux connues sous les termes d'anarthrie pure et de surdité verbale pure respectivement. Les tableaux des manifestations cliniques de ces troubles sont différents des tableaux qui apparaissent à la suite d'une atteinte corticale. Ces mêmes auteurs abordent aussi le rôle des noyaux thalamiques dans la fonction langagière. Ils soulignent que les lésions hémorragiques portant atteinte au thalamus gauche entraînent souvent des troubles transitoires du langage ayant une sémiologie distincte des aphasies corticales par le phénomène de decrescendo du volume vocal à la fin d'énoncés jargonnés (Lecours & Lhermitte, 1979). Les aphasies corticales (Broca, Wernicke, conduction, globale, etc.) se manifestent par des déficits au niveau de l'expression orale et/ou écrite, accompagnés ou non de troubles de compréhension orale et/ou écrite avec une préservation de la capacité à répéter des mots ou non, selon le type d'aphasie. La localisation des lésions qui dépend de la nature de l'AVC a donc une influence sur la manifestation des troubles de la communication chez les cérébrolésés gauches.

Les lésions situées dans l'hémisphère droit sont traditionnellement moins associées aux troubles de la communication que celles qui touchent l'hémisphère gauche. Pourtant, la littérature a montré que des déficits communicationnels pouvaient survenir dans la population des cérébrolésés droits (Joanette, Goulet, & Hannequin, 1990). Les déficits communicationnels des individus cérébrolésés droits concernent principalement la prosodie (Walker, Daigle, & Buzzard, 2002), le traitement lexico-sémantique des mots (Gagnon, 2003), les habiletés discursives (Tompkins, Scharp, Meigh, & Fassbinder, 2008; Chantraine, Joanette, & Ska, 1998) et la pragmatique (Vanhalle, Lemieux, Joubert, Goulet, & Ska, 2000). Dans ces études, les auteurs ont considéré un déficit particulier à la fois. Ils n'ont donc pas pris en compte l'ensemble des troubles de la communication se manifestant dans la population des cérébrolésés droits.

Quelques auteurs ont tenté d'établir une relation entre la composante prosodique et la localisation d'une lésion droite (Ross, 1981; Wolfe & Ross, 1987). Les autres troubles (sémantiques, pragmatiques ou discursifs) n'ont cependant pas été associés à des régions précises de l'hémisphère droit. À plus forte raison, à notre connaissance, aucune étude n'a établi de lien entre la nature de la lésion et l'ensemble des troubles de la communication chez les cérébrolésés droits.

En bref, la sémiologie des aphasies dépend de la localisation de la lésion dans l'hémisphère gauche (corticale ou sous-corticale) et cette localisation est influencée par la nature de l'AVC, qui crée des dommages de façon préférentielle dans des territoires distincts. Qu'en est-il des manifestations cliniques des troubles langagiers suite à des dommages dans l'hémisphère droit? La nature de la lésion, et indirectement, sa localisation influencent-elles les manifestations des troubles de la communication chez les cérébrolésés droits? Les réponses à ces questions n'ont jamais été données. Notre étude est donc une première tentative de contribution à l'élucidation de ces questions.

Le but principal de cette étude est donc de vérifier le lien possible entre la nature (ischémique ou hémorragique) des lésions et l'ensemble des troubles de la communication dans un échantillon de cérébrolésés droits. Un but secondaire est d'examiner si la localisation des lésions est différente selon sa nature et donc, si la localisation peut influencer le profil clinique. Conformément aux observations issues des études sur les cérébrolésés gauches qui indiquent que la nature de la lésion influence les déficits observés, il est attendu que l'ensemble des troubles des cérébrolésés roits ischémiques diffère des troubles des cérébrolésés droits hémorragiques.

 

Matériel et méthode

Participants

Au total, 60 participants, incluant 31 Canadiens (francophones), 20 Brésiliens (lusophones) et 9 Argentins (hispanophones) ayant subi un AVC ischémique ou hémorragique à l'hémisphère droit ont été recrutés dans différents centres de réadaptation. Ces personnes ne montraient aucune maladie psychiatrique et n'avaient pas d'antécédents concernant une addiction à l'alcool ou à une drogue. Elles n'avaient aucun déficit neurologique antérieur à l'AVC. Les informations sur le site lésionnel et la nature des lésions ont été extraites des dossiers médicaux avec l'autorisation des participants. L'échantillon est composé de 24 femmes (40%) et 36 hommes (60%), ayant entre 26 et 90 ans (voir Tableau 1).

Tâche

Tous les participants ont été soumis au protocole Montréal d'Évaluation de la Communication (MEC; Joanette, Ska, & Côté, 2004) et ses adaptations normalisées et validées au Brésil (Fonseca et al., 2008) et en Argentine (Ferreres et al., 2007). Toutes les versions ont des normes en fonction de l'âge et du niveau de scolarisation. Cet outil est composé de 14 tâches qui évaluent 4 aspects du langage susceptibles d'être affectés chez les CLD, soit les habiletés discursives, la prosodie, le traitement sémantique des mots et les habiletés pragmatiques. Les adaptations du Protocole MEC ont démontré leur validité de contenu ainsi que leur spécificité et sensibilité psychométrique (voir Fonseca et al., 2008 et Ferreres et al., 2007). Les adaptations respectent au plus près le protocole original et les différentes versions sont donc comparables entre elles. Pour chaque tâche et dans chaque pays, un seuil de éussite a été établi suite à la normalisation du protocole MEC. Un résultat inférieur au seuil fixé pour le groupe d'âge et le niveau de scolarité d'un participant indique un échec à la tâche ainsi que la présence de déficit dans la composante du langage évaluée (Figure 1).

Analyse

Les participants ont été répartis en deux groupes selon la nature (ischémique et hémorragique) de la lésion. En un premier temps, des analyses statistiques ont été effectuées pour déterminer si chacune des variables cliniques et démographiques étaient comparables entre les deux groupes étudiés. Ensuite, les scores normalisés en fonction de l'âge et de la scolarité (scores z) des 60 participants aux 14 tâches du protocole MEC ont été soumis à une analyse statistique non paramétrique (test de Mann-Whitney) dans le but de comparer les résultats en fonction de la nature de la lésion. Cette méthode statistique a été choisie en raison de l'absence d'une distribution normale des résultats et du nombre inégal et parfois réduit des participants par groupe.

 

 

Résultats

Répartition de la nature des lésions dans l'échantillon

Dans l'échantillon, 65% des lésions sont ischémiques et 35% des lésions sont hémorragiques. Concernant les lésions hémorragiques, 38% sont corticales et 62% sont sous-corticales (noyau gris centraux, thalamus, capsule interne, ventricule), tandis que 61% des lésions ischémiques sont corticales et 39% sont sous-corticales (voir Tableau 1).

Contrôle des variables

Afin d'analyser les résultats aux tâches langagières par rapport au type de lésion, il a été nécessaire de s'assurer que des facteurs démographiques ne différenciaient pas les deux groupes. Les variables démographiques de chaque groupe sont décrites dans le tableau 1.

Âge et de la scolarité

La moyenne d'âge des participants avec une lésion ischémique (n=39) est de 59 ans et celle des sujets avec une lésion hémorragique (n=21) est de 55 ans. Non seulement la moyenne, mais l'âge minimum et l'âge maximum sont toujours légèrement supérieurs chez le groupe de participants avec lésion ischémique.

 

 

Le test t indique cependant qu'il n'y a pas de différence significative entre les deux groupes en regard de l'âge (t (58) = 1,03, p > 0,05). La distribution en terme de niveau de scolarité (en années) est aussi comparable entre les deux groupes (t (57) = 0,14, p > 0,05), avec des moyennes égales à 10 ans dans les deux groupes.

Genre

On observe une faible représentation des femmes parmi le groupe des lésions hémorragiques (24% de femmes contre 76% d'hommes). Les genres sont approximativement également distribués parmi le groupe des lésions ischémiques (49% de femmes et 51% d'hommes). Le test Khi carré indique une valeur de différence non significative entre les deux groupes étudiés (? 2 (1) = 2,56, p > 0,05).

Pays d'origine

Malgré des différences qualitatives dans la distribution inter-pays parmi les groupes (voir tableau 1), aucune différence n'est notée quant à la distribution de l'origine culturelle parmi les groupes ischémique et hémorragique (? 2 (2) = 5,84, p = 0.054).

 

 

Temps post-lésion

Malgré une variabilité interindividuelle importante (de 2 à 460 semaines), le temps post lésion ne présente pas de différence significative dans sa répartition parmi les groupes ischémiques et hémorragiques (U de Mann-Whitney = 425, p > 0,05).

Manifestations des troubles selon la nature de la lésion

Les deux groupes montrent des résultats significativement différents pour la tâche de discours conversationnel (z = -3,075, p < 0,01). Les participants avec une lésion hémorragique obtiennent de moins bons résultats (moyenne en score z = -5,13) à cette tâche que les participants avec une lésion ischémique (moyenne en score z = -2,19). La tâche de discours conversationnel est la seule pour laquelle une différence significative apparaît. Cependant, les participants avec lésion hémorragique obtiennent des résultats inférieurs aux participants avec lésion ischémique dans 9 tâches sur les 13 restantes.

Puisque le score de la tâche portant sur le discours conversationnel est un résultat composite qui se base sur l'évaluation de plusieurs aspects de la communication (ex : initiative verbale, tours de parole, compréhension, prosodie, contact visuel, etc.), une analyse détaillée a été réalisée pour chacun d'eux. Les résultats suivants se sont dégagés de cette analyse : deux tiers des participants de l'échantillon ayant une lésion hémorragique montrent une atteinte prosodique qui se manifeste par une voix monotone (14/21) et une expression faciale figée (14/21), tandis qu'aucun aspect de la tâche de discours conversationnel n'est échoué par plus de la moitié des participants ayant une lésion ischémique (Figure 2).

 

Discussion

Cette recherche visait à savoir si la nature ischémique ou hémorragique des lésions influence les manifestations des troubles de la communication chez les personnes ayant subi un AVC dans l'hémisphère droit. Les résultats de l'étude permettent de répondre par l'affirmative à cette interrogation, malgré certaines limites liées à l'échantillon.

Une analyse de la répartition des lésions selon leur nature dans un échantillon de 60 individus cérébrolésés droits a été effectuée, trouvant une majorité de lésions ischémiques (65%). Cette donnée est conforme à la littérature puisque le pourcentage d'ischémies se trouve habituellement entre 60 et 90% des AVC selon les différentes études citées par Caplan (2000). Les autres facteurs comme l'âge, le genre, la scolarité ou le temps post-lésion ne montrent pas de différence significative entre les groupes. Il était d'ailleurs attendu que l'âge comme la scolarité n'aient pas d'impact direct sur les performances aux évaluations puisque le Protocole MEC a été normalisé en considération de ces deux variables (les performances aux tâches sont établies en fonction de la norme pour l'âge et le niveau de scolarité donné). Puisque les protocoles utilisés ont été standardisés à travers les langues, aucun effet attribuable au pays d'origine n'était attendu. Ainsi, aucun facteur démographique ne semble avoir influencé les interprétations concernant les liens entre la nature de la lésion et les performances langagières après une lésion hémisphérique droite.

Une analyse des manifestations cliniques en lien avec la nature des lésions a été réalisée sur les résultats des 60 participants de l'échantillon. Les résultats indiquent des difficultés importantes des participants avec une lésion hémorragique à la tâche de discours conversationnel. Les autres tâches du protocole n'ont pas révélé de différences statistiquement significatives entre les groupes. Cependant, d'un point de vue clinique, les participants avec lésion hémorragique ont des résultats inférieurs aux participants ischémiques dans les tâches suivantes : compréhension des métaphores, évocation lexicale libre et orthographique, compréhension et production de la prosodie linguistique, rappel du discours narratif, répétition de la prosodie émotionnelle et jugement sémantique. Les participants avec lésion hémorragique sont donc, cliniquement, plus sévèrement atteints dans toutes les composantes de la communication (sémantique, prosodique, discursive et pragmatique). Comme groupe, les participants avec lésion hémorragique s'écartent plus souvent du seuil de normalité. Comme notre étude est la première à observer cette différence clinique, les explications ne peuvent être qu'hypothétiques. Les données dont nous disposons ne permettent d'établir de liens formels ni avec l'étendue de la lésion, ni sa localisation, ni des connexions intra- ou interhémisphériques perturbées. Les études sur les cérébrolésés gauches indiquent des relations entre les manifestations des troubles et la localisation des lésions (Lecours & Lhermitte, 1979; D'Esposito & Alexander, 1995; Radnovic & Scaff, 2003) mais elles ne font pas mention de la sévérité des troubles selon la nature des lésions.

Pour la plupart des tâches, l'absence de signification statistique entre les groupes peut dépendre de plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, on peut considérer que le nombre de participants ainsi que la répartition inégale entre les groupes ont limité le choix du test et la puissance de l'analyse. Un autre facteur qui a pu influencer les résultats est la forme des tâches. En effet, toutes les tâches à l'exception de la conversation sont structurées dans leur présentation. Pour sa part, la conversation correspond à un échange libre entre le participant et l'évaluateur. Dans les cas où les troubles relèvent de la communication et non des aspects formels du langage, ils n'apparaissent de manière plus importante que dans des situations moins structurées et plus naturelles (McDonald, 1992; Coelho, Liles & Duffy, 1991). La forme plus structurées des tâches semble avoir été plus favorable aux participants avec lésion ischémique. Leurs problèmes de communication semblent donc, d'un point de vue clinique, moins sévères que ceux des participants hémorragiques, même si cette tendance n'a pu être statistiquement vérifiée. Par ailleurs, il semble raisonnable de supposer qu'une lésion hémorragique va entraîner une lésion plus diffuse, et conséquemment des troubles plus sévères. De même, le temps post AVC est un facteur à considérer dans les futures études. Bien qu'aucune information ne soit disponible à ce jour concernant les profils de récupération après une lésion hémisphérique droite, il est possible de supposer qu'une progression favorable se poursuive après une phase de récupération spontanée. Dans cette étude, le temps post lésionnel est très hétérogène (de 1 mois à 2 ans) mais cette hétérogénéité est similaire dans les deux groupes puisque la différence n'est pas significative.

Dans la tâche conversationnelle, les troubles prosodiques ainsi qu'une expression faciale figée contribuent de façon significative aux problèmes pragmatiques. Ces manifestations correspondent bien à la topographie préférentielle des AVC hémorragiques davantage sous-corticale (Ackermann, Ziegler, & Petersen, 1993; Schulz & Grant, 2000; Rafii & Hillis, 2006; Caplan, 2000). Dans l'échantillon, 62% des lésions hémorragiques sont sous-corticales. Elles touchent pour la plupart le thalamus ou les noyaux gris centraux. Les atteintes thalamiques ont d'ailleurs déjà été associées à une prosodie déficitaire et à une voix monotone en parole spontanée chez des sujets atteints bilatéralement et unilatéralement à gauche (Ackermann, Ziegler, & Petersen, 1993). Un parallèle avec la maladie de Parkinson peut être suggéré puisque l'atteinte des noyaux gris centraux caractérise cette maladie. En effet, une voix monotone ainsi qu'un faciès figé sont des traits caractéristiques retrouvés chez les personnes parkinsoniennes (Schulz & Grant, 2000). Ces manifestations ont été expliquées de deux manières. D'abord, les lésions sous-corticales non thalamiques portent souvent atteinte à la voie frontostriatale, menant à des déficits moteurs au niveau du visage et de la bouche (Radanovic & Scaff, 2003). Un faciès figé pourrait alors découler d'une innervation déficitaire des muscles participants aux expressions faciales. Ensuite, les lésions touchant la portion antérieure et antérolatérale du thalamus sont associées à des troubles du comportement, plus précisément à l'apathie (études citées dans Caplan, 2000). Une expression faciale figée pourrait aussi découler de cette manifestation comportementale.

Ces observations peuvent contribuer à l'explication des différences observées entre le groupe des participants avec une lésion hémorragique et le groupe des participants avec lésion ischémique. En effet, tel que documenté chez les individus cérébrolésés gauches (Collins, 2007; Rafii & Hillis, 2006; Caplan, 2000; Barnett et al., 1992), la nature de la lésion peut influencer les sites lésionnels et donc, les manifestations des troubles de la communication. Cependant, les lésions provoquées par une hémorragie dans notre échantillon sont principalement mais pas uniquement sous corticales. Selon les résultats obtenus, ce serait donc la nature de l'AVC davantage que la localisation de la lésion qui détermine les troubles acquis des participants cérébrolésés droits.

Une autre limite de l'étude provient de l'imprécision des informations concernant la localisation des lésions de certains participants, surtout lorsqu'il s'agissait d'une lésion corticale. Les données disponibles proviennent de dossier médical. L'absence de données complètes rend donc plus difficile l'analyse des atteintes cliniques en lien avec la localisation des lésions. Par contre, la nature des lésions étant connues, des liens ont pu être établis. Pour valider le lien entre déficit et lésion, l'inclusion de participants pour lesquels des informations valides sur le site lésionnel sont disponibles est nécessaire.

 

Conclusion

Nonobstant les limites indiquées plus haut, cette étude offre un premier regard sur le lien entre la nature des lésions et les troubles de la communication des cérébrolésés droits. Les analyses réalisées indiquent clairement que les participants avec AVC hémorragique présentent des problèmes plus importants en discours conversationnel que les participants avec AVC ischémique. Ce tableau est conforme aux déficits décrits dans la littérature (Caplan, 2000) en ce qui concerne les conséquences cliniques à une lésion sous corticale, tel que rencontré plus fréquemment lors d'AVC hémorragique. La poursuite de cette étude est indispensable pour mieux comprendre les liens entre lésions cérébrales et manifestations cliniques chez les individus cérébrolésés droits. Afin de préciser le site lésionnel, il sera intéressant d'orienter l'étude vers l'analyse de cas uniques pouvant bénéficier, outre l'évaluation clinique, d'un examen d'imagerie cérébral (IRM). À plus long terme, l'anticipation des manifestations cliniques à partir du site ou de la nature lésionnelle pourrait permettre la mise en oeuvre d'une intervention orthophonique ciblée sur les troubles spécifiques de la communication.

 

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Endereço para correspondência:rosa.almeida@ufrgs.br

Artigo recebido: 14/08/2010; Artigo revisado (primeira revisão): 31/08/2010; Artigo revisado (segunda revisão): 01/12/2010; Artigo aceito: 02/12/2010.

Les auteurs remercient la Fondation canadienne des Maladies du Coeur/ Canadian Heart Foundation et les Instituts de recherche en Santé du Canada/ Canadian Institutes of Health Research qui ont subventionné cette recherche, ainsi que les établissements et les participants qui ont permis cette étude.

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