SciELO - Scientific Electronic Library Online

 
vol.2 número3Optimizar el funcionamiento cognitivo durante el envejecimiento: factores de reserva, estimulación cognitiva y plasticidad cerebral índice de autoresíndice de materiabúsqueda de artículos
Home Pagelista alfabética de revistas  

Neuropsicologia Latinoamericana

versión On-line ISSN 2075-9479

Neuropsicologia Latinoamericana vol.2 no.3 Calle  2010

 

 

Prédiction de la persistance des symptômes auto-rapportés suite à un traumatisme craniocérébral léger

 

Predicción de la persistencia de los síntomas auto-informados luego de un traumatismo cráneoencefálico leve

 

Predição da persistência dos sintomas autorelatados após traumatismo cranoioencefálico leve

 

Prediction of self-reported persistent symptoms after a mild traumatic brain injury

 

 

René VillemureI; Pete NolinI; Natalie Le SageII

IUniversité du Québec à Trois-Rivières, Canada
IICentre hospitalier universitaire affilié de Québec, Canada

 

 


RESUMEN

Predecir el riesgo de persistencia de síntomas luego de tres meses de un traumatismo cráneoencefálico leve (TCEL), a partir de los síntomas informados inicialmente durante la primera semana, y según dos métodos de evaluación. La muestra se compone de 354 participantes adultos contactados por teléfono a una y tres semanas post TCEL. En primer lugar, los participantes informaban sus síntomas libremente (método espontáneo) y, posteriormente, a través de un cuestionario de tipo checklist (método sugerido – Rivermead Post Concussion Symptoms Questionnaire). Los participantes que informaron tres o más síntomas durante la primer semana post TCEL, ya sea por el método espontáneo que por el sugerido, tuvieron un riesgo más elevado de presentar síntomas persistentes a los tres meses. Los participantes que tuvieron síntomas persistentes a los tres meses post TCEL informaron durante la primera semana tener más síntomas al utilizar el método sugerido en comparación con el espontáneo. Desde la perspectiva clínica, el hecho de informar tres síntomas o más durante el transcurso de la primera semana post TCEL podría representar un indicador precoz de pronóstico de un riesgo elevado de persistencia de los síntomas, particularmente si la evaluación se basa en un cuestionario del tipo checklist.

Palabras-claves:Traumatismo cráneo-encefálico leve, Síntomas auto-informados, Síndrome posttraumático, Checklist.


RESUMÈ

Prédire le risque de persistance des symptômes à trois mois après un traumatisme craniocérébral léger (TCCL) à partir des symptômes rapportés initialement lors de la première semaine selon deux méthodes d'évaluation. L'échantillon était composé de 354 participants adultes contactés par téléphone à la première semaine et au troisième mois post-TCCL. Les participants devaient d'abord rapporter leurs symptômes librement (méthode spontanée) et, subséquemment, selon un questionnaire de type checklist (méthode suggérée – Rivermead Post Concussion Symptoms Questionnaire). Les participants qui rapportaient trois symptômes ou plus à la première semaine post-TCCL, autant pour la méthode spontanée que pour la méthode suggérée, avaient un risque plus élevé de présenter des symptômes persistants à trois mois. Les participants qui avaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL rapportaient à la première semaine plus de symptômes en utilisant la méthode suggérée comparativement à la méthode spontanée. Dans une perspective clinique, le fait de rapporter trois symptômes ou plus au cours de la première semaine d'évolution post-TCCL pourrait représenter un indicateur pronostique précoce d'un risque plus élevé de persistance des symptômes, particulièrement lorsque l'évaluation repose sur un questionnaire de type checklist.

Mots-clés:Traumatisme craniocérébral, Symptômes auto-rapportés, Syndrome postcommotionnel, Checklist.


RESUMO

Predizer o risco de persistência de sintomas após três meses de um traumatismo cranioencefálico leve (TCEL), a partir do autorelato de sintomas informados inicialmente durante a primeira semana, a partir de dois métodos de avaliação. A amostra foi composta por 354 participantes adultos contatados por telefone de uma a três semanas pós-TCEL. Primeiramente, os participantes informavam livremente seus sintomas (método espontâneo) e, posteriormente, através de um questionário do tipo checklist (método sugerido – Rivermead Post Concussion Symptoms Questionnaire). Os participantes que informaram três ou mais sintomas durante a primeira semana pós-TCEL, seja pelo método espontâneo ou pelo sugerido, apresentaram um risco maior de sintomas persistentes em três meses. Os participantes com sintomas persistentes aos três meses pós-TCEL relataram ter mais sintomas durante a primeira semana pelo método sugerido em comparação ao espontâneo. Sob uma perspectiva clínica, o relato de três sintomas ou mais durante a primeira semana pós-TCEL poderia representar um indicador precoce de prognóstico de um risco elevado de persistência de sintomas, particularmente se a avaliação for baseada em um questionário do tipo checklist.

Palavras-chave:Traumatismo cranioencefálico leve, Síndrome pós-traumática, Checklist.


ABSTRACT

To predict the risk of persistent symptoms three months after a mild traumatic brain injury (mTBI) based on the initially reported symptoms at the first week with two methods of evaluation. The sample consisted of 354 participants adults contacted by telephone at the first week and the third month post-mTBI. Participants first had to report their symptoms via a free-report (free-report method) and, subsequently, with a checklist questionnaire (checklist method – Rivermead Post Concussion Symptoms Questionnaire). Participants who reported three or more symptoms at the first week post-mTBI, both using the free-report method and the checklist method, were more likely to have persistent symptoms at three months. Participants who had persistent symptoms at three months post-mTBI reported at the first week more symptoms when using the checklist method than the free-report method. In a clinical perspective, reporting three or more symptoms during the first week post-mTBI could be an early prognostic indicator of increased risk of persistent symptoms, particularly when the evaluation is based on a checklist questionnaire.

Keywords:Mild traumatic brain injury, Self-reported symptoms, Postconcussional syndrome, Checklist.


 

 

Le traumatisme craniocérébral léger (TCCL) représente un problème de santé publique hautement considérable (Borg et al., 2004) qui peut survenir à tous les âges et dont les principales causes sont les accidents de la route, les chutes et les activités sportives ou récréatives (Cassidy et al., 2004). Chaque année, aux États-Unis, on estime à plus de 300 000 le nombre de cas (Bazarian et al., 2005). Dans le monde, le taux annuel d'incidence, calculé à partir de statistiques en milieu hospitalier, dépasse les 300 cas par 100 000 habitants (Cassidy et al., 2004). Parmi l'ensemble des traumatismes craniocérébraux répertoriés dans la population adulte, les cas de TCCL sont de loin les plus fréquents (American Congress of Rehabilitation Medicine, 1993; Bazarian et al., 2005; Cassidy et al., 2004).

D'après la définition recommandée par l'Organisation mondiale de la Santé, le WHO Collaborating Centre for Neurotrauma Task Force on Mild Traumatic Brain Injury (Task Force; Carroll et al., 2004a), le TCCL est une atteinte cérébrale aiguë résultant d'un transfert d'énergie d'une source externe vers le crâne et les structures sous-jacentes. La présence d'un ou plusieurs des critères suivants est nécessaire au diagnostic : (a) période de confusion ou de désorientation, (b) perte de conscience de 30 minutes ou moins, (c) amnésie post-traumatique de moins de 24 heures, et/ou (d) autres anomalies neurologiques transitoires (ex. : signes focaux, fractures du crâne linéaires ou légèrement enfoncées, ou lésions cérébrales non chirurgicales). De plus, un score de 13 à 15 sur l'échelle de coma de Glasgow 30 minutes ou plus suivant l'arrivée à l'urgence est requis.

Le TCCL peut générer une variété de symptômes qui n'apparaissent pas selon un profil initial uniforme et qui n'évoluent pas toujours selon une trajectoire prévisible. Il est également bien établi que les symptômes rapportés après un tel traumatisme ne sont pas spécifiques puisqu'ils sont régulièrement rencontrés dans d'autres affections physiques ou psychologiques et même dans la population générale (Fox et al., 1995; Gasquoine, 2000; Gouvier et al., 1988; Iverson, 2006; Iverson et Lange, 2003; Iverson and McCracken, 2000; Smith-Seemiller et al., 2003; Trahan et al., 2001). La symptomatologie post-TCCL est communément décrite selon trois catégories distinctes (c.-à-d. les symptômes cognitifs, psychologiques/émotionnels et physiques) et selon deux phases d'évolution (c.-à-d. la phase aiguë qui 'étend jusqu'à trois mois et la phase persistante qui varie généralement de trois à douze mois, mais qui peut excéder cette période) (Carroll et al., 2004b). Parmi les symptômes les plus souvent rapportés figurent les maux de tête, la fatigue, les étourdissements, les problèmes de sommeil, les difficultés d'attention et de mémoire, les changements de l'humeur, l'anxiété et l'irritabilité (Carroll et al., 2004b; King, 1997; Lannsjö et al., 2009; Lundin et al., 2006). Leur évolution permet de se positionner sur la qualité de la récupération post-TCCL (McCrea, 2008). Règle générale, une récupération rapide et apparemment complète est attendue indépendamment de la gravité des critères diagnostiques qui qualifient l'atteinte traumatique initiale (Carroll et al., 2004b; Iverson et al., 2007; Iverson et al., 2000; McCrea et al., 2002). Ainsi, le pronostic est excellent pour la majorité des cas. Toutefois, une proportion minime, mais non négligeable (possiblement autour de 5-10%), présente un profil de récupération atypique et se plaint de symptômes incommodants, voire invalidants, après trois à douze mois d'évolution (McCrea, 2008; Iverson, 2005). À ce stade, les symptômes sont qualifiés de « persistants » (Carroll et al., 2004b) et, lorsqu'ils sont au nombre de trois ou plus, les diagnostics de Syndrome post-commotionnel (World Health Organization–WHO, 1992) ou de Trouble postcommotionnel (American Psychiatric Association–APA, 1994) peuvent être envisagés.

À l'heure actuelle, il existe deux regroupements de critères qui permettent d'émettre un diagnostic clinique sur la base des symptômes rapportés suite à un TCCL : 1) le Syndrome post-commotionnel répertorié dans la Classification internationale des maladies–10e édition (WHO, 1992) et 2) le Trouble postcommotionnel identifié dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux–4e édition (APA, 1994). Globalement, en plus des symptômes requis, le diagnostic de Syndrome post-commotionnel requiert la présence de préoccupations de nature hypocondriaque et d'une baisse d'estime de soi en raison d'une humeur anxio-dépressive. Le diagnostic de Trouble postcommotionnel requiert quant à lui la présence d'une atteinte objective de l'attention ou de la mémoire et d'une altération significative du fonctionnement sociooccupationnel. Bien que ces deux entités diagnostiques présentent des perspectives théoriques différentes, elles se rejoignent sur le nombre de symptômes requis, lequel est fixé à trois ou plus. De plus, les symptômes attendus sont relativement similaires. Des études récentes ont toutefois mis en évidence que les diagnostics de Syndrome post-commotionnel et de Trouble postcommotionnel pouvaient être associés à certaines limites, dont un faible support empirique (Carroll et al., 2004b), des difficultés d'opérationnalisation (Carroll et al., 2004b; Kashluba et al., 2006), un manque de spécificité de certains symptômes (Iverson et Lange, 2003; Kashluba et al., 2006) et des taux de prévalence considérablement différents (Boake et al., 2005; McCauley et al., 2007; McCauley et al., 2005). Ainsi, l'utilisation de tels diagnostics demeure toujours équivoque. Dans cette optique, le rapport du Task Force (Carroll et al., 2004b) qui avait pour mandat de dégager les lignes directrices en fonction des preuves scientifiques les plus évidentes sur de grands thèmes entourant le TCCL (dont le pronostic) recommande d'utiliser la terminologie « symptômes persistants à trois mois ». Dans la présente étude, cette appellation sera utilisée à titre de catégorie diagnostique pour remplacer les termes Syndrome post-commotionnel et Trouble post-commotionnel dont l'utilisation est remise en question. Le critère de trois symptômes ou plus sera toutefois conservé comme seuil clinique.

L'explication des causes sous-jacentes aux symptômes rapportés après un TCCL est un sujet qui est depuis longtemps débattu dans les écrits scientifiques. Plusieurs hypothèses ont été émises dans le but de déterminer si l'apparition des symptômes et, surtout, leur maintien dans le temps, étaient attribuables à des changements neurologiques causés directement par l'atteinte traumatique ou plutôt à d'autres facteurs précédant ou suivant le traumatisme. Globalement, les données les plus récentes suggèrent que le TCCL pourrait induire initialement des symptômes qui relèveraient d'un dysfonctionnement cérébral aigu réversible (ex. : changements neurométaboliques, lésions axonales traumatiques), mais la persistance des symptômes serait liée davantage à des éléments personnels et environnementaux pré- et péri-accidentels (ex. : événements de vie stressants antérieurs, recherche d'une indemnisation financière) (pour une revue de la littérature, voir Carroll et al., 2004b; Iverson, 2005; King, 2003; Mittenberg et Strauman, 2000; Ruff, 2005; Ryan et Warden, 2003). Certes, il demeure pour l'instant difficile d'évaluer avec précision les causes qui peuvent être à l'origine des symptômes et entraîner leur persistance, soulignant ainsi la pertinence de poursuivre les recherches afin de parvenir à une meilleure compréhension du pronostic de récupération après un TCCL (Carroll et al., 2004b). Quoiqu'il en soit, une des raisons qui semblent rendre complexe l'analyse du pronostic post-TCCL est la dimension auto-rapportée des symptômes, leur identification reposant sur la perception de l'individu à l'égard de sa condition. La perception des symptômes pourrait notamment être influencée par les attentes de l'individu quant aux conséquences qu'il appréhende suite à un TCCL. (Ferguson et al., 1999; Gunstad et Suhr, 2001; Hahn, 1997; Mittenberg et al., 1992). Dans cette perspective, des travaux de Nolin et al. (2006), d'Iverson et al. (2010) et de Villemure et al. (sous presse) ont démontré que l'évaluation des symptômes basée sur un questionnaire de type checklist pouvait influencer à la hausse les symptômes rapportés comparativement à une méthode d'identification libre. Ainsi, la perception des symptômes et leur incidence pourraient varier selon l'approche évaluative utilisée. Clairement, les symptômes rapportés après un TCCL se prêtent à la subjectivité et constituent l'une des principales indications du niveau de fonctionnement postaccidentel. Il s'avère donc important de s'attarder à leur évaluation. À notre connaissance, aucune étude ne s'est intéressée à la prédiction des symptômes persistants à trois mois post-TCCL sur la base des méthodes d'évaluation par « identification libre » versus par « questionnaire de type checklist ».

L'objectif de cette étude était de prédire le risque de persistance des symptômes à trois mois post-TCCL à partir des symptômes rapportés initialement lors de la première semaine selon deux méthodes d'évaluation (c.- à-d. une méthode basée sur une identification libre, dite « spontanée », et une autre, basée sur un questionnaire de type checklist, dite « suggérée »). Premièrement, il était attendu que les participants qui rapportaient trois symptômes ou plus à la première semaine post-TCCL selon les deux méthodes d'évaluation auraient un risque plus élevé de voir leurs symptômes persister à trois mois. Deuxièmement, il était attendu qu'un plus grand nombre de participants parmi ceux qui avaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL rapporteraient trois symptômes ou plus à la première semaine en utilisant la méthode suggérée comparativement à la méthode spontanée. Troisièmement, il était attendu que les participants qui présentaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL rapporteraient à la première semaine des symptômes en plus grande quantité selon la méthode suggérée, mais avec une plus grande variété selon la méthode spontanée.

 

Méthode

Participants

L'échantillon (n = 354) était composé de 248 hommes (70.1%) et de 106 femmes (29.9%) dont l'âge variait de 14 à 82 ans (M = 37.25 ans; É-T = 18.13 ans). De ces participants, 193 avaient complété 12 années d'études ou moins (54.5%) et 161 plus de 12 années (45.5%). La majorité occupait un emploi (58.8%) au moment du TCCL. Les autres étaient aux études (22.6%), sans emploi (5.6%) ou à la retraite (13%).

Les principales causes du TCCL étaient les chutes (31.9%), les accidents de la route (24.3%) et les incidents lors d'activités sportives ou récréatives (20.1%). Les autres causes se répartissaient comme suit : accident de vélo (7.9%), impact à la tête d'un objet statique ou en mouvement (6.2%), accident de véhicule tout terrain (4.2%), coup lors d'un assaut/bataille (2.8%) et piéton heurté par un véhicule (2.5%). Le tableau 1 présente plus en détail la distribution des participants selon les critères diagnostiques du TCCL recommandés par le Task Force (Carroll et al., 2004a).

 

 

Procédure et mesure

Cette étude a été menée en collaboration avec le Centre de recherche en traumatologie du Centre hospitalier universitaire affilié de Québec (axe de traumatologie et de médecine d'urgence) et s'inscrit dans le cadre d'un projet de recherche plus large sur le TCCL. Le déroulement a eu lieu sur une période de 36 mois (novembre 2005 à décembre 2008) dans cinq centres hospitaliers du Québec (Canada) désignés en traumatologie (Centre hospitalier universitaire affilié de Québec, Hôtel-Dieu de Lévis, Hôpital Charles- LeMoyne de Longueuil, Centre Hospitalier Régional de Trois-Rivières et Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal). Le recrutement des participants a été effectué selon une procédure préétablie où chacun acceptait sur une base volontaire d'être contacté dans le cadre d'un suivi téléphonique en lien avec son TCCL. Les participants ont été sélectionnés selon des critères spécifiques. Un individu était inclus dans l'échantillon si le TCCL pour lequel il consultait était documenté au dossier médical, répondait aux critères diagnostiques de la définition du Task Force (Carroll et al., 2004a), remontait à 24 heures ou moins et ne nécessitait pas d'hospitalisation. De plus, tout individu âgé de moins de 14 ans, ou inapte, ou refusant d'être contacté, ou ne comprenant ni le français ni l'anglais était exclu. Enfin, tous les participants avaient préalablement fourni leur consentement selon un formulaire approuvé par le Comité d'Éthique de la Recherche de chacun des centres hospitaliers impliqués. Pour les individus de 14 à 18 ans, le consentement était obtenu auprès de l'autorité parentale.

Globalement, la procédure d'évaluation consistait en trois entrevues téléphoniques d'environ 10- 15 minutes réalisées à une semaine (5-10 jours), à un mois (23-33 jours) et à trois mois (85-95 jours) post- TCCL. Il est à préciser que dans cette étude seules les prises de mesure effectuées à une semaine et à trois mois ont été considérées. Chacune des entrevues visait à évaluer les symptômes selon deux méthodes d'investigations distinctes (c.-à-d. la méthode spontanée et la méthode suggérée). À ces informations s'ajoutaient pour chacun des participants les données diagnostiques recueillies de manière systématique au Département d'urgence qui faisaient partie intégrante du dossier médical.

Méthode 1: Méthode spontanée

La première partie de l'entrevue téléphonique consistait à répertorier les symptômes rapportés par le participant de manière spontanée, c'est-à-dire en ne lui fournissant aucun exemple. Cette méthode porte le nom de « méthode spontanée » tout au long du texte. L'évaluateur posait la question suivante : « J'aimerais d'abord savoir si vous avez encore des symptômes à cause de votre traumatisme craniocérébral léger et, si oui, lesquels? ». Aucune autre question n'était posée. L'évaluateur prenait en note tous les symptômes nommés par le participant. Pour chacun des participants, un score total de symptômes était calculé (1 point attribué par symptôme rapporté).

Méthode 2: Méthode suggérée

La deuxième partie de l'entrevue téléphonique consistait à répertorier les symptômes rapportés par le participant de manière suggérée, c'est-à-dire en lui proposant une liste de symptômes généralement rencontrés suite à un TCCL (selon un questionnaire de type checklist). Cette méthode, toujours subséquente à la première, porte le nom de « méthode suggérée » tout au long du texte. L'évaluateur se rapportait au Rivermead Post Concussion Symptoms Questionnaire (RPQ; King et al., 1995) et donnait au participant la consigne suivante : « Je vais maintenant vous lire une liste de symptômes. Pour chacun de ces symptômes, j'aimerais que vous me disiez si vous avez présentement (ou aviez dans les 24 dernières heures) ce symptôme à cause de votre traumatisme craniocérébral léger ». Le RPQ consiste en une liste de 16 symptômes parmi les plus souvent rapportés après un TCCL pour lesquels le répondant doit estimer leur gravité selon une cote de 0 (« jamais éprouvé ») à 4 (« est un problème sévère »). À partir de cet instrument, l'évaluateur prenait en note tous les symptômes identifiés par le participant. Pour chacun des participants, un score total de symptômes a été calculé. Il est à préciser que les symptômes ont été analysés selon le critère « symptôme présent ou absent » (1 point attribué par symptôme rapporté) afin de permettre la comparaison entre les deux méthodes d'évaluation.

Analyse des données

Une analyse de régression logistique a été effectuée afin de prédire la persistance des symptômes à trois mois post-TCCL à partir des symptômes rapportés initialement à la première semaine selon les méthodes d'évaluation spontanée et suggérée en incluant les critères diagnostiques de la définition du TCCL (c.-à-d. la confusion/désorientation, la perte de conscience, l'amnésie post-traumatique, les anomalies neurologiques transitoires et le score à l'échelle de coma de Glasgow). Les variables ont été entrées dans un même bloc. Les étapes qui ont permis de réaliser ce type d'analyse sont les suivantes.

Les critères diagnostiques de confusion/désorientation, de perte de conscience, d'amnésie post-traumatique et d'anomalies neurologiques transitoires ont été traités comme des variables dichotomiques (selon leur présence ou leur absence). Le score à l'échelle de coma de Glasgow a quant à lui été considéré comme une variable continue (selon les valeurs de 13, 14 ou 15). En ce qui concerne les symptômes rapportés à la première semaine post- TCCL selon les méthodes d'évaluation spontanée et suggérée, il a été nécessaire de transformer les scores totaux obtenus afin de créer des variables dichotomiques. Pour ce faire, les participants ont été distribués dans deux groupes selon qu'ils rapportaient soit « trois symptômes ou plus », soit « moins de trois symptômes ». Par exemple, un participant qui rapportait cinq symptômes à une semaine post-TCCL selon la méthode suggérée était assigné au groupe avec trois symptômes ou plus selon la méthode suggérée alors qu'un participant qui rapportait deux symptômes à une semaine post-TCCL selon la méthode suggérée était assigné au groupe avec moins de trois symptômes selon la méthode suggérée. La même procédure a été appliquée à la méthode spontanée. Le choix du critère de trois symptômes ou plus a été fait sur la base du nombre de symptômes requis dans la démarche diagnostique du Syndrome post-commotionnel ou du Trouble post-commotionnel tel que présenté en introduction. En somme, les cinq critères diagnostiques de la définition du TCCL ainsi que les symptômes qui ont été rapportés lors de la première semaine post-TCCL selon la méthode spontanée et selon la méthode suggérée constituaient les variables prédictives (ou indépendantes).

La persistance des symptômes à trois mois post- TCCL a été définie sur la base du critère de trois symptômes ou plus à partir du score obtenu selon la méthode suggérée au troisième mois, et ce toujours en référence au nombre de symptômes requis d'après les diagnostics de Syndrome post-commotionnel ou de Trouble post-commotionnel. Ainsi, les symptômes persistants ont également été traités comme une variable ichotomique. Par exemple, un participant qui rapportait six symptômes à trois mois post-TCCL selon la méthode suggérée était considéré comme ayant une symptomatologie persistante alors qu'un participant qui rapportait deux symptômes à trois mois post-TCCL, toujours selon la méthode suggérée, n'était pas considéré comme ayant une symptomatologie persistante. Seule la méthode suggérée a été prise en considération puisque l'évaluation de la persistance des symptômes repose dans la pratique sur l'utilisation de questionnaires de type checklist (c'est-à-dire que le critère de trois symptômes ou plus des diagnostics de Syndrome post-commotionnel et de Trouble postcommotionnel doit être évalué selon la présentationd'une liste de symptômes). Tout au long du texte, la notion de persistance des symptômes signifiait qu'un participant rapportait trois symptômes ou plus (cognitifs, psychologiques et/ou physiques) à trois mois selon la méthode suggérée. Les symptômes persistants à trois mois post-TCCL selon la méthode suggérée représentaient donc la variable à prédire (ou dépendante).

 

Résultats

Une analyse de régression logistique a été effectuée afin de prédire le risque de persistance des symptômes à trois mois post-TCCL à partir des symptômes rapportés initialement à la première semaine selon les méthodes d'évaluation spontanée et suggérée en incluant les critères diagnostiques du TCCL. Des analyses descriptives ont par la suite été réalisées afin d'étudier plus en profondeur, en regard des deux méthodes d'évaluation, les symptômes qui ont été rapportés à la première semaine post-TCCL par le sousgroupe de participants qui présentaient des symptômes persistants à trois mois.

Prédiction du risque de persistance des symptômes à trois mois post-TCCL à partir des symptômes rapportés à la première semaine selon les méthodes spontanée et suggérée

L'examen de l'équation de régression logistique permet de constater, selon le tableau 2, que seules les deux méthodes d'évaluation utilisées dans l'évaluation des symptômes rapportés à la première semaine post-TCCL permettaient de prédire le risque de persistance des symptômes à trois mois lorsque les autres variables étaient tenues constantes dans l'équation. En effet, l'analyse des coefficients bêta, selon le critère de Wald, indique, d'une part, que la présence de trois symptômes ou plus rapportés à la première semaine post-TCCL selon la méthode spontanée [? 2(1, N = 354) = 6.65, p < .01] et la méthode suggérée [? 2(1, N = 354) = 26.35, p < .001] prédisaient significativement la persistance des symptômes à trois mois. D'autre part, les variables qui correspondaient aux critères diagnostiques du TCCL n'étaient pas significatives et, par conséquent, ne contribuaient pas à prédire la persistance des symptômes. La variance expliquée des symptômes persistants à trois mois post-TCCL avec l'ensemble des variables incluses dans le modèle de prédiction se situait entre 15.9% (selon le R2 de Cox & Snell) et 22.8% (selon le R2 de Nagelkerke). Le modèle expliquait donc entre 16% et 23% de la variation de la persistance des symptômes à trois mois post-TCCL.

L'analyse des odds-ratios permet de constater, toujours selon le tableau 2, qu'un changement d'unité de la variable « symptômes rapportés à une semaine selon la méthode spontanée » augmentait de 2.24 les chances de prédiction de la persistance des symptômes à trois mois post-TCCL et qu'un changement d'unité de la variable « symptômes rapportés à une semaine selon la méthode suggérée » augmentait de 5.82 ces mêmes chances de prédiction. Donc, les participants qui rapportaient trois symptômes ou plus à la première semaine post-TCCL selon la méthode spontanée et la méthode suggérée avaient respectivement deux fois plus de risque et près de six fois plus de risque de voir leurs symptômes se maintenir à trois mois que ceux qui présentaient moins de trois symptômes également lors de la première semaine post-TCCL.

 

 

Description des symptômes rapportés à la première semaine post-TCCL par le sous-groupe de participants qui présentait une symptomatologie persistante à trois mois

Dans le but d'approfondir le profil symptomatologique initial des participants qui présentaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL, cette section des résultats vise à décrire les symptômes rapportés à la première semaine par ce sousgroupe selon les méthodes d'évaluation spontanée et suggérée. Le tableau 3 présente chacun des symptômes rapportés à la première semaine selon les deux méthodes d'évaluation. Ces symptômes sont regroupés à l'intérieur de trois catégories distinctes (c.-à-d. symptômes cognitifs, psychologiques et physiques). L'analyse des données présentées dans ce tableau permet de dégager trois constats généraux. Premièrement, les symptômes cognitifs, psychologiques et physiques rapportés à la première semaine selon les deux méthodes d'évaluation n'étaient pas exactement les mêmes. Par exemple, il est possible de remarquer qu'il y avait cinq symptômes physiques issus de la méthode spontanée (c.-à-d. douleur physique, pertes d'équilibre, engourdissements, problèmes d'audition et diminution de l'appétit) qui ne ressortaient pas selon la méthode suggérée et deux symptômes physiques issus de la méthode suggérée (c.-à-d. sensibilité accrue au bruit et sensibilité accrue à la lumière) qui neressortaient pas selon la méthode spontanée. Ainsi, les symptômes initiaux du sous-groupe de participants ayant une symptomatologie persistante étaient rapportés avec une plus grande variété selon la méthode spontanée. Deuxièmement, les symptômes rapportés à la première semaine post-TCCL étaient nettement plus fréquents selon la méthode suggérée, et ce pour la totalité des mesures effectuées (c.-à-d. pour le total, les catégories et les types de symptômes). Par exemple, les participants rapportaient en moyenne 1.97 symptôme selon la méthode spontanée et 6.73 selon la méthode suggérée. Clairement, ils rapportaient un plus grand nombre de symptômes cognitifs, psychologiques et physiques selon la méthode suggérée. Ainsi, la méthode suggérée incitait davantage les participants du sousgroupe ayant une symptomatologie persistante à adhérer aux symptômes proposés en période initiale d'évolution. Troisièmement, les symptômes rapportés à la première semaine post-TCCL relevaient principalement de la catégorie physique, et ce peu importe la méthode d'évaluation utilisée. Les symptômes cognitifs arrivaient en deuxième et les symptômes psychologiques, quant à eux, étaient rarement rapportés (particulièrement selon la méthode spontanée). Dans l'ensemble, les symptômes les plus souvent signalés étaient la fatigue, les maux de tête, les étourdissements, les problèmes de sommeil et la douleur physique. Les symptômes cognitifs suivaient avec le ralentissement de la pensée, les difficultés de concentration et les pertes de mémoire. Ainsi, les symptômes physiques rapportés initialement par le sousgroupe de participants ayant une symptomatologie persistante prédominaient indépendamment de la méthode d'évaluation utilisée.

Enfin, toujours en ce qui concerne le sous-groupe de participants qui présentaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL, il est à souligner qu'un plus grand pourcentage de ces participants (par rapport à l'échantillon total) rencontrait le seuil de trois symptômes ou plus à la première semaine selon la méthode suggérée. Cette observation n'est pas surprenante lorsqu'on compare les taux de fréquences des symptômes rapportés pour les deux méthodesd'évaluation. Ainsi, 35.3% des 102 participants qui présentaient des symptômes persistants à trois mois rapportaient trois symptômes ou plus à la première semaine selon la méthode spontanée. Ce pourcentages'accentuait nettement selon la méthode suggérée et passait à 87.3%. Donc, le critère de trois symptômes ou plus évalué à la première semaine d'évolution post- TCCL était plus souvent atteint lorsqu'un questionnaire de type checklist était présenté aux participants qui avaient une symptomatologie persistante à trois mois.

 

Discussion

L'objectif de cette étude était de prédire le risque de persistance des symptômes à trois mois post- TCCL à partir des symptômes rapportés initialement lors de la première semaine selon deux méthodes d'évaluation : 1) la méthode spontanée qui consistait en une identification libre et 2) la méthode suggérée qui se basait sur un questionnaire de type checklist. Premièrement, il était attendu que les participants qui rapportaient trois symptômes ou plus à la première semaine post-TCCL selon les deux méthodes d'évaluation auraient un risque plus élevé de voir leurs symptômes persister à trois mois. Deuxièmement, il était attendu qu'un plus grand nombre de participants parmi ceux qui avaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL rapporteraient trois symptômes ou plus à la première semaine en utilisant la méthode suggérée comparativement à la méthode spontanée. Troisièmement, il était attendu que les participants qui présentaient des symptômes persistants à trois mois post-TCCL rapporteraient à la première semaine des symptômes en plus grande quantité selon la méthode suggérée, mais avec une plus grande variété selon la méthode spontanée. Les résultats obtenus ont permis de confirmer ces trois hypothèses.

Sans équivoque, les participants qui rapportaient trois symptômes ou plus à la première semaine post- TCCL présentaient un risque plus élevé de développer une symptomatologie persistante. En regard des oddsratios issues de la régression logistique, ce risque était présent pour les deux méthodes d'évaluation et semblait s'accentuer pour la méthode suggérée. Il est à souligner que les critères diagnostiques du TCCL ne contribuaient pas à prédire significativement le risque de persistance des symptômes. Ce résultat concorde avec les études qui attirent l'attention sur le fait que la gravité des critères diagnostiques qualifiant le TCCL ne permettrait pas d'expliquer de manière convaincante le maintien des symptômes au-delà de la période de récupération habituelle de plus ou moins trois mois (Carroll et al., 2004b; Iverson, 2005; McCrea, 2008). À propos du sous-groupe de participants qui présentait une symptomatologie persistante à trois mois post-TCCL, il est à noter que les symptômes rapportés à la première semaine étaient nettement plus fréquents selon la méthode suggérée. Aussi, comme la méthode suggérée incitait ces participants à rapporter davantage de symptômes, le critère de trois symptômes ou plus était donc plus souvent atteint. Globalement, ces résultats supportent des résultats de recherches antérieures (Iverson et al., 2010; Nolin et al., 2006; Villemure et al., sous presse) qui ont démontré que l'utilisation d'une méthode d'évaluation des symptômes basée sur un questionnaire de type checklist pouvait augmenter la fréquence des symptômes rapportés par rapport à une méthode d'identification libre. À notre connaissance, la présente étude est la première à s'intéresser à la prédiction de la persistance des symptômes à trois mois post-TCCL sous l'angle de deux méthodes d'évaluation distinctes utilisées dans l'évaluation des symptômes rapportés en phase initiale d'évolution post-accidentelle.

 

 

Les résultats présentés dans cette étude concordent avec des modèles théoriques sociopsychologiques qui ont mis en évidence l'influence des ttentes personnelles à l'égard des répercussions anticipées après un TCCL sur la perception des symptômes. Ces modèles incluent notamment le nocebo effect (Hahn, 1997), le expectation as etiology (Ferguson et al., 1999; Mittenberg et al., 1992) et le good old days bias (Gunstad et Suhr, 2001), lesquels suggèrent que des appréhensions négatives suite à un TCCL pourraient conduire à une surestimation ou à une idéalisation de l'état pré-accidentel versus la condition post-accidentelle et, de ce fait, renforcer l'apparition et le maintien des symptômes. Ainsi, il est possible que ertains symptômes soient attribués au TCCL alors qu'ils peuvent, en réalité, résulter d'autres influences, voire être déjà présents antérieurement. Dans cette perspective, l'aspect subjectif des symptômes constitue un facteur à considérer lorsque vient le temps de procéder à leur évaluation à partir d'un questionnaire de type checklist où les symptômes les plus communs suite à un TCCL sont suggérés. Il s'agit d'un point important dans la compréhension de l'évaluation des symptômes et de leur signification clinique. Les résultats de la présente étude supportent l'idée que les attentes personnelles en regard des répercussions appréhendées après un TCCL peuvent influencer la perception des symptômes et les attributions qui en découlent, ce qui par conséquent peut interférer sur l'évaluation. En effet, l'analyse descriptive du profil symptomatologique des participants qui avaient des symptômes persistants àtrois mois post-TCCL soulève certaines différences concernant les « schèmes de réponses » reliés aux symptômes rapportés à la première semaine en regard des méthodes d'évaluation spontanée et suggérée. Premièrement, les symptômes rapportés étaient nettement plus fréquents selon la méthode suggérée. Deuxièmement, les types de symptômes rapportés différaient d'une méthode à l'autre avec une plus grande variété pour la méthode spontanée. Troisièmement, les principaux symptômes rapportés selon les deux méthodes d'évaluation n'étaient pas exactement les mêmes, bien qu'ils appartenaient à la catégorie physique. Ainsi, les participants qui présentaient une symptomatologie persistante avaient une perception différente de leurs symptômes en fonction de la méthode d'évaluation utilisée. Comme les symptômes étaient nettement plus fréquents selon la méthode suggérée, le fait de présenter des symptômes à ce sous-groupe de participants pouvait les inciter à percevoir plusdéfavorablement leur condition post-TCCL et à devenir des candidats à risque plus élevé de satisfaire aux critères diagnostiques du Syndrome post-commotionnel ou du Trouble post-commotionnel. Sous un angle clinique, l'adhésion à de multiples symptômes en phase initiale d'évolution pourrait ainsi être interprétée comme un signe potentiellement annonciateur de la persistance des symptômes.

Les retombées pratiques qui découlent de cette étude sont d'un grand intérêt. Les résultats issus de la régression logistique ont permis de constater qu'il était possible de prédire le risque de persistance des symptômes à trois mois post-TCCL à partir des symptômes rapportés initialement durant la première semaine d'évolution post-accidentelle. Précisément, les participants qui présentaient hâtivement le profil de trois symptômes ou plus à la première semaine selon les méthodes d'évaluation spontanée et suggérée étaient plus susceptibles de voir leurs symptômes se maintenir à plus long terme. D'après les odds-ratios, ce risque, présent pour les deux méthodes d'évaluation, semblait plus prononcé lorsque l'évaluation reposait sur un questionnaire de type checklist. En ce sens, il est possible de penser que la méthode basée sur un questionnaire de type checklist puisse favoriser l'identification des cas à risque de développer une symptomatologie persistante partant du fait qu'elle permette une plus grande expression des symptômes. D'un autre côté, il serait justifié de se demander si cette même méthode, par sa nature, pourrait contribuer àl'apparition et au maintien des symptômes justement parce qu'elle incite à une plus grande adhésion aux symptômes proposés. La question est donc de savoir si la méthode basée sur un questionnaire de type checklist, par rapport à la méthode basée sur une identification libre, peut être associée à une plus grande sensibilité dans l'évaluation des symptômes ou, au contraire, à une plus faible spécificité. Quoiqu'il en soit, les résultats obtenus soulignent l'importance d'intervenir rapidement après le TCCL dans le but de prévenir le risque de persistance des symptômes et les répercussions possibles sur la reprise des habitudes et des activités antérieures. De l'avis du Task Force (Carroll et al., 2004b), la mise en évidence d'indicateurs précoces et fiables constitue une étape essentielle du processus de dépistage et d'intervention suite à un TCCL. À l'heure actuelle, en regard des données les plus probantes, il est recommandé d'intervenir selon une approche préventive, précoce et à court terme dont les objectifs evraient surtout viser à informer, rassurer, conseiller et encadrer l'individu après un TCCL (Paniak et al., 2000; Paniak et al., 1998; Ponsford et al., 2002). Le but de ce type d'intervention est donc de prévenir l'apparition de symptômes qui pourraient persister et de réduire le risque de répercussions possibles sur le plan fonctionnel. Pour ce faire, il est impératif de mettre à la dispositiondes cliniciens des indications claires en termes de lignes directrices, ou du moins de repères, afin de guider leurs décisions et leurs interventions concernant la détection et la gestion des cas à risque de symptomatologie persistante. Des recherches supplémentaires sont toujours nécessaires dans ce domaine (Carroll et al., 2004b). À la lumière des présents résultats, le fait de rapporter trois symptômes ou plus en phase initiale d'évolution post-TCCL pourrait être considéré comme un indicateur pronostique susceptible d'augmenter le risque de développer une symptomatologie persistante (en complémentarité avec d'autres facteurs comme l'âge avancé, la présence de facteurs de stress récents, laconcomitance de blessures physiques ou la recherche d'une indemnisation financière). Concrètement, le fait de présenter trois symptômes ou plus à la première semaine pourrait être considéré comme une mise en garde suggérant un risque plus élevé d'évolution atypique ou négative.

Cette étude présente certaines limites. Premièrement, soulignons que les symptômes ont été évalués uniquement selon une procédure basée sur une identification libre (méthode spontanée) et un questionnaire de type checklist (méthode suggérée). Cette procédure d'évaluation peut être considérée comme subjective en ce sens que les symptômes recueillis dépendent uniquement de la perception du épondant en regard de sa condition post-TCCL (en anglais, l'expression « self-reported symptoms » est utilisée afin de souligner cette notion de subjectivité). Des mesures plus objectives comme la réalisation d'une entrevue clinique par un spécialiste ou l'utilisation d'outils plus spécifiques (ex. : questionnaires psychologiques, tests cognitifs) auraient pu apporter une plus grande précision dans l'évaluation des symptômes. De telles mesures auraient pu avoir pour effet de limiter la possibilité de réponses biaisées qui peuvent provenir de l'utilisation d'une procédure basée uniquement sur une appréciation subjective de l'individu en regard de ses symptômes qu'il attribue au TCCL. Toutefois, il faut mentionner que la manière actuelle d'évaluer les symptômes suite à un TCCL, en clinique comme en recherche, repose sur l'utilisation de questionnaires de type checklist. Quoiqu'il en soit, le but de cette étude était d'évaluer la capacité de prédiction du risque de persistance des symptômes post-TCCL selon une méthode d'évaluation couramment utilisée (le questionnaire de type checklist) par rapport à une méthode qui pourrait être utilisée en complémentarité (l'identification libre). Deuxièmement, notons que l'utilisation du critère de trois symptômes ou plus pourrait, au premier abord, être considérée comme arbitraire. Il demeure actuellement difficile de se positionner sur le nombre de symptômes requis pour qu'il y ait considération ou raison d'agir sur le plan clinique. Généralement, plus les symptômes sont nombreux, moins bonne est la récupération. Mais, un seul symptôme peut parfois se révéler plus incommodant que trois symptômes estimés moins dérangeants. L'interprétation varie d'un cas à l'autre, ce qui rend incertain le choix d'un seuil clinique. Les diagnostics de Syndrome post-commotionnel et de Trouble post-commotionnel s'établissent entre autre à partir du critère de trois symptômes ou plus. Le seuil de trois symptômes ou plus utilisé dans la présente étude comme indice d'évolution négative repose donc sur ces données et paraît être le choix le plus approprié dans le contexte actuel. Dans de futures recherches, il serait toutefois pertinent d'utiliser les critères complets des diagnostics de Syndrome post-commotionnel ou de Trouble post-commotionnel (plutôt qu'uniquement le critère de trois symptômes ou plus) afin de mieux cibler le sous-groupe d'individus à risque d'évolution défavorable. Ceci nécessiterait de procéder systématiquement à une évaluation psychologique et cognitive pour chacun des participants d'un échantillon, mais permettrait d'augmenter la généralisation des résultats présentés. Troisièmement, mentionnons que la réalisation d'une évaluation en personne (plutôt que téléphonique) aurait pu comporter certains avantages. Bien que la voie téléphonique soit généralement plus simple et efficace, l'entrevue en personne aurait notamment permis d'accéder à de plus amples informations pouvant s'avérer utiles à l'élaboration d'impressions cliniques. Par exemple, l'évaluateur aurait été plus à même de questionner le répondant sur les raisons qui pourraient expliquer pourquoi ses symptômes variaient de la méthode spontanée à la méthode suggérée (ce qui représenterait un élément-clé dans la compréhension du problème). De plus, le contexte d'entretien en personne aurait pu constituer un avantage sur la qualité de la collaboration en ce sens qu'une telle façon de faire incite généralement les participants à fournir un meilleur niveau d'investissement à la tâche. Dans la présente étude, il aurait été cependant difficile de procéder autrement que par évaluation téléphonique étant donné la taille de l'échantillon.

En conclusion, la contribution majeure de cette étude a été de souligner que les participants qui rapportaient trois symptômes ou plus initialement à la première semaine post-TCCL avaient un risque plus élevé de développer une symptomatologie persistante à trois mois, et ce particulièrement lorsque l'évaluation de leurs symptômes s'effectuait selon un questionnaire de type checklist. Ce résultat met en relief la nécessité d'intervenir rapidement dans une visée préventive. Les cliniciens devraient être sensibilisés sur le risque plus élevé de persistance des symptômes à plus long terme lorsque ceux-ci sont rapportés en nombre relativement élevé dans la phase initiale d'évolution post-TCCL. Ce constat pourrait devenir un marqueur pronostique mis à leur disposition. Certes, l'évaluation du pronostic constitue une étape complexe qui exige de prendre en considération de multiples facteurs influents pré-, péri-, et post-traumatiques dont certains restent encore à clarifier. En ce sens, il s'avère primordial de continuer à travailler à mieux définir ces facteurs et à évaluer leur portée prédictive sur la symptomatologie post-TCCL dans le but de limiter les répercussions possibles sur le plan fonctionnel et d'orienter les interventions plus spécialisées qui peuvent être justifiées dans certaines circonstances.

 

Referências

American Congress of Rehabilitation Medicine (1993). Mild traumatic brain injury committee of the head injury interdisciplinary special interest group: Definition of mild traumatic brain injury. Journal of Head Trauma Rehabilitation, 8, 86-87.         [ Links ]

American Psychiatric Association (1994). Diagnostic and statistical manual of mental disorders. 4th ed. Washington: American Psychiatric Association.         [ Links ]

Bazarian, J. J., McClung, J., Shah, M. N., Cheng, Y. T., Flesher, W., & Kraus, J. (2005). Mild traumatic brain injury in the United States, 1998-2000. Brain Injury, 9, 85-91.         [ Links ]

Boake, C., McCauley, S. R., Levin, H. S., Pedroza, C., Contant, C. F., Song, J. X., Brown, S. A., Goodman, H.S., Brundage, S.I., Diaz-Marchan, P., & Merritt, S. G. (2005). Diagnostic criteria for postconcussional syndrome after mild to moderate traumatic brain injury. Journal of Neuropsychiatry and Clinical Neurosciences, 17, 350-356.         [ Links ]

Borg, J., Holm, L., Peloso, P. M., Cassidy, D., Carroll, L.J., von Holst, H., Paniak, C., & Yates, D. (2004). Nonsurgical intervention and cost for mild traumatic brain injury: Results of the WHO Collaborating Centre Task Force on Mild Traumatic Brain Injury. Journal of Rehabilitation Medicine, 43(Suppl), 76-83.         [ Links ]

Carroll, L. D., Cassidy, J. D., Holm, L., Kraus, J., & Coronado, V. G. (2004a). Methodological issues and research recommendations for mild traumatic brain injury: Results of the WHO Collaborating Centre Task Force on Mild Traumatic Brain Injury. Journal of Rehabilitation Medicine, 43(Suppl), 113-125.         [ Links ]

Carroll, L. D., Cassidy, J. D., Peloso, P. M., Borg, J., von Holst, H., Holm, L., Paniak, C., & Pépin, M. (2004b). Prognosis for mild traumatic brain injury: Results of the WHO Collaborating Centre Task Force on Mild Traumatic Brain Injury. Journal of Rehabilitation Medicine, 43(Suppl), 84-105.         [ Links ]

Cassidy, J. D., Carroll, L. J., Peloso, P. M., Borg, J., von Holst, H., Holm, L., Kraus, J., & Coronado, V.G. (2004). Incidence, risk factors and prevention of mild traumatic brain injury: Results of the WHO Collaborating Centre Task Force on Mild Traumatic Brain Injury. Journal of Rehabilitation Medicine, 43(Suppl), 28-60.         [ Links ]

Ferguson, R. J., Mittenberg, W., Barone, D. F., & Schneider, B. (1999). Postconcussion syndrome following sportsrelated head injury: Expectation as etiology. Neuropsychology, 13, 582-589.         [ Links ]

Fox, D. D., Lees-Haley, P. R., Ernest, K., & Dolezal-Wood, S. (1995). Post-concussive symptoms: Base rates and etiology in psychiatric patients. Clinical Neuropsychologist, 9, 89-92.         [ Links ]

Gasquoine, P. G. (2000). Postconcussional symptoms in chronic back pain. Applied Neuropsychology, 7, 83-89.         [ Links ]

Gouvier, W., Uddo-Crane, M., & Brown, L. (1988). Base rates of post-concussional symptoms. Archives of Clinical Neuropsychology, 3, 273-278.         [ Links ]

Gunstad, J., & Suhr, J. A. (2001). "Expectation as etiology" versus the "good old days": Postconcussion syndrome symptom reporting in athletes, headache sufferers, and depressed individuals. Journal of the International Neuropsychological Society, 7, 323-333.         [ Links ]

Hahn, R. (1997). The nocebo phenomenon: Concept, evidence, and implications for public health. Preventive Medicine, 26, 607-611.         [ Links ]

Iverson, G. L. (2006). Misdiagnosis of the persistent postconcussion syndrome in patients with depression. Archives of Clinical Neuropsychology, 21, 303-310.         [ Links ]

Iverson, G. L. (2005). Outcome from mild traumatic brain injury. Current Opinion in Psychiatry, 18, 301-317.         [ Links ]

Iverson, G. L., Brooks, B. L., Ashton, V. L., & Lange, R. T. (2010). Interview versus questionnaire symptom reporting in people with the postconcussion syndrome. Journal of Head Trauma Rehabilitation, 25, 23-30.         [ Links ]

Iverson, G. L., & Lange, R. T. (2003). Examination of "postconcussion-like" symptoms in a healthy sample. Applied Neuropsychology, 10, 137-144.         [ Links ]

Iverson, G. L., Lovell, M. R., & Smith, S. S. (2000). Does brief loss of consciousness affect cognitive functioning after mild head injury? Archives of Clinical Neuropsychology, 15, 643-648.         [ Links ]

Iverson, G. L., & McCracken, L. M. (1997). "Postconcussive" symptoms in persons with chronic pain. Brain Injury, 11, 783-790.         [ Links ]

Iverson, G. L., Zasler, N. D., & Lange, R. T. (2007). Postconcussive disorder. Dans N. D. Zasler, D. Katz, D. Zafonte (Eds). Brain injury medicine: Principles and practice. New York: Demos Medical Publishing Inc.         [ Links ]

Kashluba, S., Casey, J. E., & Paniak, C. (2006). Evaluating the utility of ICD-10 diagnostic criteria for postconcussion syndrome following mild traumatic brain injury. Journal of the International Neuropsychological Society, 12, 111-118.         [ Links ]

King, N. S. (2003). Post-concussion syndrome: clarity amid the controversy? British Journal of Psychiatry, 183, 276-278.         [ Links ]

King, N. S. (1997). Mild head injury: neuropathology, sequelae, measurement and recovery: a literature review. British Journal of Clinical Psychology, 36, 161-184.         [ Links ]

King, N. S., Crawford, S., Wenden, F. J., Moss, N. E. G., & Wade, D. T. (1995). The Rivermead post concussion symptoms questionnaire: A measure of symptoms commonly experienced after head injury and its reliability. Journal of Neurology, 242, 587-592.         [ Links ]

Lannsjö, M., Geijerstam, J. L., Johansson, U., Bring, J., & Borg, J. (2009). Prevalence and structure of symptoms at 3 months after mild traumatic brain injury in a national cohort. Brain Injury, 23, 213-219.         [ Links ]

Lundin, A., de Boussard, C., Edman, G., & Borg, J. (2006). Symptoms and disability until 3 months after mild TBI. Brain Injury, 20, 799-806.         [ Links ]

McCauley, S. R., Boake, C., Pedroza, C., Brown, S. A., Levin, H. S., Goodman, H. S., & Merritt, S. G. (2007). Correlates of persistent postconcusionnal disorder: DSMIV criteria versus ICD-10. Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology, 30, 360-379.         [ Links ]

McCauley, S. R., Boake, C., Pedroza, C., Brown, S. A., Levin, H. S., Goodman, H. S., & Merritt, S. G. (2005). Postconcussional disorder: Are the DSM-IV criteria an improvement over the ICD-10? Journal of Nervous and Mental Disease, 193, 540-550.         [ Links ]

McCrea, M. A. (2008). Mild traumatic brain injury and postconcussion syndrome: The new evidence base for diagnosis and treatment. New-York: Oxford University.         [ Links ]

McCrea, M., Kelly, J. P., Randolph, C., Cisler, R., & Berger, L. (2002). Immediate neurocognitive effects of concussion. Neurosurgery, 50, 1032-1042.         [ Links ]

Mittenberg, W., DiGuilio, D., Perrin, S., & Bass, A. (1992). Symptoms following mild head injury: Expectation as aetiology. Journal of Neurology, Neurosurgery, and Psychiatry, 55, 200-204.         [ Links ]

Mittenberg, W., & Strauman, S. (2000). Diagnosis of mild head injury and the postconcussion syndrome. Journal of Head Trauma Rehabilitation, 15, 783-791.         [ Links ]

Nolin, P., Villemure, R., & Héroux, L. (2006). Determining long-term symptoms following mild traumatic brain injury: Method of interview affects self-report. Brain Injury, 20, 1147-1154.         [ Links ]

Paniak, C., Toller-Lobe, G., Durand, A., & Nagy, J. (1998). A randomized trial of two treatments for mild traumatic brain injury. Brain Injury, 12, 1011-1023.         [ Links ]

Paniak, C., Toller-Lobe, G., Reynolds, S., Melnyk, A., & Nagy, J. (2000). A randomized trial of two treatments for mild traumatic brain injury: 1 year follow-up. Brain Injury, 14, 219-226.         [ Links ]

Ponsford, J., Willmott, C., Rothwell, A., Cameron, P., Kelly, A. M., Nelms, R., & Curran, C. (2002). Impact of early intervention on outcome following mild head injury in adults. Journal of Neurology, Neurosurgery, and Psychiatry, 73, 330-332.         [ Links ]

Ruff, R. (2005). Two decades of advances in understanding of mild traumatic brain injury. Journal of Head Trauma Rehabilitation, 20, 5-18.         [ Links ]

Ryan, L.M., & Warden, D.L. (2003). Post concussion syndrome. International Review of Psychiatry, 15, 310-316.         [ Links ]

Smith-Seemiller, L., Fow, N. R., Kant, R., & Franzen, M. D. (2003). Presence of post-concussion syndrome symptoms in patients with chronic pain vs mild traumatic brain injury. Brain Injury, 17, 199-206.         [ Links ]

Trahan, D. E., Ross, C. E., & Trahan, S. L. (2001). Relationships among postconcussional-type symptoms, depression, and anxiety in neurologically normal young adults and victims of brain injury. Archives of Clinical Neuropsychology, 16, 435-445.         [ Links ]

Villemure, R., Nolin, P., & Le Sage, N. (sous presse). Selfreported symptoms during post-mild traumatic brain injury in acute phase: Influence of interviewing method. Brain Injury.         [ Links ]

World Health Organization (1992). The ICD-10 classification of mental and behavioural disorders: Clinical descriptions and diagnostic guidelines. Geneva: World Health Organization.         [ Links ]

 

 

Endereço para correspondência: rene.villemure@uqtr.ca

Artícle reçu: 30/09/2010; Artícle revisé: 11/12/2010; Artícle accepté: 22/12/2010.

 

 

Remerciements : Les auteurs tiennent à souligner la collaboration de chacune des équipes des centres hospitaliers qui ont participé au recrutement des participants et remercier plus spécialement mesdames Patricia Chabot et Valérie Murat du Centre hospitalier universitaire affilié de Québec pour leur travail remarquable. La présente étude a également été rendue possible grâce à l'appui du Fonds de la recherche en santé du Québec (FRSQ) et des Instituts de la recherche en santé du Canada (IRSC).

Creative Commons License